La rébellion du M23 et les guerres récurrentes en République démocratique du Congo font craindre une forme de balkanisation de ce pays qui partage ses frontières avec neuf autres Etats.
Dans
une tribune parue dans lâhebdomadaire Jeune Afrique, Albert Rudatsimbura, le
patron de la radio rwandaise Contact FM, affirme que «si Kabila ne comprend pas
que la sécurité de toutes les communautés, y compris celle des rwandophones,
doit être garantie en priorité (â¦) alors, à long terme, Kinshasa perdra les
Kivus et probablement davantage».
Faut-il
voir dans ces déclarations une prédiction de la partition de la République
démocratique du Congo?
Le
mot «balkanisation» est même lancé. Et il se murmure que les guerres récurrentes
que connait ce pays, à lâinstar de la récente rébellion du M23 dans la province
du Nord-Kivu, seraient organisées dans cette optique.
Le clergé monte au front
L'Eglise
catholique, réunie au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo
(CENCO), sâest fermement opposée à ce quâelle considère comme un plan de
balkanisation exécuté sous plusieurs formes:
«Sur
le plan économique, par la présence de réseaux dâexploitation illégale des
ressources naturelles et sur le plan politique, par une intensification de la
présence inacceptable des milices et des groupes armés étrangers qui tuent,
violent et pillent, entraînant le déplacement forcé des populations congolaises
et une occupation irrégulière de notre territoire.»
Le
clergé congolais ajoute, dans un communiqué publié le 6 juillet, que lâintégrité
du territoire national nâest pas négociable.
En
réalité, câest le Rwanda qui est ainsi pointé du doigt. Car, comme lâexplique
Diangitukwa Fweley, un politologue, spécialiste de la région des Grands Lacs,
«les Rwandais se sentent étouffés à lâintérieur de leur pays qui est petit par
rapport à la densité de la population au kilomètre carré. Ils ne seraient pas
indifférents à lâélargissement de leur territoire vers lâEst de la RDC».
Dans
son dernier rapport, le groupe dâexperts des Nations unies sur la RDC évoque ces
visées du Rwanda à lâest du Congo démocratique.
A
la suite à ce rapport, le quotidien kinois Le Phare sâest, lui aussi, inquiété
des velléités sécessionnistes du Rwanda dans lâest de la RDC:
«Deux
objectifs sont poursuivis dans lâimmédiat: la sécession du Nord-Kivu, suivie,
peu après, de celle du Sud-Kivu», écrit le journal.
Ce
que confirme Honoré Ngbanda, président de lâApareco, Alliance des patriotes pour
la refondation du Congo et ancien conseiller spécial de lâex-président Mobutu
Sese Seko:
«Nous
sommes en train de vivre lâépopée finale dâun plan dâoccupation de lâest de la
RDC par le Rwanda. Ce processus a commencé depuis 1996 et a continué avec
lâassassinat de Laurent-Désiré Kabila (père de lâactuel président
congolais Joseph Kabila, Ndlr).»
Le Rwanda n'est pas le seul
Seulement
dâautres pays frontaliers à la RDC semblent également vouloir tirer profit de
lâinstabilité dans lâest du Congo.
«Le
Burundi comme lâOuganda ne rêvent que dâun espace de plus, fleuron de minerais
et dâagriculture. LâAngola veut prendre le territoire Kahemba, province du
Bandundu, et ses parages, détaille une source basée à Kinshasa.
En
2007, les militaires angolais ont envahi le territoire de Kahemba, situé à la
frontière avec lâAngola, remettant ainsi en cause les bornes frontalières entre
les deux pays, héritées de la colonisation.
Deux
ans après, en 2009, les militaires angolais ont encore occupé Sava Ina et Kuzi,
deux villages du territoire de Mbanza-Ngungu dans la province du Bas-Congo,
cette fois. Ils décideront de se retirer près dâun mois après.
En
2010, câétait au tour des militaires sud-soudanais dâoccuper le village de
Kimba. Ce village du territoire dâAru, dans le district de lâIturi, est
revendiqué par les autorités sud-soudanaises du district de Morobu.
Les
troupes rwandaises et ougandaises se sont affrontées à Kisangani, sur le sol
congolais en juin 2000, pour le contrôle de cette partie de la RDC.
L'impuissance de Kabila
Cette
guerre fera encore des victimes civiles du côté congolais et est connue sous le
nom de la guerre des six jours.
En
2001, les troupes ougandaises se retirent du sol congolais, un retrait de
façade, alors quâelles sont accusées de pillage des ressources.
Une
plainte des autorités congolaises sera déposée auprès de la Cour internationale
de justice en 2005.
Dans
sa requête, la République démocratique du Congo prie la cour de juger lâOuganda
pour des actes dâagression armée perpétrés par ce dernier au Congo.
Pour
les autorités congolaises:
«LâOuganda
sâest livrée à des actions militaires et paramilitaires en occupant le
territoire congolais et en soutenant activement, sur les plans militaire,
logistique, économique et financier, des forces irrégulières qui y
opéraient».
En
2007, les troupes ougandaises occuperont une partie du parc de Virunga en RDC.
La même année, dans le sud-est de la RDC, la province du Katanga va connaître la
crise avec la Zambie voisine.
Toute
chose qui amène Honoré Ngbanda de lâApareco à être très critique vis-à-vis du
régime de Kinshasa:
«On
ne peut même pas parler dâEtat dans ce pays. Un Etat ne peut pas laisser une
partie de son territoire aller à vau-lâeau, précise-t-il. Tout le gaz que nous
partageons en commun avec le Rwanda dans le lac Kivu est déjà exploité par le
Rwanda seul. Le pétrole des lacs Albert et Edouard, câest lâOuganda qui négocie
son exploitation. Aujourdâhui, la RDC nâexiste que sur papier.»
Dans
la province du Bas-Congo, lâexploitation du pétrole est en grande partie assurée
par lâAngola.
Dâaprès
le professeur Kasongo-Numbi Kashemukunda, géologue et professeur à lâuniversité
de Kinshasa, «lâAngola qui produit autour de 2 millions de barils par jour,
occupe, depuis 1989, tout lâespace maritime constituant le prolongement naturel
du territoire terrestre de la RDC. Ce pays a même découpé cet espace revenant à
la RDC en blocs pétroliers confiés à des sociétés qui lâexplorent et
lâexploitent à son compte.»
La pression des Occidentaux
Les
ONG Human Rights Watch et Global Witness ont même interpellé les Etats-Unis et
la Grande-Bretagne en leur suggérant de réduire ou carrément couper lâaide au
développement quâils accordent annuellement au Rwanda, à hauteur de 350 millions
de dollars américains.
La
suspension ou la suppression de lâaider serait, selon elles, lâunique message
que pourrait comprendre Paul Kagame, décrypte le quotidien le Phare.
Câest
chose faite. Lâaide militaire américaine au Rwanda vient dâêtre suspendue
depuis ce samedi 21 juillet.
Une
aide dâun montant symbolique de 164.000 euros destinée à financer une académie
militaire rwandaise, suspendue en raison du soutien du Rwanda à la rébellion du
M23 en République démocratique du Congo.
Soutien
que le Rwanda nie toujours. LâAgence France Presse qui reprend les propos
de Darby Holladay, porte-parole du département dâEtat américain indique que «le
gouvernement des Etats-Unis est gravement préoccupé par les preuves selon
lesquelles le Rwanda est impliqué dans la fourniture dâun soutien aux rebelles
congolais, dont le M23».
Faut-il
y voir un signe de changement de vent de la politique américaine? Ou bien un
désaveu de lâobjectif du Rwanda de sécession des deux Kivus à lâest de la
RDC?
Politiquement,
câest plus quâun message que les Etats-Unis envoient au Rwanda et à dâautres
membres de la communauté internationale. Câest une réelle prise de
distance.
JACQUES
MATAND/SLATE
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