lundi 7 avril 2014

Le Rwanda et l’Ouganda accusés de soutien au M23 par un nouveau rapport de l’ONU

RDC: l’Ouganda prêt à collaborer avec la CPI concernant le M23 


L'Ouganda est prêt à coopérer avec les autorités de RDC pour transférer certains membres du groupe rebelle du M23 devant la Cour pénale internationale (CPI). Depuis novembre 2013, plusieurs centaines de rebelles du M23, qui agissaient dans l'est de la RDC, sont sur le sol ougandais et la communauté internationale reproche régulièrement à Kampala de ne pas coopérer clairement.

« Nous sommes fatigués d'être accusé de soutenir les rebelles congolais » : interrogé par le Wall Street Journal, le secrétaire d'Etat, Henri Oryem Okello a insisté sur les bonnes dispositions du gouvernement ougandais, prêt dit-il à coopérer avec les autorités de RDC et la communauté internationale. En jeu, un éventuel transfert de leaders du M23 vers la Cour pénale internationale, des membres suspectés de viols, d'exécutions sommaires et de recrutement d'enfants soldats, lors de la rébellion qui a agité l'Est de la RDC pendant 20 mois.

A Kinshasa, on accueille les déclarations ougandaises avec soulagement : « C'est une très bonne chose dans la mesure où l'Ouganda s'était engagé dans l'accord-cadre signé à Addis-Abeba en 2013 de coopérer avec la justice internationale et avec la justice des pays signataires. On a eu à un moment donné une impression de flottement. Je pense ainsi que tout rentre dans l'ordre à partir du moment où ce sera suivi des faits », confirme le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mendé.


Qui sont les personnes visées par une éventuelle procédure devant la CPI ? Kinshasa refuse de donner des noms. Sur le millier de membres du M23 présents sur le territoire ougandais, 10% seraient concernées par des poursuites judiciaires expliquent les autorités congolaises. La plupart pourraient être traduits devant la justice de leur pays et quelques uns seulement présentés à la CPI.

Au sein du M23, on attend la position officielle de la Cour avant de se prononcer. Un représentant du mouvement précise que la grande majorité des membres du M23 réfugiés en Ouganda n’est pas concernée par ces poursuites et attend toujours la mise en œuvre d'une procédure d’amnistie, promise par Kinshasa en décembre 2013.

 http://www.rfi.fr/afrique/20140407-rdc-ouganda-pret-collaborer-cpi-concernant-le-m23/


RDC: les Hutus face au douloureux souvenir des massacres de 1996
"Un pasteur avait dit à ses fidèles que s'ils restaient ensemble dans une maison, les militaires rwandais ne feraient rien. Mais ils ont incendié la maison", raconte Ignace, revenant sur les massacres de Hutu dans l'est de la République démocratique du Congo en 1996-1997.

Vingt ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, ces massacres de Hutu en RDC sont toujours un sujet très sensible: Kigali considère leur évocation comme relevant du négationnisme, et Kinshasa n'a jamais véritablement enquêté sur le sujet.

"Ils ont beaucoup tué! Ils avaient mis des barrières et, si tu avais un nom hutu, on t'emmenait, on te disait que c'était pour sarcler les haricots, mais on te tuait!", s'emporte Chiza, une Hutu congolaise de Rutshuru.

Située à 50 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu, cette ville et le territoire du même nom ont été l'un des grands théâtres de ces tueries perpétrées après l'entrée de troupes rwandaises au Congo (à l'époque le Zaïre) en 1996.

Kigali soutenait alors les rebelles congolais de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila - père de l'actuel président, Joseph Kabila - qui allait renverser l'année suivante le dictateur Mobutu Sese Seko.

L'offensive a commencé dans les provinces du Sud et du Nord-Kivu, où des centaines de milliers de Hutu rwandais s'étaient réfugiés en 1994 pour fuir l'avancée du Front patriotique rwandais (FPR), qui stoppa cette année-là le génocide des Tutsi au Rwanda et prit le pouvoir à Kigali.

Pour les autorités rwandaises, il fallait mettre fin aux actions des génocidaires hutu qui menaient des attaques de harcèlement en territoire rwandais à partir des camps de réfugiés.

Une fois en territoire congolais, les militaires rwandais n'ont pas simplement traqué les génocidaires pour les éliminer: selon plusieurs habitants, ils ont visé indistinctement Hutu rwandais et congolais, civils, hommes, femmes, vieillards et enfants.

Les soldats de Kigali sont notamment accusés d'avoir organisé de fausses réunions de réconciliation pour rafler les hommes, qui étaient ensuite assassinés ou enrôlés comme chair à canon pour combattre dans les forces rebelles.

- Enquête de l'ONU -

"J'ai vu une femme enceinte, le ventre ouvert, le bébé sorti à côté d'elle, encore relié par le cordon. Le ventre de la mère était rempli de mouches", se souvient Chiza, membre d'une association de femmes.

Plus tard, les "1. 500 familles" du camp de déplacés hutu à Nyongera (à quelques kilomètres au nord de Rutshuru) "ont toutes été tuées", assure-t-elle. "Ils ont tué les gens instruits. Ils ont tué la jeunesse de Rutshuru!"

La traque des Hutu ne s'est pas limitée à l'Est. Devant l'avancée des troupes rwandaises et de l'AFDL, des centaines de milliers de Hutu fuient vers l'ouest pendant des semaines sur un parcours de plus de 1. 000 km, jalonné de fosses communes.

Premier à avoir enquêté sur ces massacres pour le compte de l'ONU, dès avril 1997, le Chilien Roberto Garreton se souvient être arrivé assez vite à la conclusion qu'ils avaient fait "environ 150. 000 morts".

"Il y avait beaucoup d'indices montrant que le but était d'exterminer ceux qui ont commis le génocide" contre les Tutsi, a-t-il dit à l'AFP par téléphone de Santiago.

Mais "ce n'était pas possible de dire avec certitude qu'il y avait génocide", c'est-à-dire volonté d'exterminer tout un groupe ethnique, ajoute-t-il.

Constamment gênée par les autorités congolaises, l'enquête de l'ONU mettra des années pour arriver en 2010 à la conclusion que "les attaques en apparence systématiques et généralisées" perpétrées par les troupes rwandaises et l'AFDL contre les Hutu "révèlent plusieurs éléments accablants qui, s'ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide".

Assistant social hutu congolais, Jonas (les prénoms ont été changés) se souvient que "fin octobre-début novembre" 1996 plusieurs dizaines de personnes au moins avaient été "rassemblées dans la résidence du chef du bureau du territoire de Rutshuru et conduites dans la prison un peu plus loin".

"Vers 18h00 ou 19h00, on prenait des groupes de 5 ou 10 personnes, on les ligotait, on les emmenait ici, et on les tuait avec une petite houe", relate-il en montrant, à quelques mètres de la prison, le lieu d'exécution et le trou - aujourd'hui envahi d'herbes folles - où les corps étaient jetés. Les ossements ont été sortis lors de l'exhumation de la fosse en 2005.

Olivier, lui, dit avoir échappé à un "massacre planifié" fin 1996 à Rwanguba, à une dizaine de kilomètres à l'est de Rutshuru. "Un matin, quand on est revenu, on a retrouvé ceux qui n'avaient pas fui: ils étaient ligotés, et leur cerveau avait été arraché à la hache", raconte-t-il, affirmant, comme d'autres, que les attaques ont parfois aussi visé des non-Hutu.

Près de vingt ans après les faits, les responsables de ces crimes de masse, comme ceux de bien d'autres commis dans les années suivantes en RDC, n'ont pas été inquiétés.
 
 
Distribuer Par Jacques E. Muzani Nilabwe

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