lundi 6 mai 2013

« L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi »/ Les mensonges de Thierry Michel

 (Le Potentiel 06/05/2013)

Le dernier film de Thierry Michel « L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi » ne cesse de soulever des vagues. La polémique a pour toile de fond les contre vérités et autres trucages contenus dans ce film. Dans le lot des réactions négatives figure celle du député Dany Banza, un des acteurs du film sur la question des mines artisanales querellées entre la Gecamines, les « minings » et les creuseurs. L’élu de Likasi se dit indigné par des mensonges dont le cinéaste belge a fait usage pour réaliser son film.

Journaliste belge qui s’est découvert une âme de cinéaste dans la foulée de ses reportages, Thierry Michel passe dans certains milieux occidentaux, particulièrement européens, comme l’un des grands spécialistes de la RDC, aux côtés de sa consœur et compatriote Colette Braeckman. Il a réalisé quelques films sur l’ex- propriété du Roi Léopold II devenue plus tard colonie belge du fait de la conférence de Berlin. Au nombre de ses réalisations, figure « Congo River », « Mobutu Roi du Zaïre », « Katanga business ».

Quant au dernier film, intitulé « L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi », il a suscité tout de suite la polémique avant même sa sortie. Interviewé par Jeune Afrique en mars dernier, l’acteur principal avait invoqué des contre vérités et manipulations dont se serait rendu coupable le réalisateur belge. La presse s’y est attardée en se perdant en conjectures. D’aucuns se sont même posé des questions sur le bien-fondé de ce nouveau film qui braque ses projecteurs sur un même personnage, en l’occurrence le gouverneur du Katanga.

S’agissant des contre vérités, quelques-unes ont été relevées tant par des Congolais à qui on a fait jouer des rôles dans ce film que par des spectateurs qui ont assisté à l’avant-première projetée le 24 avril dernier dans la salle Vendôme à Bruxelles (Belgique).

Le premier à avoir réagi, c’est l’honorable Dany Banza. L’élu de Likasi l’a fait à l’occasion d’une visite de travail effectuée mercredi 1er mai sur la mine de Kamatanda, un site situé à environ 7 km de la ville. Il est membre de la commission instituée par le gouvernement provincial afin de procéder à la vérification des allégations sur la présence des enfants dans les mines. Elle était dirigée par le ministre provincial des Mines Mumba.

L’occasion faisant le larron, la presse qui accompagnait la délégation provinciale a rappelé à l’honorable Banza que dans le film où il apparaît aux côtés de Thierry Michel, le site est présenté comme étant déserté par les creuseurs au profit des engins de MCK, une entreprise minière de Moïse Katumbi.

Réagissant à chaud, l’élu de Likasi a déclaré : « Ce sont des affirmations vaines. C’est ridicule. Aujourd’hui, la vérité éclate au grand jour. Vous voyez que les creuseurs sont toujours là sur le site de Kamatanda, ils travaillent normalement. Je pense que les images et les sous-entendus que le film de Thierry Michel laisse courir à mon sujet, c’est de la méchanceté pure et simple. Je suis venu ici avec Thierry Michel pour demander aux creuseurs de rester et que nous allions tout faire pour qu’ils continuent de travailler librement malgré que ce soit une carrière Gecamines. Si j’avais osé les chasser, je ne serais pas réélu. Puisque quelque temps plus tard, il y a eu des élections et j’ai été réélu. C’est la preuve que j’ai gardé la confiance de ma base ».

A la question de savoir quel message il pouvait faire parvenir à son partenaire après ce constat, Dany Banza répond : « Partenaire, non. Je l’ai croisé par hasard. C’est quelqu’un que je connais personnellement. On a fait le déplacement ensemble jusqu’ici. Je n’avais pas réalisé à l’époque la portée et l’interprétation, comment il pouvait exploiter ces images-là. Aujourd’hui, je l’apprends à mes dépends. C’est regrettable. Parfois, je le voyais filmer 200, 400 heures du Congo. A-t-il mélangé les images des carrières ? L’a-t-il fait sciemment ? Seul Dieu le sait. Mais je suis aujourd’hui très à l’aise parce que je n’ai jamais trahi ma base, ni pour l’argent, ni pour le pouvoir, ni pour le gouverneur Moïse Katumbi. Je suis derrière ceux qui m’ont élu, ils sont là ; et la carrière de Kamatanda est toujours exploitée par des artisanaux ».

Poursuivant ses commentaires, l’élu de Likasi s’est demandé quel schéma Thierry Michel cachait derrière son dernier film qui comporte beaucoup de contre vérités et de sous-entendus. Selon lui, il est vrai que la gestion de tout homme a des failles et qu’il serait démagogique de dire que celle de Moïse Katumbi est parfaite. Le film aurait pu parler des erreurs et non se lancer des machinations.

Prétendre que le gouverneur et moi avons empoché l’argent pour chasser les creuseurs de la mine de Kamatanda et y amener des engins, c’est ridicule, s’est-il indigné avant d’ajouter que c’est un mensonge. Toutefois, il estime que Moïse Katumbi est le meilleur gouverneur que le Katanga n’ait jamais eu à ce jour.

Interrogé par la suite, le maire de Likasi, M. Mwanangu Talasha Matanda Charles a confirmé les déclarations des creuseurs selon lesquels aucun engin n’est jamais descendu sur le site de Kamatanda. Bien plus, il a fait remarquer que l’exploitation industrielle d’une mine laisse des traces. « Si quelqu’un prétend avoir vu des engins sur ce site, alors ceux-ci auront été largués par hélicoptère », a-t-il fait savoir avant d’ajouter qu’il est mieux placé pour le savoir.

Même son de cloche du côté du responsable de la Gecamines/Likasi qui a laissé entendre qu’aucune entreprise minière ne peut descendre dans la carrière sans le sauf-conduit de la Gecamines. M. Kaputo a affirmé que la devanture du site de Kamatanda est celle de nids d’abeilles, autrement dit, des trous et autres galeries que les creuseurs font avec des mains et outils élémentaires. Il a reconnu son employeur avait cédé la mine de Kamatanda aux creuseurs suite aux pressions politiques des autorités et que depuis, aucune exploitation industrielle n’y a été enregistrée ; il n’y a pas eu de nouvelle découverture. Naturellement jusqu’à nouvel ordre. Car, a-t-il indiqué, « C’est une propriété de la Gecamines, le moment venu celle-ci pourrait reprendre ses droits ».

Colette Braeckman : « C’est un peu manichéen ».

Les contre vérités contenues dans le film « L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi » ont été relevées également par les personnes qui avaient assisté à la projection en avant-première du film. Dans la foulée de réactions celle de Colette Braeckman, journaliste au quotidien belge Le Soir. Notre consœur note qu’il s’agit d’un film sur le pouvoir mais qui s’inspire surtout des images déjà vues. Elle est d’avis que son compatriote « a raccommodé le reste, malheureusement ». Selon elle, les interlocuteurs sont d’une façon assez unilatérale très critiques. Ce qui, indique-t-elle, n’est pas très balancé.

Colette Braeckman aurait voulu que le film fasse voir les réalisations du gouverneur du Katanga. Elle a regretté que dans « Katanga Business, on ait fait l’apologie de Moïse Katumbi et que dans le dernier film, on cherche à le descendre. « Ce n’est pas très équilibré », a-t-elle insisté avant de déplorer l’absence de témoignages qui parlent de choses négatives mais aussi de celles qui sont positives. Et de conclure : « C’est un peu manichéen ».

Yantumbi Kalenga Yamukena : « Thierry Michel a déplacé mes propos de leur contexte »

Une autre réaction est celle de M. Yantumbi Kalenga Yamukena, dont les images et propos ont été utilisés par Thierry Michel dans con film. Il a dit n’avoir pas encore vu le film dans son entièreté et qu’il ne pouvait réagir que par rapport à la forme et non au fond. Quelle est la forme, il répond : « Thierry Michel a déplacé mes propos de leur contexte ». Selon lui, sa rencontre avec le cinéaste belge s’est effectuée à Kinshasa dans un contexte particulier. A l’époque, le réalisateur lui avait dit que son dossier était d’actualité et qu’il avait besoin des images pour un magazine d’analyse d’actualité sur la RTBF et pour la réalisation d’un film. « J’ai dû consentir à cette sollicitation en me disant que peut-être cela allait aider à desserrer l’étau que je sentais autour de moi. Je ne lui ai jamais dit que celui qui me pourchassait, c’était le gouverneur du Katanga », a confié Yantumbi avant d’ajouter que les menaces dont il était l’objet figuraient dans le monitoring des ONG des droits de l’Homme et de la Division des droits de l’Homme de la Monuc. Thierry Michel, estime-t-il, aurait fait un trait d’union facile et rapide entre ces menaces et le gouverneur Moïse Katumbi : « Je comprends qu’avec la magie de l’informatique, on peut mixer les images comme on veut et obtenir ce qu’on veut, de même faire dire à quelqu’un ce que l’on veut qu’il dise ».

Dans la foulée, il a rejeté les allégations selon lesquelles il aurait été exfiltré de Lubumbashi par la Monuc vers Kinshasa. Prenant du recul, il a compris que Thierry Michel se distingue dans sa course effrénée contre les politiques congolais. Et pour cela, il utilise les citoyens congolais. « Je ne voudrais pas que mon nom soit mêlé à une manœuvre tendant à déstabiliser des hommes politiques congolais », a-t-il fait remarquer tout en insistant sur le fait qu’il se réservait le droit de recourir à toutes les voies de droit pour faire entendre raison à Thierry Michel. Nous publions à la page 11 la lettre qu’il a adressée au cinéaste belge le 20 avril dernier.

Publié le lundi 6 mai 2013 02:29 Écrit par Le Potentiel


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