(Le Potentiel 31/01/2013)
Le passage la semaine dernière du président rwandais sur la
célèbre chaîne américaine CNN alimente encore la chronique politique nationale.
S’étant investi dans un vaste travail de lobbying pour se faire blanchir après
de graves accusations portées contre lui en rapport avec son soutien avéré aux
rebelles du M23, Paul Kagame joue aujourd’hui à la défensive. C’est finalement
sur la RDC qu’il juge constituer un « problème » autant pour son pays que pour
la région des Grands Lacs qu’il s’est déchargé. Comparé à tous les malheurs lui
attribués depuis plus d’une décennie dans la partie Est de la RDC, les
déclarations du président rwandais est une insulte non seulement aux dirigeants
congolais mais surtout aux Congolais eux-mêmes. Jusques à quand le Congolais
supportera-t-il que l’opprobre lui soit jeté par le même voisin ?
Lomme
un diable dans un bé-nitier, le président rwandais, Paul Kagame, joue son
va-tout pour rallier la communauté internationale à sa cause. Indexé par le
groupe des Nations unies pour son soutien aux rebelles du M23, Paul Kagame a
déployé une impressionnante machine médiatique internationale en vue d’inverser
la tendance qui tourne à sa défaveur, depuis un temps.
Rendu responsable
du nouveau drame dans l’Est de la RDC, ses traditionnels soutiens, notamment la
Grande-Bretagne et les Etats-Unis n’ont plus d’estime pour l’homme fort de
Kigali. Ils ont, tour à tour, mis fin à leur aide au développement en faveur du
Rwanda. Pris de panique et dans un contexte de ralentissement de l’activité
économique interne dans son pays, Paul Kagame est convaincu que la terre est en
train de se dérober sous ses pieds.
Ce qui l’oblige à déployer ses
dernières cartouches dans l’espoir de rebondir du jour au lendemain. Sa dernière
sortie médiatique internationale sur la célèbre chaîne américaine, CNN,
tiendrait à cette logique. Le choix n’a pas été non plus anodin. Il a été dicté
par la grande audience et surtout la forte notoriété internationale dont jouit
la chaîne câblée américaine.
LE BOUC EMISSAIRE
Décidément, le gel
de la coopération au développement de certains partenaires extérieurs du Rwanda
a eu des effets à Kigali. Longtemps prospère, l’économie rwandaise est dans une
pente descendante. Les indicateurs virent, petit-à-petit, au rouge. L’économie
rwandaise est pratiquement au bord de l’asphyxie. C’est le moment choisi par
Paul Kagame pour sortir sa grande artillerie. Comme toujours, c’est par la RDC
que Paul Kagame justifie tous les malheurs qui s’abattent sur son pays. Selon
lui, la RDC qui peine à se stabiliser passe à la fois pour un « problème » aussi
bien pour la Rwanda que pour l’ensemble de la région des Grands
Lacs.
Autrement dit, pour le président rwandais, la RDC, qui fait preuve
d’une absence de vision et de leadership, travaille à contre-courant de toutes
les initiatives de développement déployées dans la région. Qu’est-ce à dire ?
Difficile à décrypter pour l’instant. Le plus évident est que pour le président
rwandais, la RDC en général, les Congolais, en particulier, ne méritent pas la
propriété de l’espace territorial qui représente aujourd’hui la République
démocratique du Congo.
Reniant ses activités belliqueuses dans la région
des Grands Lacs, au micro de CNN, Kagame se dit ouvert à travailler avec la RDC
en se tournant vers l’avenir en vue de trouver des solutions. « Pour nous, la
solution est de vivre ensemble comme deux pays dans la région, être tourné vers
l’avenir et trouver des solutions », se défend le président Kagame. « Le Rwanda
est très active dans ce domaine et nous voulons trouver une solution positive
pour sortir de là », a-t-il dit, sans pour autant reconnaître son entière
responsabilité dans les différents drames qui se sont abattus dans l’Est de la
RDC.
De qui se moque-t-il finalement ? Du peuple congolais et de ses
dirigeants, sans doute. Comme à son habitude, Paul Kagame vient d’humilier une
fois de plus la RDC. C’est comme si toutes les défaites militaires infligées aux
Forces armées de la RDC, en soutenant différentes rébellions qui ont défilé dans
l’Est, n’ont pas suffi pour descendre davantage le peuple congolais.
En
retournant ses déclarations, l’on se rend bien compte que Kagame se fait passer
pour le maître de la RDC. Dans le fond, semble-t-il dire, le problème de la RDC
ne trouvera des solutions qu’à Kigali. Son entretien sur CNN n’a eu pour seule
visée que d’amener la communauté internationale a reconnaître ce qu’il croit
être une évidence. C’est-à-dire toute solution à la crise en RDC doit
inévitablement intégrer la donne rwandaise voire garantir un droit de regard du
Rwanda. Passer outre ce schéma, estime Kagame, c’est créer davantage des
problèmes autant pour la RDC que pour la région des Grands Lacs.
En
faisant de la RDC un « problème » qui freine le développement tant du Rwanda que
de la région des Grands Lacs, Paul Kagame dénonce implicitement, l’absence à la
fois d’une vision et d’un leadership en RDC. Une situation qui, selon lui, crée
un « malaise » généralisé dans la région, « influe sur le progrès » de son pays,
le Rwanda, tout en créant d’autres problèmes dans la région, a-t-il
dit.
Ce n’est donc pas les dirigeants congolais qui sont visés par ses
déclarations, mais c’est plutôt l’ensemble de la nation congolaise qui est jetée
en pâture par celui-là même qui a déjà causé la mort de plus de six millions de
Congolais.
SILENCE RADIO A KINSHASA
Pendant ce temps, au
gouvernement, l’on ne s’en émeut pas. Même le tout bouillant porte-parole a
préféré se taire, ignorant superbement les déclarations humiliantes du président
rwandais. A-t-il peur des représailles ? Nul ne le sait. Toujours est-il les
déclarations du président rwandais sont tellement dures qu’il mérite une
réaction vigoureuse de Kinshasa. Rien ne peut justifier le silence, au regard de
la gravité des faits.
Les dirigeants rwandais ont pris l’habitude de
narguer les Congolais et leurs dirigeants. La ministre Mishikiwabo se faisait un
malin plaisir de toiser les dirigeants congolais jusqu’à faire des leçons à une
opinion publique congolaise alerte et vigilante. C’était ici même à Kinshasa.
Comme si cela ne tourmentait pas les autorités de Kinshasa, l’interview de James
Kabarebe accordée à notre consœur Collette Braeckman n’a jamais eu de réplique
appropriée, point par point, du côté de Kinshasa.
Tout le monde a semblé
acquiescer. « Qui ne dit mot consent », dit un adage. Curieusement, personne ne
semble outré par ces propos vexatoires contre tout un peuple. Comme tétanisées,
les autorités de Kinshasa ont décidé de garder le silence et de laisser passer
l’orage. Cet opprobre jeté régulièrement sur les dirigeants congolais vise
beaucoup plus l’âme des Congolais que les dirigeants eux-mêmes. Le silence de
Kinshasa sonne comme un aveu de la justesse des propos distillés à partir des
collines rwandaises.
Serait-ce juste que tout ce venin passe sans qu’un
contrepoison ne soit administré à une opinion publique congolaise visiblement
abandonnée à son triste sort ? Au gouvernement de la République de réagir de
manière audible pour rétablir la fierté des Congolais blessés dans leur
amour-propre.
Publié le jeudi 31 janvier 2013 01:14
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LE POTENTIEL
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