"A mes enfants que je laisse
et que ne reverrai plus dites leur que l'avenir du Congo est beau et qu'il
attend d'eux comme il attend de chaque Congolais d'accomplir son devoir sacré "
Extrait de la lettre de Lumumba à sa famille en janvier
1961.
L'homme par qui le scandale arriva fut un
Aussaresses belge qui raconta comment à la demande d'un officier belge ayant
participé à l'exécution, il coupa en morceaux les cadavres de Lumumba, de Mpolo
et d'Okito aidé d'un compatriote. L'objectif était de faire disparaître leurs
corps dans l'acide sulfurique après l'avoir découpé pour qu'il n'en reste
plus aucune trace. Le témoignage écrit du
gendarme Gérard Soete et son interview filmé secoua le microcosme politique et
médiatique belge et fut à l'origine, après la sortie du livre de Ludo de Witte,
d'une commission d'enquête qui eu pour rôle d'absoudre tout ce beau petit monde
dans ce que le gouvernement belge a appelé une simple "responsabilité morale".
BRUGES (Belgique), 15 mai (AFP) - Près
de quarante ans après l'assassinat de Patrice Lumumba, le Belge Gerard Soete
vient enfin de se défaire d'un lourd secret : une nuit de janvier 1961, dans une
puanteur d'acide sulfurique et de cadavres écartelés, il fit disparaître le
corps du martyr congolais. "Est-ce que la législation me le permettait ?",
se demande-t-il aujourd'hui, à 80 ans et en bonne santé, dans son pavillon d'un
faubourg résidentiel de Bruges (nord-ouest) où l'AFP l'a rencontré. "Pour
sauver des milliers de personnes et maintenir le calme dans une situation
explosive, je pense que nous avons bienfait", ajoute-t-il, en dépit de "la crise
morale" qu'il doit avoir traversée après cette nuit "atroce".
Le 17
janvier1961, sept mois après l'accession du Congo à l'indépendance, Patrice
Lumumba, le premier chef de gouvernement du pays, était assassiné près
d'Elisabethville (actuellement Lubumbashi, sud), capitale de la province alors
sécessionniste du Katanga. Criblé de balles, son corps n'a jamais été
retrouvé, pas plus que ceux de deux proches tués avec lui, Joseph Okito et
Maurice Mpolo. Selon l'auteur, le but de l'élimination était, en pleine guerre
froide, de maintenir le Congo dans la sphère d'influence occidentale. La thèse a
connu un tel écho qu'une commission d'enquête parlementaire belge, chargée
d'éclaircir "l'implication éventuelle des responsables politiques belges" dans
l'assassinat, a entamé ses travaux le 2 mai.
Une commission qui
auditionnera Gérard Soete. Commissaire de police chargé à l'époque de mettre en
place une "police nationale katangaise", le Brugeois dut d'abord transporter les
trois corps à 220 kilomètres du lieu d'exécution, pour les enfouir derrière une
termitière, en pleine savane boisée. De retour à Elisabethville, il reçut
cependant "l'ordre" du ministre de l'intérieur Katangais Godefroi Munongo de
faire littéralement disparaître les cadavres. La popularité de Lumumba était
telle que son cadavre restait en effet gênant. Le "pèlerinage" sur sa tombe
pouvait raviver la lutte de ses partisans. "Petit Gérard Soete de Bruges, je
devais me débrouiller tout seul avec trois corps internationalement connus",
résume-t-il aujourd'hui. "Toutes les autorités belges étaient sur place, et
elles ne m'ont pas dit de ne rien faire", ajoute-t-il, avec un fort accent
flamand.
Accompagné d'"un autre blanc" et de quelques congolais,
épuisés "d'une scie à métaux, de deux grandes dames-jeannes et d'un fut d'acide
sulfurique", il leur fallut toute la nuit, du 22 au 23 janvier, pour accomplir
leur besogne. "En pleine nuit africaine, nous avons commencé par nous saouler
pour avoir du courage. On a écarté les corps. Le plus dur fut se les découper"
avant de verser l'acide, explique l'octogénaire. Il n'en restait presque
plus rien, seules quelques dents. Et l'odeur ! Je me suis lavé trois fois et je
me sentais toujours sale comme un barbare", ajouté-t-il. De retour en
Belgique après1973, Gérard Soete contera cette terrible nuit dans un roman,
"pour (se) soulager", mais sans livrer son nom.
|
Le témoignage de
Gérard Soete est édifiant. Dans l'interview filmé ci-dessous (extrait du film
Lumumba : une mort de style coloniale), il exhibe deux dents qu'il dit
avoir arraché à la machoire de Lumumba et qu'il a gardé en souvenir. Devant le
tollé suscité par ses déclarations, il finira par déclarer avoir jeté les dents
dans la mer noire. Dans le reportage de Michel Noll, il évoque le souvenir de
Lumumba comme s'il évoquait le souvenir d'un animal avec un ton particulièrement
détaché et un sourire sardonique : "il avait une très bonne denture"..
."Y en a même qui croit qu'il va revenir. Eh bien il reviendra avec deux
dents de moins eheh (rires)".
Interview de l'ex-gendarme belge responsable de
la police nationale
katangaise qui fut chargé de faire disparaître le corps de Patrice
Lumumba. Dans le documentaire l'ex-gendarme y montre ses restes : quelques
dents. (Extrait du documentaire de Michel
Noll,2001, Production Solférino images/Quartier latin, WDR/
histoire Une mort de style colonial, l'assassinat de Patrice
Lumumba) Retranscription
de l'interview : - J'ai les restes
d'une personne historique très importante les voila. - C'est tombé
ou vous l'avez, vous l'avez ...? - Arraché -
Arraché - Il avait une denture une très bonne denture. C'est couvert
avec de l'or derrière. Donc un dentiste sait identifier ça. Il m'a déja fait
jurer beaucoup ce Lumumba, il me fait encore jurer
maintenant.- Qu'est
qu'il vous a fait jurer ?- Lumumba? - Oui -
(silence) Réfléchissez, réfléchissez, quand on vient de vous dire on a tué
Lumumba et maintenant vous devez le faire disparaître. Allez Patrice voilà
ce qui reste de toi.
...Extrait n°2: "Pour moi l'histoire
Lumumba a commencé le matin après l'exécution. L'homme qui était chargé de
ça, le Belge, m'a appelé dans son bureau et m'a dit voilà vous allez vous
occuper de tout ça. Je lui dit je veux bien mais qu'est-ce qu'il faut faire? Cet
homme la qui m'expliquait ça avait lui même participé à tout ça pendant la nuit.
Il avait proposé à Lumumba de faire ses prières avant de mourir Lumumba avait
refusé donc cet homme était complètement euh...". ... Extrait n°3 -
Et Nous sommes retournés le matin à la même place. - Et cela se
voyait le massacre qui avait eu lieu? C'est évident que cela se
voyait. Il y avait même une des mains qui sortait de la terre d'un des
morts. .... Extrait n°4 On a coupé les corps en morceaux. Ils ont été
enterrés deux fois. Et alors on les a coupé en morceaux, on les a brûlés, on
avait aussi une énorme quantité d'acide que l'on met dans la batterie des
voitures. Et donc la plus grande partie des corps ont été... - dissoutes- oui. Et alors on est resté là, on
les a brûlés. Il fallait faire cela sans que les noirs le voient en pleine
forêt. C'est aussi un problème ça. Vous êtes là à deux, nous étions deux et on
devait faire cela tout seul nous mêmes : enlver les trois corps de la terre, les
découper en morceaux, les détruire. et tout cela ne devait être su de personne
et c'était su de personne. ... Extrait n°5 - Il y en a même qui croit
qu'il va revenir hein et alors il va revenir avec deux dents de moins
(rires).
Interview du gendarme belge
Gérard Soete "fossoyeur" de Lumumba. Extraits du film de Michel
Noll, Une mort de style colonial, l'assassinat de
Patrice Lumumba. (Taille du fichier : 3.67 Mo. Durée de
téléchargement de 30" à 1' pour le haut
débit) Pour voir la vidéo : passer la flèche de la souris sur l'écran
noir
|
Voir l'intégralité du documentaire sur Daily
Motion |
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Selon Afrique-Asie, juin 2000, "le commissaire de police belge
Gérard Soete a été chargé, avec son jeune frère, de faire disparaître les
cadavres. Ils ont découpé les corps avec une scie et ont dissous les morceaux
dans de l'acide sulfurique qu'ils avaient trouvé dans un récipient propriété de
l'Union minière du Haut-Katanga ". On doit bien reconnaître que le gendarme
Soete à l'instar d'Aussaresses en soulageant sa conscience a permis de faire des
révélations qui ont relancé l'enquête sur cette affaire criminelle. Son
témoignage a permis de se rendre compte 40 ans plus tard de la complicité du
gouvernement belge sans oublier l'Américafrique. Pourtant ces révélations faites début 2001, l'ex-gendarme
belge les avait faites dans son livre deux décades
plus tôt. Dans l'Arène, Gérard Soete raconte comment lui et son frère
ont contribué à faire disparaître les cadavres de Lumumba, Okito et Mpolo.
Toutefois, il prend la précaution dans ce manuscrit de se désigner par un
pseudonyme du nom de Schäfer tandis que son compagnon est désigné par
le prénom Denys . Il présente le travail qu'il a été amené à faire ou
plutôt celui de Schäfer comme
un "travail diabolique". C'est dans le chapitre "Jusqu'au bas fond de l'enfer"
qu'il révèle l'histoire.
L'Arène de Gérard Soete "Jusqu'au bas fond de l'enfer"
...Dès qu'ils ont déposé les corps auprès des fûts vides et rassemblé leur
matériel, ils se rendent compte qu'ils ne sont pas préparés à ce genre de
travail. Ils retournent vers la voiture et boivent du whisky. [...]
Peu initiés à la tâche, ils commencent à donner des coups de hâche et ils
entaillent les corps comme des forcenés. Cela ne leur rapporte rien, sauf de la
puanteur et des immondices et ils décident de se lier une serviette hygiénique
devant la bouche. Schäfer prend la scie à métaux et la jambe du prophète et
commence à scier juste au-dessus du genou, comme il s'agissait d'une branche
d'arbre. Il dépose le bout de jambe délicatement au fond du fût et continue à
séparer un par un les membres du torse [...]
Il met la scie de côté. Elle
n'est pas à la mesure de cette tête monstrueuse. Il prend la hâche, place le
pied sur la mâchoire et détruit le cou ; le souffle lui manque ; il jure comme
un diable, maudit tout le monde comme ses frères de race l'ont fait. [...] "Je
le fais à votre place, espèces de lâches blancs". C'est une prière grinçante qui
sort d'entre ses dents à travers l'ouate de la serviette
hygiénique.[...]
Voilà la seule preuve matérielle de la mort du Prophète.
si jamais une adoration de martyrs voyait le jour, il pourrait lui remettre les
reliques.[...] Il sort une tenaille de son sac plein d'outils et dégage avec
difficulté deux dents de la mâchoire supérieure du Prophète. elles sont
recouvertes d'or. Les dentistes identifient les corps devenus méconnaissables à
l'aide des spécificités des prothèses. Il sort le bras droit du fût et coupe
deux doigts de la main raide. L'index qu'une balle a blessé en traversant la
main qui essayait de se protéger, l'index qui a tellement menacé, qui avait
montré le chemin de la destruction, de la mort et de sa propre perte aux masses
excités. Le petit doigt à l'ongle long qu'il utilisait pendant son
emprisonnement pour se curer le nez et se nettoyer les oreilles...
|
On apprend donc selon ce discours que
l'ex-gendarme belge de la néocoloniale katangaise détenait aussi deux doigts de
Lumumba. Ce dont il n'a jamais parlé officiellement.
Au dos de la couverture de ce livre il y a une citation de
Hempstone Smith dans Rebels, Mercenaries and Dividends : The Katanga
Story : "La mort de Lumumba
pourrait être qualifiée de crime à première vue. Mais cela ne doit pas nous faire oublier le fait que Lumumba était
une personne capricieuse et incapable, un raciste corrompu dont les actions
démagogiques ont coûté la vie à des milliers de Congolais et apporté beaucoup de
souffrances à d'autres. Il mettait son intelligence et son application au
service du mal et finalement est devenu une victime de lui-même. Si quelqu'un
devait mourrir pour le bien-être du Congo, Lumumba était bien le candidat
logique à cet honneur ". Ce point de vue fut le point de vue le plus
répandu en Belgique mais aussi dans la presse européenne et états-unienne. Après
ce dur labeur colonial, les frères Soete, selon l'avocat belge de Tshombe,
iront se reposer pendant deux semaines en Afrique du sud et son régime
d'apartheid.
A l'occasion
de la commémoration du 46 ème anniversaire de la disparition de Lumumba, des
historiens congolais ont reconstitué le déroulement de l'assassinat de Lumumba,
Okito et Mpolo. Ils semblent confirmer la description du déroulement
chronologique des faits tels que présentés par l'ex-gendarme belge qui sera
amené à poursuivre une belle carrière néocoloniale sous Mobutu.
...Selon l'historien Kongolo, Lumumba a été tué le
17 janvier 1961 à minuit, par un peloton commandé par un officier
belge.
Alors que Maurice Mpolo et Joseph Okito ont ligotés à deux arbres
et abattus par une balle chacun, le Premier Ministre a été criblé de
balles.
Les trois corps ont été, dans un premier temps, enterrés sur les
lieux de l'exécution, avant d'être transférés, le lendemain, à Lubumbashi, pour
y être dissous dans de l'acide sulfurique, à l'usine de la Gécamines.
Le
récit de l'historien a été corroboré par le fils du chef du village de
Shilasimba dont le père avait découvert les corps sans vie de Lumumba et de ses
compagnons, le 18 janvier 1961 à l'aube.
Ayant entendu des coups de feu
la nuit, le chef du village était sorti plus tard pour découvrir un pied pas
complètement recouvert par la terre fraîche.
C'était celui de Patrice
Emery Lumumba, premier ministre du Congo ancienne colonie belge qui venait,
quelques mois plus tôt, d'accéder à l'indépendance.
La mémoire de Lumumba
est immortalisée à travers plusieurs avenues, stades et autres endroits publics
portant son nom, au pays comme à
l'Etranger... |
L'assassinat de Lumumba correspond
symboliquement à l'assassinat d'un peuple. Pauline Lumumba, déclarait (interview
par Michell Noll, 2001) : "Vous êtes
européens, vous êtes allemand, je crois que cette image - je ne suis pas juive,
je suis noire - cela rappelle l'Holocauste. On a brûlé des corps, on a pris leur
graisse pour faire des engrais, on a pris les dents en or pour faire des trésors
de guerre et vous appelez cela crimes contre
l'humanité." L'assassinat de Lumumba fut masqué par les autorités
Belges et Katangaises. On fit croire que Lumumba s'était échappé et avait pris
une voiture puis avait été assassiné par des villageois qui l'avaient reconnu.
Un scénario inventé de toute pièce par les éminences grises belgo-katangaises
derrière Tshombe selon Verscheure cité par Brassine (Enquête sur la mort de
Patrice Lummba, Thèse de science politique (ULB) non publiée, p.400). Une
version officielle qui sera proclamée par le ministre sécessionniste katangais
Munongo : " Ils ont été immédiatement enterrés en un droit que nous ne
révèlerons, ne serait-ce que pour éviter d'éventuels pèlerinages. Nous ne
révélerons pas davantage le nom du village qui a mis fin aux tristes exploits de
Lumumba et de ses complices. En effet, nous ne voulons pas que ces Katangais,
dont la tribu ne sera même pas précisée, puissent être l'objet d'éventuelles
représailles de la part des lumumbistes. Nous ne voulons pas non plus être
l'objet d'une pression en vue d'exercer des poursuites judiciaires du chef de
meurtre contre ces Katangais qui ont peut-être agi d'une façon un peu
précipitée[...], mais auxquels nous ne pouvons honnêtement reprocher d'avoir
débarrassé le Katanga, le Congo, l'Afrique et le monde, d'un problème [...] qui
menaçait d'empoisonner l'existence de l'humanité" (Cité par Ludo
de Witte, l'Assassinat de Lumumba, p.311-312). . Mais personne ne
crut à ces ragots colportés par la Belgique et le gouvernement néocolonial
katangais. Selon Michel Noll (Lumumba, une mort de style
colonial) "le ministre belge des affaires africaines qui tirait les
affaires en coulisse, tentait lui même d'étouffer l'affaire en envoyant de faux
télégrammes". Trois semaines plus tard la presse internationale fit ses
gros titres sur l'affaire en donnant la version officielle colportée par les
gouvernements belge, états-unien, français et les supplétifs Congolais. La
vérité n'allait être connue que dix ans plus tard, aucuns des meurtriers ou des
hommes qui y ont pris part n'ont jamais été inquiétés ou inculpés. De nombreux
journaux belges de l'époque notamment La Libre Belgique pratiquèrent la
démonisation du défunt Lumumba considéré comme le "diable" ou "Lucifer", un
"paranaoïaque" ou atteint de "crises d'hystérie". Une démonisation associée une
infantilisation et une psychiatrisation par de nombreux
médias occidentaux du cas Lumumba qui a été mis en place dès son accession
au poste de Premier ministre et de son programme patriotique allant à l'encontre
des intérêts impérialistes américains et coloniaux. Cette propagande
(néo)coloniale se poursuivra donc après sa mort dans les milieux
pro-colonialistes ou/et d'extrêmes droites.
"Selon un sous-officier
suédois de garde à l'aérodrome, l'ancien Premier ministre aurait été rudoyé à
son arrivée par les policiers katangais. Qu'un prisonnier puisse être frappé,
malmené, heurte nos sentiments [...] Il est très certainement regrettable que
les Congolais n'aient pas constamment en poche 'le manuel du parfait gentleman',
avec le désir de s'en servir.[...] Nous ne serons jamais, et nulle part, les
défenseurs des brutalités policères. Mais les coups qu'a reçus Lumumba dans
l'avion qui l'amenait à Elisabethville ont peut-être une explication. Au cours
des trois mois que nous venons de passer au Congo, nous avons recueilli un
certain nombre de témoignages sur la personnalité réelle de l'ancien Premier
ministre. A Brazzaville [...] un médecin français [...] [ a dit que Lumumba] est
un paranoïaque.[...] Au mois d'août, devenu Premier ministre, Lumumba s'était vu
interdire l'atterissage à Elisabethville[...] (il a eu) une crise
d'hystérie[...] si les soldats chargés de l'escorter connaissaient, par exemple,
l'histoire des enfants massacrés de Bakwanga, il est compréhensible, si non
excusable, qu'ils aient montré peu de patience pour les crises de nerfs de leur
prisonnier". (La Libre Belgique, 27.01.1961 "L'Afrique
démoniaque". Cité par Ludo De Witte , ibid, p.305).
Toujours dans la
Libre Belgique un éditorial dénonce : "Ce qui survient démontre
hélas ! qu'en Afrique et en certains pays d'égal évolution, l'accession à la
démocratie demeure une affaire de meurtres". Même son de cloche dans De
Standaard "Patrice Lumumba est mort comme il l'a toujours voulu : de manière
violente"; L'Echo de la Bourse, journal des milieux financiers
belges écrit "L'existence même de M. Lumumba était un abcès qui avait déja
infecté le Congo et qui menaçait de l'infecter davantage...Il nous est difficile
d'être tristes...sans être hypocrites!" (Cité par Ludo De Witte, ibid).
Chez les colons du Katanga
comme dans le gouvernement belge d'Eyskens ou au sein de la royauté belge ou
dans les milieux françafricains ou américafricains se fut la liesse. Les huits
soldats et les neufs policiers qui ont procédé à l'exécution et aidé à mettre en
place la pseudo-évasion des prisonniers furent récompensés par le commandement
belge et reçurent une prime dans les mois qui suivirent l'assassinat. Selon Ludo
De Witte, Verscheure remettra de sa main les primes aux soldats ayant participé
à l'assassinat : "Soussigné X, soldat de 1ère classe de la 1ère compagnie
P.M. - Camp Massart déclare avoir reçu ce 16 juin 1961 du commissaire Verscheure
la somme de 10 000 francs". (Ibid p. 338). Le roi Baudoin ira jusqu'à se
fendre d'une lettre pour remercier Tshombe de ce qu'il a fait pour le Congo.
Lettre du roi Baudoin à Tshombé
(13.03.1961)
"Mon cher Président, Je tiens à vous dire
combien j'ai été touché (par la lettre de Tshombe à Baudoin du 21 février 1961)
... La Belgique toute entière et moi-même sommes particulièrement conscients
de la fidélité que vous avez témoignée à mon pays et à ma personne. Soyez
convaincu que j'apprécie hautement la sagesse avec laquelle vous avez dirigé le
Katanga dans des circonstances infiniment difficiles et
délicates...
Veuillez agréer, mon cher Président, l'expression de ma
haute estime. Baudoin."
(Lettre du 13.03.1961 cité par F.
Vandewalle, Mille et quatre nuits, Fascicule n°4, p. A60 - lettre de Tshombe à
Baudoin, cité dans le télégramme 170 de Consubel E'ville à Belext Bruxelles.
21/2/61. Archives Affaires étrangères).
|
Le ministre Wigny sera promut baron, Brassine sera anobli chevalier,
Soete ainsi que Marlière continueront une brillante carrière auprès de Mobutu.
Il n'y aura que peu de remise en question de la politique belge au Congo après
l'assassinat de Lumumba. L'ancien ministre Pholien contient à peine sa joie à
l'idée que le transfert de Lumumba ait pu consolider les liens entre
Elisabethville et Léopoldville. Les milieux financiers et les grandes familles
politiques belges partagent l'idée d'une reconstruction d'un Congo néocolonial
autour du Katanga auquelle la classe ouvrière en grève à l'époque ne semble pas
manifester d'opposition farouche. Néanmoins des questions seront posées à la
Chambre belge qui resteront sans réponses : "Je constate que le pilote de
l'avion était Belge, que le capitaine des seize hommes qui le gardaient était,
comme par hasard, un Belge, et je vous rappelle que le grand chef de la justice
du Katanga est un Belge!". Quelques journaux belges (La Meuse, Le
Peuple) se questionnent sur la version officielle et exprimeront leur
horreur face à ce qui s'est passé dans l'ex-Katanga.
En revanche les
réactions de protestation dans le monde furent particulièrement nombreuses. Des
manifestations pacifiques en hommage de Lumumba se déroulèrent partout dans le
monde à Belgrade, au Caire, à Vienne, à Varsovie, à Moscou, à New Dehli, à
Moscou, à Tel Aviv, à Oslo, à Accra et même à Léopoldville malgré le régime
néocolonial en place. A Luluambourg au Congo une grève générale est organisée.
Dans les manifestations au travers le monde, les slogans fusent "Nations unies
dehors", "L'Afrique aux Africains". Les ambassades belges sont victimes
d'exactions à Belgrade, à Varsovie et au Caire où les manifestants forcent les
cordons de sécurité et remplacent les tableaux du roi Baudoin par ceux de
Lumumba. A Belgrade, l'ambassade belge est ravagée, au Caire, elle est mise à
feu, à New Dehli les affiches du roi Baudoin sont arrachés au sein de
l'ambassade. A Belgrade, l'ambassade de France est aussi envahie, à Accra les
manifestants arrachent l'enseigne de l'ambassade des USA du mur et piétinent le
drapeau de l'ONU et au Caire, le Centre d'information de l'ONU est
détruit.
Le président ghanéen N'Krumah fait une déclaration à la
radio.
"Trois de nos frères et combattants de la liberté ont été
massacrés [...] Ils sont morts parce que les Nations unies, que Patrice Lumumba
en tant que Premier ministre avait invitées au Congo pour maintenir l'ordre et
la légalité, non seulement n'ont pas réussi cette tâche, mais encore ont omis de
procurer au gouvernement légal du Congo tous les moyens de protection.
L'histoire compte beaucoup d'exemples de chefs d'Etat assassinés. L'assassinat
de Lumumba et de ses collègues est unique parce que, pour la première fois dans
l'histoire, un dirigeant légalement élu d'un pays est tué sous le regard
complaisant d'une organisation internationale qui jouissait de la confiance de
celui-ci [...] au lieu de maintenir l'ordre et la légalité, l'ONU s'est déclarée
neutre entre loi et désordre et a refusé de soutenir le gouvernement légal dans
sa lutte contre les rebelles, qui avaient pris le pouvoir au Katanga et au
sud-Kasaï. Lorsque le gouvernement du Congo a reçu de l'Union soviétique
quelques avions civils et quelques camions en vue de transporter ses troupes,
les pouvoirs coloniaux de l'ONU sont entrés en fureur. En même temps, ils ont
gardé un silence discret sur la livraison d'armes belges et le déploiement de
troupes militaires belges au service des rebelles [...] Lorsque Lumumba
(après le coup de Kasa
Vubu) voulait s'adresser au peuple à la radio
pour expliquer ce qui s'était passé, les Nations unies l'en ont empêché par la
force, soit-disant dans l'intérêt de l'ordre public. Pourtant la même force n'a
pas été employée pour empêcher les rebelles de l'armée congolaise de prendre le
pouvoir à Léopoldville et d'y installer un gouvernement complètement
illégal.[...] Les Nations unies ont permis que l'Etat indépendant du Katanga
voie le jour, bien que ce soit en contradiction avec leurs propres résolutions
du Conseil de sécurité. Enfin, les Nations unies qui ont pu utiliser leur
autorité pour empêcher Lumumba de parler à la radio, n'ont pas été capables,
selon elles, d'empêcher son arrestation par les rebelles, ni son transfert en
passant les aéroports sous leur contrôle, ni sa remise au gouvernement katangais
qui était dominé par la Belgique" |
Devant le tollé international l'ONU se voit contrainte d'ouvrir une
enquête internationale auquelle la Belgique et le gouvernement sécessionniste du
Katanga refuseront de participer. Elle sera freinée aussi par l'Américafrique
tandis que l'URSS ne fera rien pour que celle-ci soit menée à bien. L'URSS après
avoir tapé du poing par l'intermédiaire de Kroutchev à l'ONU, craignant une
désolidarisation du système onusien de la plupart des pays en développement et
souhaitant garder son cortège d'états clients s'empressera de ne pas faire trop
de remue ménage au conseil de sécurité concernant le massacre commis par le
lobby belgo-katangais avec l'entier soutien de l'Américafrique et la complicité
tacite de l'ONU.
Lumumba assassiné, les autorités de Léopoldville et
d'Elisabethville vont s'employer à décapiter le mouvement nationaliste en
assassinant ses principaux leaders : Finant, Elengesa, Nzuzi, Muzungu et Mbuyi
sont remis aux autorités de Bakwanga (une province ayant fait sécession à la
suite du Katanga avec le soutien de la Belgafrique). Ces leaders nationalistes
seront exterminés par la clique de Kalonji, président dictateur autoproclamé du
sud-Kasaï.
"... la Forminière dont, tout compte fait,
Bakwanga est le fief. Jusqu'ici elle "a joué le jeu"...(dans) cette comédie de
"République" bâti sur du vent et du sable, aussi fragile et aussi vulnérable
qu'un vulgaire jeu de cartes. Jouer le jeu, qu'était-ce ? Donner simplement à
Kalonji des bâtiments pour ses "ministères", une jolie maison pour sa résidence,
des chèques avec des chiffres comportant un nombre impressionnant de zéros pour
ses premiers besoins". Pierre Daviter dans "la République de la
Forminière" cité par Ludo De Witte,
p.326
|
Quarante six ans plus tard, Antoine Gizenga, bras droit de Lumumba en
1960, et secrétaire du parti des lumumbistes unifiés en 2007, est le nouveau
premier ministre du RDC. Mais Gizenga a constitutionnellement un pouvoir
nettement réduit comparativement à celui de Lumumba. Lumumba fut premier
ministre dans un régime parlementaire tandis que Gizenga est premier ministre
d'un régime présidentiel fort dont la constitution a été en partie rédigée par
un homme de la Françafrique. Il ne faut pas cacher qu'après la guerre en RDC où
l'Américafrique et la Françafrique se sont affrontés par états vassaux
interposés - une guerre qui a fait plus 4 millions de morts - le Congo est à
genou et reste à reconstruire. Le président Joseph Kabila avant les élections a
déja bradé les richesses du pays dans des joints ventures laissant la
part belle aux multinationales avec la caution du FMI. Gizenga fidèle à la
doctrine de Lumumba a promis de lancer un plan contre la corruption pour
relancer l'économie. Sa tâche sera donc particulièrement ardue et il devra
développer des trésors de diplomatie et d'imagination pour parvenir à son
objectif sans passer pour l'alibi d'un président considéré par beaucoup comme
l'homme lige de l'Occident. Un président qui n'hésitait pas à déclarer au Sénat
belge, il y a de cela quelques années, vouloir rendre hommage à l'oeuvre
accomplie par Léopold II au Congo : "«L'histoire de
la République démocratique du Congo, c'est aussi celle des Belges,
missionnaires, fonctionnaires et entrepreneurs qui crurent au rêve du Roi
Léopold II de bâtir, au centre de l'Afrique, un Etat. Nous voulons rendre
hommage à la mémoire de tous ces pionniers.» (Extrait du discours de Joseph Kabila le 10.02.06 au Sénat
belge). Une rhétorique qui est aux antipodes du discours de Lumumba qui avait fustigé devant le roi des
Belges "Bwana Kitoko" le 30 juin 1960 les crimes de la colonisation dans son discours d'intronisation et au discours de Laurent-Désiré Kabila qui avait déclaré en 2000: "«A un
moment, Léopold II avait son Etat du Congo pour y chercher le caoutchouc. Si
vous n'alliez pas en chercher, on vous amputait, vous deveniez manchot. La
chicotte était quotidienne. Ils ont pillé, pillé. (...) Nous disons qu'il faut
confier le pouvoir au peuple». Lorsque la statue de Léopold II fut réinstallée le 3 février 2005 à Kinshasa elle
fut aussitôt déboulonnée
moins de 24 heures après son installation. Cela fait plusieurs décades que les
Congolais résistent comme ils peuvent à l'oppression coloniale puis
néocoloniale. Face aux massacres à caractère
génocidaire que certains nomment les génocides (sous Léopold II ou lors des massacres de dizaines à des centaines
de milliers de civils organisés par les troupes belgo-katangaises dirigés par
les mercenaires franco-belges lors de leur reconquête du Katanga après la mort
de Lumumba), face aux assassinats, face à la torture, face à la spoliation et à
la prédation des richesses sur fond de néocolonisation mobutienne pendant plus
de 40 ans puis face à la guerre civile de 1998-2003, certains ont baissé les
bras. Kabila fils n'a -t-il pas eu son père assassiné le 16.01.2001? La
journaliste Colette Braeckman spécialiste des grands Lacs évoque entre autres,
une piste américafricaine mêlant CIA et hommes de mains congolais.
"Malgré ces efforts, le sort de Kabila était depuis longtemps
scellé : durant l'été 2000, les Etats-Unis avaient décidé d'en finir. Selon le
journalisme américain Wayne Madsen, dans un témoignage produit devant la
commission des droits de l'homme du Sénat américain, l'opération, décidée par la
DIA (US Defense Intelligence Agency), avait été confiée à un service militaire
d'assistance technique (PCMS). Par ailleurs, bien plus tard, l'un de mes
informateurs devait m'expliquer que 36 millions de dollars distribués en France,
2 millions en Belgique, 2 en Allemagne, 2 en Afrique du sud. Le reste, soit 29
millions, était censé rétribuer et organiser un groupe de 22 000 militaires,
transfuges de l'armée de Mobutu. Des hommes qui s'étaient enrôlés dans les
troupes de Jonas Savimbi en Angola, et qu'il fallait aider à regagner
le Bas-Congo et Kinshasa afin qu'ils puissent soutenir la prise de pouvoir menée
par un groupe d'anciens mobutistes qui, eux, se trouvaient au Congo-Brazzaville.
Tout indique que plusieurs "filières", toutes également hostiles
à Kabila, avaient été activées , avec pour objectif d'achever l'opération avant
l'arrivée du président Bush à la Maison-Blanche, fixée au 18 janvier. Il
s'agissait de bénéficier au maximum du flou qui caractérise toujours le passage
d'une administration américaine à l'autre. Pendant longtemps les enquêteurs
congolais chargés de faire la lumière sur les commanditaires de l'assassinat du
résident se sont montrés circonspects, sachantqu'un excès de curiosité risquait
de leur coûter cher. Il apparaît cependant que deux membres du personnel de
l'ambassade américaine à Kinshasa avaient suivi de près les opérations, et qu'au
lendemain de l'assassinat une voiture à la banière étoilée avait conduit à
l'aéroport de N'Djili une femme colonel de l'armée américaine, Mme Sandursky,
qui avait été embarquée sans autres formalités. Plus tard les enquêteurs
devaient retrouver sa carte de visite dans le sac de Rachidi (l'enfant-soldat
qui a tiré sur Laurent Désiré Kabila). Le corps de ce dernier avait été déposé
dans l'un des congélateurs de la présidence, où il fut oublié pendant plusieurs
semaines ! Au dos de la carte de visite de Madame Sandursky figuraient plusieurs
numéros à appeler en cas d'urgence...
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D'autres pistes ont été évoquées concernant l'assassinat de
Laurent-Désiré Kabila jugé trop rétif aux intérêts des multinationales
occidentales et aux pontes kleptocrates du pays et autres chefs de guerre. Les
autorités congolaises ne semblent pas prêtes à faire lumière sur les
responsables de l'assassinat. Six ans plus tard, il reste beaucoup de zones
d'ombre autour de cette tragique affaire. La justice militaire a condamné
plusieurs dizaines de personnes sans que l'on sache qui sont réellement les
assassins, les commanditaires, et pour quels mobiles Kabila père a été exécuté
(RFI Invité Afrique : Maître Richard Kwébé, 16.01.07) . La
disparition de Laurent-Désiré Kabila qui avait gagné le maquis pendant les
années de tyrannie néocoloniale mobutiesque pour revenir au pouvoir porté par
les troupes ougando-rwandaises soutenues par l'Américafrique puis pour les
combattre soutenu pour partie par la Françafrique ne semble pas avoir rendu
triste les milieux financiers internationaux et les autorités belges.
Le lendemain de l'assassinat Louis Michel, ministre belge des Affaires
étrangères, n'hésitait pas à déclarer : «Le choc a peut-être crée un moment
propice à la négociation» (Le Soir du 19 janvier 2001). Le fils Kabila n'a peut-être pas
eu beaucoup de marge de manoeuvre pour accepter les termes de la négociation.
A compléter et à suivre ...
Dernières modifications
le 20.01.07 |
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