(Le Monde 16/11/2012)
En décidant de maintenir comme prévu, du 12 au 14 octobre,
son sommet bisannuel à Kinshasa (capitale de la République démocratique du
Congo, RDC), l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) avait fait
un pari. "Si l'on veut tirer la RDC vers le haut, avait expliqué son secrétaire
général, Abdou Diouf, il est bon d'aller à Kinshasa dire ce que nous avons à
dire et essayer de travailler pour emmener ce pays vers la voie qui nous paraît
la meilleure en termes de bonne gouvernance, d'Etat de droit et de respect des
droits de l'homme." Le président Hollande avait fait le même calcul, après avoir
jugé "tout à fait inacceptable" la situation des droits de l'homme et de la
démocratie en RDC. Les assurances émises par le gouvernement congolais sur la
concrétisation de plusieurs réformes démocratiques l'avaient décidé à participer
à ce sommet.
Un mois plus tard, les gages donnés par le président Joseph
Kabila, réélu en novembre 2011 à l'issue d'un scrutin entaché d'innombrables
irrégularités, font figure de promesses de Gascon. Une commission électorale
indépendante - celle qui avait entériné les résultats de 2011 ne l'était pas -
est encore loin d'être constituée. Les députés de la majorité présidentielle
veulent plus de sièges que ceux de l'opposition dans le cénacle constitué
pour... réfléchir à la composition du bureau de cette commission. L'opposition a
claqué la porte de ces pourparlers, le 12 novembre. La Commission nationale des
droits de l'homme qui devait être instaurée n'existe toujours pas et aucun de
ses membres n'est nommé.
Surtout, le procès des policiers accusés de
l'assassinat en 2010 du militant congolais des droits de l'homme unanimement
respecté Floribert Chebeya est en passe de virer à la parodie de justice.
Fondateur de l'ONG La Voix des sans voix, il s'apprêtait à publier des dossiers
précis, selon sa veuve, sur les exactions commises par la police dans le
Bas-Congo lorsqu'il a été convoqué au bureau du chef de la police de Kinshasa,
John Numbi, le 1er juin 2010, où il s'est rendu. Le lendemain, son corps était
retrouvé dans la périphérie de la capitale.
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Dans le film
documentaire réalisé par le journaliste belge Thierry Michel L'Affaire Chebeya,
un crime d'Etat ?, le commissaire principal adjoint de l'époque, Paul Mwilambwe,
met directement en cause le général Numbi. En première instance, cinq policiers
avaient été condamnés à de lourdes peines. Leur procès en appel avait été
reporté à après le sommet, auquel Thierry Michel n'a pu se rendre pour présenter
son film, pourtant en partie financé par la francophonie : les autorités
congolaises lui ont refusé un visa.
M. Hollande avait délivré un message
direct dans ce dossier en inaugurant à l'Institut français de Kinshasa la
médiathèque Florent-Chebeya, mais la Haute Cour militaire a refusé, le 23
octobre, la comparution du général Numbi, réfugié dans son fief du Nord-Katanga.
Reçu à Paris en visite d'Etat du 14 au 16 novembre, le premier ministre
congolais, Augustin Matata, estime, lui, que la justice de son pays "organise un
procès équitable" dans l'affaire Chebeya. Tout est dit.
Responsable
du supplément "Géo & politique"
jacot@lemonde.fr
LE MONDE GEO ET
POLITIQUE | 16.11.2012 à 14h40Par Martine Jacot
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