mardi 11 septembre 2012

Affaire M23 : J. Kabila accusé de haute trahison ?


(Digitalcongo.net 11/09/2012)

La vraie haute trahison s’applique plutôt à Mobutu et à ses premiers et principaux collaborateurs après le coup d’Etat du 24 novembre 1965. Ils sont à la base de la crise identitaire qui nourrit depuis les années 1970 l’insécurité à l’Est.

La source de cette crise est d’abord le référendum constitutionnel de 1967 dans lequel les ressortissants rwandais en séjour au Kivu avaient été impliqués d’office, ensuite l’octroi collectif de la nationalité congolaise à ces Rwandais en 1972 et enfin le retrait de cette nationalité en 1981 alors que le mal était déjà fait. Quand on sait que Joseph Kabila est né le 4 juin 1971, l’effet boomerang est garanti pour les Mobutistes survivants des années 1965 à 1982. Au nombre desquels, on s’en doute, Etienne Tshisekedi. Les Udépésiens sont loin d’imaginer le gâchis qu’ils provoquent dans l’œuvre la plus importante de la carrière politique du lider maximo : la « lutte contre la dictature ». Est finalement pris qui croyait prendre, dirait l’autre...

L’actualité politique à Kinshasa est l’annonce, depuis le lundi 3 septembre 2012, de l’accusation de haute trahison formulée en l’encontre du Président Joseph Kabila par une bonne franche de l’Opposition, Udps en tête.

Le parti du lider maximo s’est exprimé le jeudi 6 septembre 2012 au cours d’une conférence de presse animée par le secrétaire général intérimaire Bruno Mavungu. Dans sa déclaration introductive, faisant allusion aux « accords secrets » signés par Joseph Kabila « avec le président Paul Kagame », « L’UDPS constate que le pays a été tout simplement trahi. Le maintien sur le territoire national d’une armée étrangère à l’insu du peuple congolais constitue une complicité avérée de Monsieur Kabila ».

A l’Udps, on estime que ces « ces accords secrets gérés dans une totale opacité compromettent dangereusement l’unité nationale, l’intégrité nationale et la souveraineté nationale. Alors que les voix qui s’étaient élevées pour le dénoncer ont été étouffées dans l’œuf.»

La veille, c’est un groupe de partis de l’Opposition qui, selon la dépêche du site www.radiookapi.net, a demandé « au Parlement de déclencher le mécanisme de mise en accusation du président Joseph Kabila pour haute trahison ». Le site ajoute : « Faisant allusion à la rébellion du M23 créée au Nord-Kivu depuis le mois de mai dernier, ces partis considèrent que ‘ la complicité du pouvoir en place avec les agresseurs [de la RDC] est totalement établie’ et ajoute : ‘ La guerre qui se passe à l’Est a comme élément déclencheur le fameux accord signé entre le gouvernement de la République et le CNDP [l’ex-rébellion du Congrès national de défense du peuple]. Et nous pensons que la mauvaise application de cet accord nous crée des problèmes. Il y a eu dans (…) cet accord, d’une manière délibérée et cachée par les institutions, le déploiement sur le territoire national des troupes rwandaises chargées officiellement de traquer les FDLR et les autres forces négatives’, a déclaré le député honoraire Lisanga Bonganga porte-parole du groupe d’opposants qui demandent cette mise en accusation ».

Faut-il en vouloir à l’Opposition ? Pas du tout. En effet, celle-ci est dans son rôle tel que défini à l’article 8 ainsi formulé «…Les droits liés à son existence, à ses activités et à sa lutte pour la conquête démocratique du pouvoir sont sacrés. Ils ne peuvent subir de limites que celles imposées à tous les partis politiques par la présente Constitution et la loi ».

La loi n°07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l’Opposition confirme ces droits. L’article 8 lui accorde le droit d’être « informée de l’action de l’Exécutif » et de « critiquer ladite action et, le cas échéant, de formuler des contre-propositions, sous réserve de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs ». L’article 9 renchérit : « Le droit à l’information visé à l’article 8 est garanti à l’Opposition politique sur toutes les questions importantes de la vie de la Nation ». Il est bien dit : toutes les questions importantes.

Peut-on, au regard des initiatives aussi détonantes qu’étonnantes jusque-là prises soutenir que l’Opposition a usé de ses droits constitutionnels, ne serait-ce que pour s’informer à la source ? La réponse est NON !

Autant on peut dire qu’il y a là la première conséquence d’absence de porte-parole de l’Opposition, autant on peut supposer que le sommet de la Francophonie est pour quelque chose dans l’attitude de l’Udps et Cie…

La 2ème République rattrapée par des décisions d’Etat

Seulement voilà : à quelque chose malheur est bon, dit-on. D’autant plus l’offensive politico-médiatique menée par l’Opposition rend nécessaire le besoin d’établir toute la vérité sur les causes profondes et réelles de l’insécurité à l’Est.

Il est à retenir, d’emblée, que la cause première de la crise - contrairement à ce que l’on tente de soutenir - n’est pas la guerre de l’Afdl de 1996, elle-même une des conséquences lointaines.

La cause principale, tout au moins dans le Congo Indépendant, se trouve dans trois décisions d’Etat prises par les autorités du pays successivement en 1967, en 1972 et en 1981.

Pour rappel, après le coup d’Etat du 24 novembre 1965 perpétré par Mobutu avec la caution politique de ses compagnons d’alors - dont Etienne Tshisekedi - le « Nouveau Régime » décide d’enrôler d’office, dans le cadre du référendum constitutionnel de 1967, les ressortissants rwandais en séjour au Kivu. L’histoire rapporte que c’est le ministre de l’Intérieur, nommé justement Etienne Tshisekedi, qui prend la responsabilité d’envoyer un télégramme aux autorités provinciales du Kivu constitué, à l’époque, du Nord Kivu, du Sud Kivu et du Maniema. La Constitution issue de cette consultation va légaliser l’existence et le fonctionnement du Mpr en 1967 puis du Mpr-Parti Etat en 1974.

En 1972, le régime Mobutu, par la loi n°002 du 05 janvier 1972, octroie d’office la nationalité congolaise aux mêmes ressortissants rwandais. Dans son étude intitulée « LA QUESTION DE LA NATIONALITE », Tshidibi Ngondavi note : « Au terme de son article premier, sont considérés comme zaïrois au 30 juin 1960 tous ceux dont un des ascendants est ou a été membre de l'une des tribus établies sur le territoire de la République du Zaïre dans ses frontières du 15 novembre 1908 telles que modifiées ultérieurement. L'article 15 de cette loi ajoutait que les personnes originaires du Rwanda-Urundi établies dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1950 et qui ont continué à résider depuis lors au Zaïre jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi ont acquis la nationalité zaïroise le 30 juin 1960 ».

En fait, il s’agit d’une simple régularisation de la situation créée en 1967 à travers le référendum constitutionnel. On n’imagine mal une participation des étrangers à un vote national sans finir par l’octroi de la nationalité du pays d’accueil.

A dire vrai, la communauté banyarwanda congolaise (hutu et tutsi compris) – légalement distincte de la communauté rwandaise hutu et tutsi – jouit de la nationalité congolaise du fait de sa présence en terre congolaise depuis la colonisation. A l’accession du Congo à l’indépendance le 30 juin 1960, elle est évidemment présente dans les institutions officielles du pays. Les troubles interethniques Hutu-Tutsi surgis au Rwanda, surtout en 1962 – année d’accession de cet ex-protectorat allemand à l’Indépendance – entraînent l’entrée massive au Congo principalement des Tutsi, considérés comme des réfugiés placés sous l’autorité du Hcr.

On peut alors comprendre le rapprochement entre communauté banyarwanda tutsi congolaise et communauté tutsi rwandaise réfugiée. Le même cas va se produire, du reste, à l’ouest du pays lorsque les Angolais, fuyant la guerre d’indépendance, intègrent les communautés frontalières congolaises riveraines de la longue ligne frontalière allant du Bas-Congo au Katanga, en passant par le Bandundu et le Kasaï Occidental.

Cependant, après l’Indépendance le 30 juin 1960, l’intégration des Tutsi du Rwanda dans l’espace géographique et démographique du Congo ne sera formalisée qu’à l’avènement de Mobutu et de ses hommes le 24 novembre 1965. Exactement en 1967.

En 1981, Mobutu et les siens prennent une 3ème décision : l’annulation de la 2ème ! C’est la loi n°002 du 29 juin 1981. Dans son étude précitée, Tshidibi Ngondavi note : « Cette loi suppose que les Banyarwanda ont acquis collectivement la nationalité zaïroise uniquement à partir de 1972. Dans son exposé de motif, il est dit que la nouvelle loi annule expressément l'article 15 de la loi de 1972 qui aurait accordé collectivement " la nationalité à des groupes d'étrangers ". Au terme de son article 4, est zaïrois au 30 juin 1960 toute personne dont un des ascendants est ou a été membre de l'une des tribus établies sur le territoire de la République du Zaïre dans ses limites du 1er août 1885 (date de la création de l'EIC), telles que modifiées par des conventions ultérieures. On peut logiquement considérer qu'à partir de cette date, les descendants de transplantés avaient perdu leur nationalité zaïroise ». D’où l’apatridie.

Ainsi, le mal est déjà fait.

Pour mémoire, 1971 est l’année de naissance de Joseph Kabila !

D’abord le procès du lider maximo

La logique, dès lors, consiste à savoir lequel du régime Joseph Kabila (aux affaires depuis 2001) et du régime Mobutu (aux affaires entre 1965 et 1990) doit porter la responsabilité de la crise identitaire qui nourrit depuis plusieurs décennies l’insécurité à l’Est, singulièrement au Nord et au Sud Kivu frontaliers avec l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.

Pour autant qu’ils soient des acteurs politiques avisés, donc dignes d’assumer l’alternance, les Opposants de 2012, initiateurs de l’acte d’accusation de Joseph Kabila pour « haute trahision » se doivent déjà de compter Etienne Tshisekedi wa Mulumba parmi les survivants à interpeller. En d’autres mots, le procès que l’Opposition veut intenter à l’encontre de Joseph Kabila Kabange est celui du lider maximo.

On comprend déjà pourquoi, au cours de la campagne électorale pour la présidentielle du 28 novembre 2011, Etienne Tshisekedi s’est abstenu de dire la vérité au peuple sur ses actions politiques entre 1960 et 1982 ! D’autant plus que sa biographie relève qu’en 1967, il était ministre de l’Intérieur et de 1972 à 1981, plusieurs fois député national, membre du Bureau du Conseil législatif (Assemblée nationale). Donc législateur !

Etienne Tshisekedi est ainsi rattrapé par l’Histoire.

Omer Nsongo die Lema

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire