lundi 13 août 2012

Au Kivu, la rébellion profite des dissensions entre la RD-Congo et le Rwanda

 (La Croix 13/08/2012)

L’histoire semble se répéter au Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Éprouvée par des rébellions en 1996, 1998 et 2008, cette région congolaise frontalière de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi est de nouveau en proie aux violences d’un mouvement rebelle que l’armée congolaise ne parvient pas à contrecarrer : le M23, dont le nom est une cynique référence à des accords de paix signés entre le gouvernement de Kinshasa et un autre groupe rebelle, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), le 23 mars 2009.

Les 1 500 hommes du M23, dont des enfants-soldats d’après les Nations unies, contrôlent désormais plusieurs villes dans le Nord-Kivu et vivent des prélèvements extirpés aux conducteurs de camions qui empruntent les routes menant au Rwanda. Les combats ont fait plus de 200 000 déplacés depuis le mois d’avril.

Le Rwanda accusé d’ingérence

Le M23 trouve ses racines dans le passé secoué du Kivu. Son fondateur, Bosco Ntaganda, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, est un ancien du CNDP, rébellion qui a menacé la région en 2008. à la suite des accords de paix du 23 mars 2009, lui et les hommes du mouvement ont été intégrés à l’armée congolaise. Affectés au Kivu, certains profitent allègrement du trafic de minerais – coltan, or, cassitérite.

Afin de casser ce système, Kinshasa décide de redéployer les anciens du CNDP hors du Kivu début 2012. Sous prétexte que les accords du 23 mars ne sont pas respectés, Bosco Ntaganda déclenche alors une mutinerie et déserte avec 600 à 700 hommes, en avril. La rébellion commence, grossit et progresse vers Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, ville stratégique à la frontière du Rwanda. Entre-temps, Bosco Ntaganda perd son poste de chef du M23 et le colonel Jules Sultani Makenga le remplace.

L’histoire n’a rien d’un conflit local. Rendu public début juillet, un rapport des Nations unies accuse le Rwanda de fournir « du matériel militaire, des armes, des munitions et des fournitures diverses aux rebelles du M23 ». Un mois plus tôt, l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch attirait déjà l’attention sur l’ingérence rwandaise. Kinshasa accuse aussi son voisin, qui dément.

Les pays de la région des Grands lacs pour la constitution d’une « force neutre »

En retour, le Rwanda reproche à la RDC de ne pas contrôler son territoire, où évoluent encore les résidus d’un groupe armé comportant des éléments ayant participé au génocide rwandais, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). C’est la résurgence d’un profond et vieux contentieux entre les deux pays que l’on a cru un temps réglé.

« Il y a un fond de vérité dans chacune de ces accusations réciproques », estime Thierry Vircoulon, directeur Afrique centrale d’International Crisis Group (ICG, ONG pour la prévention des conflits).

Les dirigeants des onze pays de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL, qui compte entre autres la RDC, le Rwanda et l’Ouganda) ont organisé un sommet de deux jours, la semaine dernière, censé conduire à une solution à la crise. S’étant auparavant accordés sur le principe de la mise en place d’une « force neutre » censée éradiquer les groupes armés opérant dans l’est de la RDC, ils n’ont pas progressé sur les aspects pratiques de cette solution et se sont donné rendez-vous en septembre.

« Il ne suffit pas de rajouter des uniformes »

L’idée d’une « force neutre » laisse néanmoins les observateurs sceptiques. Des forces armées sont déjà présentes dans la région : celles la mission des Nations unies au Congo (Monusco), qui compte 18 000 hommes au total, et 30 000 à 40 000 hommes de l’armée congolaise. « Le problème est la qualité et non la quantité, estime Thierry Vircoulon. Il ne suffit pas de rajouter des uniformes. »

Par ailleurs, de fortes divergences opposent le Rwanda et la RDC au sujet de la composition de cette force : le premier souhaite en faire partie, tandis que la seconde préférerait voir le mandat de la Monusco renforcé. L’immobilisme et les crispations semblent conduire à une impasse. « Ce qui ressort de cette histoire, c’est qu’on n’a pas avancé depuis la crise de 2008 », conclut Thierry Vircoulon.


MARIANNE MEUNIER


© Copyright La Croix

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire