(Rewmi 31/05/2013 - 15:51)
Plusieurs pays africains comptent actuellement parmi les économies les plus dynamiques au monde, avec une croissance alimentée, dans plusieurs cas, par les nouvelles découvertes de réserves de pétrole, de gaz naturel et de minerais stratégiques. Sur le continent, l’extrême pauvreté est en recul et la progression vers les objectifs du Millénaire pour le développement s’est accélérée. Plusieurs pays africains très pauvres, dont le Malawi, la Sierra Leone et l’Éthiopie, ont dernièrement considérablement réduit les inégalités de revenus.
Pourtant, des millions d’Africaines et d’Africains ne bénéficient pas de la croissance impressionnante que connaît le continent. Un tiers des personnes les plus pauvres de la planète vivent en Afrique subsaharienne, laquelle compte six des dix pays les plus inégalitaires au monde. Là où les inégalités de revenus sont importantes, les bienfaits de la croissance économique demeurent inaccessibles aux couches pauvres de la population. La pauvreté et l’exclusion nuisent à la stabilité sociale, entravant la productivité des investissements et jusqu’à la croissance même.
Le potentiel du continent est en outre affaibli par l’hémorragie de capitaux – souvent due à la fraude fiscale et la manipulation des prix de transfert par les sociétés pétrolières, gazières et minières, et ce avec la complicité de fonctionnaires corrompus. En 2010, les exportations africaines de pétrole, de gaz et de minerais s’élevaient à 333 milliards de dollars. Mais selon les estimations, l’Afrique perdrait jusqu’à 200 milliards de dollars par an dans le cadre de flux illicites de capitaux. En comparaison, l’aide au développement reçue paraît dérisoire.
Les inégalités de revenus et les flux illicites de capitaux dépouillent l’Afrique de ses richesses et de précieux moyens d’investir dans l’éducation, l’agriculture et la santé – des secteurs essentiels à une population productive.
Ce mois-ci les dirigeants d’entreprises et les responsables politiques africains se sont réunis au Cap en Afrique du Sud à l’occasion du Forum économique mondial sur l’Afrique. Voici le message que je leur ai adressé : pour que l’Afrique puisse réaliser tout son potentiel, vous devez soutenir les millions de laissés-pour-compte de la croissance économique. Sinon, le progrès social et économique restera au ralenti sur le continent.
Le mois dernier, l’Union européenne est parvenue à un accord sur une réglementation qui imposera aux sociétés pétrolières, gazières, minières et forestières de déclarer les sommes versées aux autorités publiques des pays dans lesquels elles opèrent. Cet accord vient renforcer une législation récemment promulguée aux États-Unis dans le cadre de la loi de réforme financière Dodd-Frank, et je m’en réjouis. La transparence est un excellent désinfectant ; elle va pousser les gouvernements à rendre compte de la façon dont ils dépensent les fonds qu’ils reçoivent à titre de droits d’exploitation et de royalties.
Quelques États africains prennent des mesures pour gérer leur patrimoine naturel de façon responsable. Au Ghana, la loi sur la gestion des recettes pétrolières nationales rend obligatoire la déclaration trimestrielle des paiements et des volumes de production, tandis qu’au Liberia, l’initiative volontaire pour la transparence dans les industries extractives (EITI) a désormais force obligatoire.
Mais l’Afrique ne pourra pas s’en sortir seule. Moteur de l’économie africaine, le secteur privé détient, s’il se comporte de manière responsable, la clé d’un développement économique équitable et durable. Les politiques et les pratiques des entreprises doivent respecter les droits des populations des pays où elles opèrent. Les sociétés doivent informer et consulter les communautés locales touchées par les projets d’extraction et leur accorder la possibilité d’approuver ou de rejeter un projet avant le début des opérations.
Pour leur part, les partenaires du développement de l’Afrique peuvent apporter une aide qui favorisera la bonne gouvernance et donnera à la société civile les moyens de rappeler les dirigeants à leur obligation de rendre des comptes.
Nous assistons à une ruée sur les ressources naturelles de l’Afrique, qui n’est pas sans rappeler l’époque de la révolution industrielle en Europe. Il est urgent et impératif que, dans chaque pays, des politiques se mettent en place pour protéger les droits et les intérêts des Africaines et Africains, et plus particulièrement celles et ceux qui vivent dans la pauvreté.
Si l’on veut maintenir des taux de croissance élevés, la priorité doit aller à l’établissement de politiques inclusives qui garantissent le caractère durable et équitable de la croissance. Il faut injecter une part autrement plus importante des recettes générées par le boom des ressources naturelles directement dans l’éducation, la santé et la nutrition, ainsi que l’amélioration du potentiel productif des plus démunis. Sinon, on risque de saper les efforts visant à stimuler la croissance économique de manière durable.
Il est temps de changer la donne pour les populations pauvres d’Afrique, de leur accorder plus d’équité pour que les ressources de l’Afrique bénéficient à tous ses habitants.
Par Winnie Byanyima Directrice générale d’Oxfam International
Vendredi 31 Mai 2013
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Pourtant, des millions d’Africaines et d’Africains ne bénéficient pas de la croissance impressionnante que connaît le continent. Un tiers des personnes les plus pauvres de la planète vivent en Afrique subsaharienne, laquelle compte six des dix pays les plus inégalitaires au monde. Là où les inégalités de revenus sont importantes, les bienfaits de la croissance économique demeurent inaccessibles aux couches pauvres de la population. La pauvreté et l’exclusion nuisent à la stabilité sociale, entravant la productivité des investissements et jusqu’à la croissance même.
Le potentiel du continent est en outre affaibli par l’hémorragie de capitaux – souvent due à la fraude fiscale et la manipulation des prix de transfert par les sociétés pétrolières, gazières et minières, et ce avec la complicité de fonctionnaires corrompus. En 2010, les exportations africaines de pétrole, de gaz et de minerais s’élevaient à 333 milliards de dollars. Mais selon les estimations, l’Afrique perdrait jusqu’à 200 milliards de dollars par an dans le cadre de flux illicites de capitaux. En comparaison, l’aide au développement reçue paraît dérisoire.
Les inégalités de revenus et les flux illicites de capitaux dépouillent l’Afrique de ses richesses et de précieux moyens d’investir dans l’éducation, l’agriculture et la santé – des secteurs essentiels à une population productive.
Ce mois-ci les dirigeants d’entreprises et les responsables politiques africains se sont réunis au Cap en Afrique du Sud à l’occasion du Forum économique mondial sur l’Afrique. Voici le message que je leur ai adressé : pour que l’Afrique puisse réaliser tout son potentiel, vous devez soutenir les millions de laissés-pour-compte de la croissance économique. Sinon, le progrès social et économique restera au ralenti sur le continent.
Le mois dernier, l’Union européenne est parvenue à un accord sur une réglementation qui imposera aux sociétés pétrolières, gazières, minières et forestières de déclarer les sommes versées aux autorités publiques des pays dans lesquels elles opèrent. Cet accord vient renforcer une législation récemment promulguée aux États-Unis dans le cadre de la loi de réforme financière Dodd-Frank, et je m’en réjouis. La transparence est un excellent désinfectant ; elle va pousser les gouvernements à rendre compte de la façon dont ils dépensent les fonds qu’ils reçoivent à titre de droits d’exploitation et de royalties.
Quelques États africains prennent des mesures pour gérer leur patrimoine naturel de façon responsable. Au Ghana, la loi sur la gestion des recettes pétrolières nationales rend obligatoire la déclaration trimestrielle des paiements et des volumes de production, tandis qu’au Liberia, l’initiative volontaire pour la transparence dans les industries extractives (EITI) a désormais force obligatoire.
Mais l’Afrique ne pourra pas s’en sortir seule. Moteur de l’économie africaine, le secteur privé détient, s’il se comporte de manière responsable, la clé d’un développement économique équitable et durable. Les politiques et les pratiques des entreprises doivent respecter les droits des populations des pays où elles opèrent. Les sociétés doivent informer et consulter les communautés locales touchées par les projets d’extraction et leur accorder la possibilité d’approuver ou de rejeter un projet avant le début des opérations.
Pour leur part, les partenaires du développement de l’Afrique peuvent apporter une aide qui favorisera la bonne gouvernance et donnera à la société civile les moyens de rappeler les dirigeants à leur obligation de rendre des comptes.
Nous assistons à une ruée sur les ressources naturelles de l’Afrique, qui n’est pas sans rappeler l’époque de la révolution industrielle en Europe. Il est urgent et impératif que, dans chaque pays, des politiques se mettent en place pour protéger les droits et les intérêts des Africaines et Africains, et plus particulièrement celles et ceux qui vivent dans la pauvreté.
Si l’on veut maintenir des taux de croissance élevés, la priorité doit aller à l’établissement de politiques inclusives qui garantissent le caractère durable et équitable de la croissance. Il faut injecter une part autrement plus importante des recettes générées par le boom des ressources naturelles directement dans l’éducation, la santé et la nutrition, ainsi que l’amélioration du potentiel productif des plus démunis. Sinon, on risque de saper les efforts visant à stimuler la croissance économique de manière durable.
Il est temps de changer la donne pour les populations pauvres d’Afrique, de leur accorder plus d’équité pour que les ressources de l’Afrique bénéficient à tous ses habitants.
Par Winnie Byanyima Directrice générale d’Oxfam International
Vendredi 31 Mai 2013
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