vendredi 22 mars 2013
La CPI confirme la nationalité rwandaise de Ntaganda
(Le Potentiel 22/03/2013)
La nationalité rwandaise de Bosco Ntaganda, général radié des Forces armées de la RDC depuis juillet 2012, ne fait l’ombre d’aucun doute. La CPI, qui l’attend à La Haye avant la fin de cette semaine, le considère comme citoyen rwandais à part entière. Ce qui a obligé le président Paul Kagame à se démarquer de sa ministre des Affaires étrangères en promettant toute la collaboration de son pays au transfèrement de Ntaganda à la CPI. Cela étant, Kinshasa devrait saisir l’opportunité pour nettoyer les écuries de la défense et de la sécurité.
Plus de doute possible sur la nationalité rwandaise du général renégat Bosco Ntaganda, présentement en exil dans l’ambassade des Etats-Unis au Rwanda. La Cour pénale internationale qui a dépêché sur place à Kigali une équipe de ses experts pour son transfèrement à La Haye confirme sa citoyenneté rwandaise. Le mandat d’arrêt de la CPI dit que Bosco Ntaganda est né à Ruhengeri, une ville du Nord-est du Rwanda.
Mis devant un fait accompli, Paul Kagame a vite fait de reconsidérer les déclarations de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mishikiwabo, et promis de « travailler pour faire en sorte que tout ce dont l’ambassade américaine a besoin en lien avec l’affaire Bosco Ntaganda soit mis en œuvre aussi rapidement que possible ».
Pour rappel, le mardi 19 mars, 24 heures après la reddition de Ntaganda aux autorités américaines, Louise Mishikiwabo déclarait que son pays, le Rwanda, n’avait aucun lien avec l’affaire Ntaganda. Selon elle, cette affaire était de la compétence des Etats-Unis qui détenaient le suspect, de la RDC, pays d’origine du suspect, et de la CPI qui recherche le suspect. Pendant tout ce temps, le département d’Etat américain ne cessait de solliciter la collaboration des autorités rwandaises pour l’aboutissement de ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Bosco Ntaganda ».
Cette évolution de l’affaire appelle des questions. Qui ou qu’est-ce qui a pu faciliter l’intégration de Bosco Ntaganda dans les Forces armées de la RDC ? A ce jour, combien d’autres « Ntaganda » compte-t-on encore autant dans les FARDC que dans les services de sécurité ou autres institutions congolaises ? Les services compétents ont du pain sur la planche. Le but étant de ne pas tomber dans les mêmes erreurs.
Kampala : mêmes causes, mêmes effets
L’erreur est humaine mais persévérer dans l’erreur est diabolique, dit un adage latin. Il y a trois mois, le gouvernement a engagé à Kampala des pourparlers avec le M23. Ces négociations directes visaient la fin de la situation de guerre qui prévaut dans l’Est du pays avec toutes les complicités internes et externes que l’on connaît. La date prévue pour les conclusions de ces pourparlers, à savoir le 15 mars 2013, est passée sans que l’on sache ce qu’il faut en retenir.
Pendant ce temps, le M23 s’est scindé en deux branches, l’un dirigée par l’ancien président Jean-Marie Runiga, l’autre par le nouvel homme fort Sultani Makenga. Des sources concordantes rapportent que Kinshasa serait prêt à signer avec l’aile de ce dernier, réputé colombe et coopératif. Jean-Marie Runiga se serait disqualifié en s’alliant à l’actuel baudet dont le transfèrement à La Haye n’est plus qu’une question de jours.
Mais, qui est donc ce Sultani Makenga ? Le 6 juillet 2012, le Conseil supérieur de la défense tenu à Kinshasa sous la direction du chef de l’Etat, décide de la radiation au sein des FARDC d’un certain nombre d’officiers supérieurs et généraux ayant rejoint les rangs du M23. Au nombre de ces officiers radiés, se trouvent repris en gras le Colonel Ruzangiza, alias Sultani Makenga ; le général Bosco Ntaganda, présenté comme autorité morale du M23, et le colonel Vianney Kazarama, alors porte-parole du M23. Ces radiations sont contenues dans un communiqué du Conseil supérieur de la défense signé par le vice-Premier ministre, ministre de la Défense, Alexandre Luba Ntambo.
Qu’est-ce qui a changé entre-temps pour que Sultani Makenga, de son vrai nom Ruzangiza (cf. Conseil supérieur de la défense), devienne candidat une éventuelle intégration dans les FARDC ? Son identité, mieux sa nationalité, a-t-elle cessé d’être douteuse ? Non seulement lui, mais il y a également un certain nombre d’officiers du M23, précisément l’aile qu’il dirige depuis peu, qui pourraient être intégrés dans les FARDC.
Azarias Ruberwa, ancien vice-président et ex-président du RCD, a dernièrement déclaré que le gouvernement n’avait pas de choix s’agissant de l’intégration des éléments du M23 dans l’Armée nationale. Comment peut-il être aussi si sûr de cette éventualité ? Peut-être s’est-il dit que les conclusions de Kampala auraient de la suprématie sur les institutions nationales. Si la délégation du gouvernement a la même approche de Kampala, il y a lieu d’attester la thèse de la mise sous tutelle de la RDC.
A-t-on réellement tiré les leçons de Bosco Ntaganda ? Celui-là même qui a longtemps été présenté comme citoyen congolais jusqu’à porter les galons les plus élevés dans les FARDC, mais que la très réputée CPI présente sans broncher comme citoyen rwandais à part entière. Y a-t-il encore une raison de croire à tout le processus mené depuis le CNDP dans l’Est de la RDC par voie d’intégration, mixage ou brassage ?
Tout compte fait, l’on se rend bien compte aujourd’hui que c’est la RDC qui a perdu sur toute la ligne. D’abord, son honneur en intégrant dans les rangs de ses forces armées des étrangers qui n’ont jamais travaillé pour la défense de sa souveraineté. Par après, c’est sa dignité en tant qu’Etat indépendant et souverain qui est toujours bafoué. Et ce n’est pas de la stigmatisation. Mais, c’est plutôt une réalité qui doit révolter et qui devait, selon toute vraisemblance, éviter la RDC de retomber dans les mêmes travers.
Makenga, celui avec qui Kinshasa se prépare à conclure un accord de paix, avec possibilité d’une reconnaissance de grades dans les FARDC, est dans le schéma de Bosco Ntaganda. Il est sous les projecteurs des Nations unies. Et il n’est pas exclu que la CPI se saisisse de son cas très prochainement pour des crimes et exactions commis pendant qu’il commandait les opérations au sein du M23. Est-ce que le gouvernement s’y opposerait comme il l’avait fait pour Bosco Ntaganda à l’époque avant de tomber en disgrâce ? Soupape de sécurité, fusible pour la paix, toutes ces expressions se sont révélées, à la fin, creuses.
En revanche, le cas Ntaganda doit plutôt éveiller l’attention du gouvernement en procédant à un recensement au sein des FARDC et, par ricochet, dans toutes les structures de sécurité du pays. Ce ne serait pas un crime de lèse-majesté que de s’assurer de l’identité de ceux qui sont affectés dans différents services de défense et de sécurité de l’Etat. Kampala rappelle que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Par ailleurs aujourd’hui, Ntaganda a été livré par ceux qu’il a toujours servis depuis des décennies. Ses parrains et autres principaux soutiens l’ont laissé choir comme un poisson pourri. Cette leçon est-elle comprise par tous ceux qui, en RDC, au Rwanda ou au Burundi, continuent de jouer le même rôle ?
Écrit par Le Potentiel
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