(Le Potentiel
13/12/2012)
Une quinzaine d’organisations non gouvernementales (ONG)
occidentales sont montées au créneau en rapport à la situation d’insécurité qui
prévaut dans l’Est de la RDC. Elles exigent de l’administration américaine des
sanctions exemplaires contre le Rwanda pour son soutien au M23. Elles attendent
aussi la nomination dans les meilleurs délais d’un envoyé spécial de la Maison
Blanche dans les Grands Lacs africains. C’est ce qui ressort d’une lettre datée
du 10 décembre et dans laquelle elles relèvent la passivité de l’administration
Obama devant le drame congolais.
Le lancement des négociations directes
menées à Kampala (Ouganda) entre le gouvernement de la RDC et les rebelles du
M23 n’a pas empêché un collectif d’ONG occidentales d’interpeller le président
des Etats-Unis, Barack Obama, sur l’indifférence manifeste de son administration
dans le nouveau drame qui s’abat dans l’Est de la RDC. Du fait de la rébellion
menée par le M23.
La lettre date du 10 décembre 2012 et porte la
signature de 15 ONG américaines et européennes. Dans cette correspondance, les
signataires se disent préoccupées par la passivité, et surtout, l’indifférence
dont fait preuve l’administration Obama en rapport avec l’insécurité au Congo.
Or, relèvent-elles, des faits sur le terrain, du reste confirmés dans le dernier
rapport du groupe d’experts des Nations unies, chargent terriblement le Rwanda,
considéré comme principal soutien du M23.
« Alors que la situation se
détériore de façon spectaculaire dans l'Est de la RD Congo, la réponse
américaine à la crise s’est fait manifestement attendre par rapport à d'autres
pays occidentaux », écrivent-elles. Les Etats-Unis, pensent-elles, doivent «
prendre des mesures immédiates pour faire face de manière significative à une
des plus grandes crises humanitaires de notre génération ».
Le collectif
d’ONG recommande instamment au président Obama de « nommer un envoyé
présidentiel pour mener une riposte coordonnée américaine à la crise, à soutenir
la nomination d'un envoyé de l'ONU pour les Grands Lacs, afin de soutenir
l'imposition des sanctions contre les contrevenants de l'embargo sur les armes
des Nations unies sur la RDC, et enfin, pour couper toute assistance militaire
et suspendre toute autre aide non humanitaire au gouvernement du Rwanda pour son
soutien à l'insurrection du M23 ».
Silence coupable des
Etats-Unis
Bien avant qu’elles ne formulent leurs recommandations, ces
ONG dénoncent le silence coupable des Etats-Unis devant des faits avérés qui
chargent le Rwanda relativement à son soutien aux rebelles du M23. « Au cours
des 15 dernières années, les efforts américains pour aborder l'implication
rwandaise dans l'Est du Congo n'ont pas réussi à dissuader les incursions
continues du Rwanda dans l'Est de la RD Congo », rappellent-elles. Elles
balaient en même temps les raisons maintes fois brandies par le Rwanda pour
justifier l’incursion de ses troupes sur le territoire congolais. Ce qui,
font-elles savoir au président américain, « ne suffit pas à justifier la
violation répétée de la souveraineté RDC, des graves violations des droits
humains de l’homme et d’innombrables violations de l'embargo sur les armes
».
Ces ONG estiment que le Rwanda aurait induit l’administration
américaine en erreur, en niant toute implication dans la nouvelle crise de qui
déstabilise la RDC : « Depuis que le M23 a été créé au printemps de 2012, les
autorités américaines ont continué à croire en la bonne foi du Rwanda dans un
dialogue constructif ». « Cette approche, souligne le collectif, a clairement
échoué à changer la politique du Rwanda ». En témoigne, « la participation
directe de l'armée rwandaise dans la récente chute de la ville de Goma, tel que
confirmé par le Groupe d'experts des Nations unies ».
Tirs croisés sur
Hillary Clinton
Parallèlement à l’action menée par ce collectif d’ONG, le
département d'Etat américain a également été mardi dernier la cible de critiques
d'élus du Congrès pour sa politique dans l’Afrique des Grands Lacs. Le
gouvernement américain ne s’est pas hâté à stopper la rébellion du M23 qui sème
la panique et la désolation dans l'Est de la RDC.
« Les efforts
internationaux pour construire un processus de paix crédible pour le Congo sont
manifestement dans un piteux état, condamnant le pays à de nouveaux cycles d'un
conflit dévastateur », s'est insurgé lors d'une audition à la Chambre des
représentants le patron de l'ONG Enough Project, John Prendergast, également
signataire de la lettre adressée à Obama.
Au-delà d'une résolution du
Conseil de sécurité de l'ONU appelant à la fin des violences, « la réponse de la
diplomatie internationale s'avère être extraordinairement inefficace », a
poursuivi l'expert.
Le secrétaire d'Etat adjoint chargé de l'Afrique,
Johnnie Carson, a longuement défendu la diplomatie américaine dans les Grands
Lacs, contestant qu'elle soit « faible ». Il a par contre admis qu'il existait
des « preuves crédibles » d'un appui rwandais aux mutins en RDC et reconnu que
Washington n'avait jamais pris de sanctions contre des responsables de Kigali
montrés du doigt par l'ONU.
L’inefficience d’une solution
régionale
Tout en saluant les efforts entrepris au sein de la Conférence
internationale sur les Grands Lacs (CIRGL) et l’implication des acteurs
régionaux dans la recherche d'une solution à la crise, les ONG signataires de la
lettre adressée à Barack Obama estiment cependant que « l'approche palliative de
la CIRGL et le recours à des solutions militaires n'apportera pas la paix
durable dans la région ». Elles fondent leurs appréhensions sur le danger de
réintégrer, à l’issue des discussions de Kampala, des éléments du M23 dans les
structures officielles, dont les Forces armées de la RDC.
Ce qui ne
ferait, relèvent-elles, que faciliter la poursuite de la violence et
l’instabilité de la région. A leur avis, « au mieux, le dialogue en cours entre
le gouvernement de la RDC et de la M23 est susceptible d'entraîner la
réintégration des criminels de guerre dans l'armée congolaise et la poursuite de
la violence et de l'instabilité dans la région ».
Par conséquent, le
collectif pense que la sortie pacifique de la crise dans l’Est de la RDC ne peut
résulter d’une structure, à l’instar de la CIRGL, où siègent en même temps les
bourreaux (Rwanda et Ouganda) et la victime (RDC). Elles sont d’avis que « les
efforts pour parvenir à une paix durable doivent être menés non par ceux qui
continuent à perpétuer le conflit, mais plutôt par un processus crédible
internationalement reconnu ».
D’où, leur appel de voir l’administration
Obama s’impliquer véritablement pour une action de dimension internationale pour
un retour rapide de la paix dans l’Est de la RDC.
Si la sortie de la
crise dans l’Est passe par la mise en œuvre d’une stratégie internationale et
non régionale, ces ONG soulèvent également l’urgence de bâtir des institutions
réellement « démocratiques » pour permettre à la RDC d’« apporter la sécurité
dans ses régions orientales ». « Toute nouvelle stratégie visant à ramener la
stabilité dans la région doit assurer des progrès tangibles dans les
institutions démocratiques de la RDC, notamment dans les domaines cruciaux de la
réforme électorale, la réforme de l'armée, et le trafic des ressources
naturelles », avancent-elles dans la lettre adressée au président
Obama.
Le président Obama a de quoi s’impliquer pour empêcher l’implosion
de la RDC. Car « à l’absence d'une action sérieuse et durable, relèvent ces ONG,
la RDC fait face à une nouvelle période de violence prolongée voire
l'effondrement et la désintégration. Plus important encore, des milliers de vies
et les moyens d'existence sont en jeu ». En ce moment de crise, concluent-elles,
« les États-Unis ont une occasion de rendre hommage non seulement à ses valeurs
pour le respect des droits de l'Homme et du Droit international, mais aussi pour
répondre à ses intérêts dans la stabilité à long terme de la région des Grands
Lacs ».
Leur voix sera-t-elle entendue ? C’est tout le souhait du peuple
congolais qui vit depuis plus d’une décennie le martyr dans la partie Est de son
territoire. En une décennie, plus de six millions de Congolais sont déjà tombés
sur le champ de bataille dans l’Est de la RDC ; un génocide que le monde
continue malheureusement à ignorer.
Longtemps alliés au Rwanda du
président Paul Kagame, les Etats-Unis ont commencé timidement à rompre leur
idylle avec Kigali, réduisant leur modeste aide militaire et l'accusant de plus
en plus ouvertement d'appuyer le M23.
Ces dernières semaines toutefois,
le département d'Etat se limitait à appeler à « la fin des soutiens extérieurs
au M23 » plutôt que de désigner nommément le Rwanda et l'Ouganda. D’où,
l’administration Obama est-elle pointée du doigt et responsabilisée pour une
solution durable.
Encadré
Les ONG signataires
1. Africa Europe
Faith and Justice Network
2. Africa Faith and Justice Network
3. Atma
Foundation
4. The Enough Project
5. Falling Whistles
6. Freedom
House
7. Global Centre for the Responsibility to Protect
8. Global
Witness
9. Humanity United
10. Invisible Children
11. Jewish World
Watch
12. Open Society Foundations
13. Refugees International
14.
Resolve
15. United to End Genocide
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