(Le Potentiel 11/10/2012)
La dernière déclaration du président français n’a pas laissé
indifférent le gouvernement de la RDC qui, par la bouche de son porte-parole, a
réagi en s’appesantissant sur ce qu’il appelle les « contre-vérités » de
François Hollande. Dévoilant ce jeudi les contours de la politique africaine de
la France, le président français ne manquera pas de revenir sur ces sujets qui
fâchent. D’où, entre Paris et Kinshasa, c’est désormais l’escalade verbale,
sinon une tempête qui précède le choc frontal à l’occasion du 14ème sommet de la
Francophonie.
L’axe Paris-Kinshasa est en ébullition, alors que s’ouvre
dans 24 heures le 14ème Sommet de la Francophonie. En cause, la dernière
déclaration du président français sur la situation en RDC n’a pas plu au
gouvernement. Intervenant mardi sur les antennes de Radio France Internationale
(RFI), François Hollande a qualifié « d’inacceptable » la situation en matière
des droits de l’Homme, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition
en RDC. Réponse du berger à la bergère, le gouvernement a jugé à son tour «
inacceptable » les propos du président français. Et c’est le ministre des Medias
et porte-parole du gouvernement qui s’est chargé de donner la réplique.
Au cours d’une conférence de presse animée mercredi à Kinshasa, Lambert
Mende Omalanga n’est pas allé par le dos de la cuillère pour dénoncer la «
sortie pour le moins excessive et hasardeuse » et les « contre-vérités » du chef
de l’Etat français mardi dernier à Paris devant le secrétaire général des
Nations unies, Ban Ki-moon.
De l’avis du porte-parole, Kinshasa se devait
de réagir pour rétablir la vérité : « Sauf le respect dû à un chef d’Etat que
nous nous apprêtons à recevoir dans quelques heures, et qui a tout de même la
bonne idée de reconnaître et condamner l’agression extérieure dont notre pays
est victime à l’Est, le gouvernement de la RD Congo ne peut pas laisser dire des
contre-vérités sur l’état de la démocratie et des droits de l’Homme, y compris
les droits de l’opposition dans son espace ».
C’est, notamment,
lorsqu’il revient sur le climat d’apaisement qui a suivi le dernier passage à
Kinshasa de la ministre française déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui.
« Nous avions pourtant noté des mots de bon sens de la ministre française
lorsqu’elle a fait remarquer que ’’le Sommet de Kinshasa aura du sens parce
qu’il se déroulera au cœur de l’Afrique (et que) la RDC est un pays que l’on ne
peut pas boycotter ; la vision de la France est d’avoir avec les pays africains
des relations à hauteur de l’humain, égalitaires ».
« Nombre de Congolais
sont tombés des nues en entendant hier (Ndrl : le mardi 9 octobre) le numéro un
français se livrer carrément à un exercice de caporalisation de la RD Congo », a
déclaré Lambert Mende, apparemment révolté. Il a trouvé « désobligeants » les
propos du président français. Et d’ajouter : « Nous pensons, comme certains
opérateurs politiques français du reste, que la sortie du président de la
République française était pour le moins excessive et hâtive ».
Pour
Lambert Mende, la déclaration porte également la marque de l’Opposition
congolaise. « Le président Hollande nous a donné l’impression, à travers sa
déclaration, de s’être littéralement fait piéger par un seul son de cloche
émanant d’officines connues en France et en RD Congo en relayant de manière
complaisante les accusations d’une frange extrémiste de l’opposition congolaise
selon lesquelles la situation de la démocratie, des droits de l’homme et des
droits de l’opposition est +tout à fait inacceptable+ dans notre pays », a-t-il
déploré.
Il est revenu, de manière implicite, sur la restructuration de
la CENI, la création d’une Commission nationale des droits de l’Homme et
l’affaire Chebeya, présentés en son temps comme préalables à la participation du
président François Hollande au 14ème Sommet de la Francophonie à
Kinshasa.
Abordant ces sujets, le porte-parole du gouvernement a évité de
se perdre en « conjectures » sur ce qui, pense-t-il, « pourrait bien justifier
l’impatience et la mauvaise humeur du chef de l’Etat français qui a parlé comme
si il était attitré à donner des injonctions au Parlement et aux Cours et
tribunaux de la RD Congo sur le timing et le contenu de leurs débats,
délibérations et décisions ». Kinshasa n’est pas prêt, a indiqué Lambert Mende,
à céder aux « pressions extérieures » - le Parlement congolais ayant « sa
dynamique démocratique propre ». Il a laissé entendre que la justice congolaise
« jouit de son indépendance », rendant son verdict « à son propre rythme, en
fonction de sa dynamique, de sa rationalité et surtout de son intime conviction
». « Une justice qui dit le droit sous pression, fut-elle de la part d’un pays
ami comme la France, n’est plus une », a-t-il ajouté.
Estimant que les
propos du président Hollande « procèdent d’une lecture politiquement biaisée de
la situation en RD Congo », le ministre Lambert Mende a considéré qu’«on n’est
pas loin de l’insulte à l’égard de ce grand peuple qui s’est mobilisé depuis les
années que la Deuxième République pour conquérir de haute lutte les espaces de
libertés qui sont une réalité palpable à l’heure actuelle en dépit des
difficultés d’ordre économique et sécuritaire qui l’assaillent ».
Et
parmi ces « espaces de libertés », il a cité «un référendum constitutionnel et
deux élections générales avec leurs tâtonnements et dysfonctionnements organisés
malgré les multiples défis sécuritaires ». En effet, a-t-il souligné, « en
matière de droits de l’opposition, il n’est pas exagéré d’affirmer que la RD
Congo d’aujourd’hui est l’un des rares pays d’Afrique subsaharienne dans
lesquels les droits de l’opposition sont reconnus et d’application depuis des
lustres ». Il a rappelé que ceux-ci siégent à l’Assemblée nationale, au Sénat et
dans l’ensemble des assemblées provinciales du pays.
Le ministre des
Médias n’a pas bouclé sa conférence de presse sans mettre en garde ceux qui
seraient tentés de perturber les assises de Kinshasa, leur rappelant que « les
lois de la République ne sont pas sous le boisseau » pour sévir à tout
moment.
Tempérer les ardeurs
Après cette sortie médiatique du
porte-parole du gouvernement, chacun y est allé de son commentaire. Des
questions ont fusé. Etait-elle opportune ? Fallait-il répondre au coup pour coup
? Que voulait Paris en revenant sur ses remontrances à l’endroit de Kinshasa ?
Après cette tempête, les deux parties auront-elles le courage de se regarder
dans les yeux au cours du sommet de Kinshasa ou vont-elles se bouder en gâchant
la fête ?
A 24 heures de ce grand rendez-vous autour de la langue
française dont la France passe pour l’autorité morale, estiment qu’il est dans
l’intérêt de tous les pays de l’espace francophone de travailler à l’apaisement
de part et d’autre. Ce qui éviterait un atterrissage en catastrophe de deux ans
de préparation du 14ème Sommet de Kinshasa.
Tempérer les ardeurs. Voilà
le maître mot. Paris ne gagne rien à sécher le sommet, Kinshasa non plus n’a
aucun intérêt à se créer de nouveaux ennemis. Par ailleurs, l’espace francophone
ne doit donc pas se muer en un lieu de règlement des comptes. Il est temps de
refaire cette grande unité qui a toujours caractérisé les pays francophones pour
la protection et la sauvegarde, avec la France en tête de peloton, de ce
patrimoine commun qu’est la langue française.
Écrit par LE POTENTIEL
© Copyright Le
Potentiel
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