(Afrik.com 17/10/2012)
Il a beaucoup été de question de droits de l’homme au sommet
de la Francophonie, organisé du 12 au 14 octobre à Kinshasa. Mais aussi des
droits de la presse. Les associations Reporters sans frontières et Journaliste
en danger ont profité de l’occasion pour faire la lumière sur les conditions
d’exercice difficiles des journalistes en République Démocratique du Congo. Des
conditions qui se seraient détériorées depuis 2011.
« Je souhaiterais
simplement pouvoir rendre compte des choses telles que je les vois », raconte
Ana (le nom a été changé, ndlr), une journaliste congolaise qui travaille dans
le Nord-Kivu, contrée particulièrement sensible en raison des affrontements
réguliers entre rebelles du M23 et l’armée congolaise. D’après le rapport
présenté jeudi dernier par Reporters sans frontières (RSF) et Journaliste en
danger (JED), juste avant l’ouverture du sommet de la Francophonie, huit
journalistes auraient été assassinés depuis 2005 en République Démocratique du
Congo (RDC). Et 160 cas d’atteintes à la liberté de la presse auraient été
répertoriés en 2011 et près de 130 pour l’année 2012. Le pays est 145e sur 179
au classement mondial 2011-2012 de la liberté de la presse établi par Reporters
sans frontières.
Arrestations, cas de menaces et agressions, censures...
Il n’est pas toujours simple d’exercer son métier de journaliste en RDC. Pour la
couverture du conflit au Nord-Kivu, par exemple, Ana sait qu’elle doit davantage
donner le point de vue du gouvernement que celui des rebelles. « On n’a pas
vraiment de consignes à ce sujet, mais on sait ce qu’on doit faire pour que
notre papier ait une chance d’être accepté par la rédaction. Le problème, aussi,
c’est que si l’on s’intéresse un peu trop aux rebelles, on peut nous accuser de
complicité », déplore-t-elle.
Les atteintes à la liberté de la presse se
multiplient
Pour Journaliste en danger et Reporters sans frontières, les
atteintes à la liberté de la presse se sont multipliées en 2011, notamment en
fin d’année, période d’élection présidentielle et législatives. « La situation a
été particulièrement tendue à la fois sur le plan de la campagne politique, mais
aussi sur celui de l’information », explique Ambroise Pierre, responsable du
bureau Afrique à Reporters sans frontières. La réélection du président Joseph
Kabila avait été contestée, tout comme le scrutin des législatives remportées
elles aussi par le parti du chef d’Etat sortant et ses alliés. Un contexte
difficile pour les journalistes, auquel s’ajoute, selon JED et RSF, « une nette
dégradation de la situation sécuritaire dans l’est du pays, avec l’apparition
d’un nouveau mouvement rebelle dénommé M23 », à l’été 2012.
Selon
Ambroise Pierre, les atteintes à la liberté de la presse viennent pour beaucoup
des autorités qu’elles soient « provinciales, régionales et étatiques ». Dans
leur rapport, JED et RSF pointent du doigt l’ANR, l’Agence nationale des
renseignements, accusée d’arrêter arbitrairement les journalistes et de les
traiter « hors du circuit judiciaire normal » où ils peuvent être amenés à être
« humiliés, agressés, torturés ». Les associations remettent par ailleurs en
cause certains dispositifs législatifs jugés « liberticides » et cherchant,
selon eux, à empêcher les professionnels de l’information de trop s’intéresser à
l’armée et aux questions sécuritaires sous peine d’être notamment accusés de
trahison.
Rappeler ses promesses au président Kabila
En rendant
public ce rapport à l’occasion de la Francophonie, Reporters sans frontières et
Journaliste en danger espéraient surtout rappeler au président Kabila ses
promesses faites deux ans plus tôt au sommet de la Francophonie de Montreux, en
Suisse. Celui-ci avait alors affirmé « la détermination du gouvernement
congolais à faire en sorte qu’aucun crime – que ce soit contre les journalistes
ou contre la population (...) ne reste plus impuni ».
Problème : pour
l’heure, selon les défenseurs de la liberté de la presse, « aucune enquête sur
un assassinat de journaliste n’a abouti au moindre résultat concluant. » Ils
s’inquiètent du sort de trois de leurs confrères, l’un incarcéré à la prison de
Kinshasa, les deux autres actuellement retenus par l’Agence nationale des
renseignements.
par Julia Gaulon
16 octobre 2012
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