jeudi 2 août 2012

Chronique d’une paix négociée en RDC : Un devoir de mémoire (1998-2003)

(Le Potentiel 02/08/2012) L’ouvrage «Chronique d’une paix négociée en RDC» nous replonge dans une RDC ravagée par la guerre, qui éclate le 2 août 1998. Pour y mettre fin, de nombreuses tentatives diplomatiques ont été amorcées au plus fort de la crise.

Dans cet ouvrage de 526 pages, Modeste Mutinga promène le lecteur à travers les péripéties d’une paix longuement et laborieusement négociée, en demeurant au-dessus de la mêlée par une objectivité qui, naturellement, le contraint à ne livrer rien de plus que les faits et les déclarations ayant concouru à la provocation.

La diplomatie semble prendre le relais pendant que sur le terrain des opérations, un tassement est constaté. C’est ce moment que choisit l’Occident pour contraindre Kabila à négocier en revoyant sa politique intérieure afin d’aboutir à une réconciliation nationale.

Le dimanche 16 août 1998, une commission intergouvernementale, formée à l’issue du Sommet de Victoria Falls, foule le sol congolais et tient à amener le chef de l’Etat congolais à négocier.



De Victoria Falls à Syrte

La guerre du 2 août 1998 trouve-t-elle des ramifications dans le conflit d’octobre 1996, que d’aucuns qualifient de «guerre de libération» en République démocratique du Congo et qui a abouti à la chute de Mobutu, avec l’entrée des troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) à Kinshasa, le 17 mai 1997 ?

De nombreux analystes éprouvent, certes, des difficultés à répondre à une telle interrogation. Cependant, une chose paraît certaine : la décision du président Laurent-Désiré Kabila de mettre fin le 27 juillet 1998 à la présence de l’armée rwandaise et d’autres troupes étrangères sur le territoire congolais doit avoir servi de détonateur.

Il convient de reconnaître que cette présence militaire ne rassurait personne, jusqu’au jour où la confiance s’est totalement diluée à la suite des rumeurs sur un éventuel coup de force contre Laurent-Désiré Kabila. A ceci s’ajoute l’attitude des pays d’origine de ces militaires qui a également porté la méfiance à l’endroit des militaires rwandais à un certain paroxysme. Le comble était l’idée de la mise sur pied d’un mouvement confédéral incluant le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie et l’Ouganda et dont serait écartée la RDC, alors que celle-ci constitue le plus grand pays des Grands Lacs. Devant ces paramètres, le danger paraissait réel pour la RDC d’autant plus que les relations entre l’AFDL et ses alliés avaient commencé à se détériorer au lendemain de l’avènement de Laurent-Désiré Kabila au pouvoir. Cette situation a été ravivée par l’échec du sommet africain, prévu à Kinshasa, du 16 au 17 mai 1998. Cela donnera à Victor Mpoyo - alors ministre d’Etat chargé du Pétrole -l’opportunité d’accuser les Rwandais et les Ougandais de vouloir se servir du Congo au détriment de sa population. Un point de vue qui semblait faire école à Kinshasa. Et pour le président Laurent-Désiré Kabila, la situation était sans ambigüité.


La religion du président congolais était faite lors de la tenue à Kinshasa d’un sommet du COMESA où l’absence de ses anciens alliés sera remarquée. La menace était donc évidente. Il décide alors de se débarrasser des militaires étrangers dont les pays ne sont pas en phase avec la RDC.



De l’autre côté, les militaires appelés à quitter le pays sont au parfum de toutes les stratégies de Laurent-Désiré Kabila. Ce qui justifie la prise de mesures pratiques de rapatriement, d’autant plus que la RDC se doit d’entretenir des relations de confiance avec ses voisins.



Plus de 500 soldats rwandais sont ainsi rapatriés sur Kigali, le mercredi 29 juillet 1998, à bord de quatre avions. Curieusement, après la première navette, l’essentiel des troupes rwandaises se cabre et refuse finalement de partir, avant d’attaquer la RDC.



Comme par un effet d’entraînement, Bukavu est occupée pendant que les fusillades éclatent à Kinshasa et à Goma, dans la nuit du dimanche 2 au lundi 3 août 1998. Même si la cause réelle de ces fusillades n’est pas encore connue à ce moment-là, le lien est vite établi avec la décision présidentielle du 27 juillet de mettre fin à la présence des troupes étrangères sur le sol congolais.



Une question peut être posée : le mouvement d’insurrection constaté à Kinshasa est-il synchronisé avec les incidents de passe à Goma et de Bukavu ? La simultanéité des événements le fait croire. Car, pendant qu’un groupe de personnes se réclamant de «Banyamulenge attaquent Kinshasa, ceux du Sud-Kivu se désolidarisent de la capitale congolaise, proclament leur insurrection et accusent Laurent-Désiré Kabila de trahison».



Traitre, le mot est lâché. Il ouvre à une campagne de charme. En effet, ce qualificatif vise à gagner la sympathie des autochtones du Kivu qui n’étaient pas prêts à faire alliance avec les tenants de la nouvelle rébellion. Pendant ce temps, les soldats mutins sont aidés par ceux venus du Rwanda. Ce que Kigali dément catégoriquement.



Petit à petit, un complot se précise en vue du démembrement de la RDC. La situation demeure préoccupante à l’Est de ce pays où des combats à l’arme lourde opposent, le mardi 4 août 1998, les mutins «Banyamulenge» aux troupes loyalistes. Des affrontements sont également signalés à Uvira (Sud-Kivu) et à Kisangani, dans la Province Orientale.



Dans cette atmosphère de guerre, un avion de la compagnie CAL, avec à son bord des soldats tutsi rwandais, atterrit à Kitona, dans la province du Bas-Congo. Là, les Rwandais s’emparent le même jour de la base militaire du même nom. Déclenchée à l’Est, la révolte «Banyamulenge» gagne vite l’Ouest du pays. L’hypothèse d’un complot international contre la RDC paraît dès lors vraisemblable.



Une réunion secrète se serait tenue à Kigali avec la participation des «Banyamulenge et quelques Congolais, pour la plupart dissidents de l’AFDL, dans le but de peaufiner des stratégies pour renverser le président Kabila. Le plan prévoirait des sécessions dans chacune des provinces de la RDC. Les observateurs avertis n’hésitent pas à faire un rapprochement entre ce projet de partition de la RDC avec celui de la création de la Confédération des Etats des Grands Lacs évoqué dans une déclaration du président ougandais, Yoweri Museveni.



Ces avatars laissent la communauté internationale indifférente à l’agression qui se précise contre la RDC, pendant que le quartier général de la rébellion s’installe à Kampala, en Ouganda, où défilent les têtes couronnées et pensantes des Banyamulenge». Les rebelles affirment contrôler entièrement les villes de Bukavu, au Sud-Kivu, et Goma, au Nord-Kivu. Les combats s’intensifient et la rébellion prend de l’ampleur, avec des affrontements qui sont signalés à Kisangani, dans la Province Orientale, sans que l’une ou l’autre partie prenne le dessus. La situation est la même à la base militaire de Kitona, prise le 4 août 1998.



Une chose est sûre. Des soldats rwandais, lourdement armés, ont traversé la frontière pour prêter main forte aux rebelles. Kinshasa, par l’entremise de son représentant à l’ONU, l’ambassadeur André Kapanga, porte plainte contre le Rwanda, mais la communauté internationale affiche de l’indifférence. Une première réaction proviendra des Etats-Unis qui, tout en déclarant ne pas être favorables à la partition de la RDC, ne demandent pas moins à leurs ressortissants de quitter le pays. Aucune réaction, cependant, de l’Europe, ni des pays voisins, moins encore de l’OUA.



Dans une telle situation, LD Kabila n’a pas grand-chose à attendre de l’ONU, en raison des rapports tumultueux qu’il entretient avec cette dernière au sujet des massacres des Hutu rwandais sur le sol congolais.



Sur ces entrefaites, une colonne de soldats rwandais progresse vers Kindu, dans le Maniema. Les derniers développements de la situation au front finissent par convaincre tout le monde de l’agression dont la RDC est victime de la part du Rwanda. Les Rwandais reprochent au: gouvernement congolais de ne pas assurer sa sécurité. Entre-temps, la rébellion se cherche une coordination. L’axe Kitona-Muanda-Banana passe sous contrôle rebelle entre le 4 et le 7 août 1998. De violents combats y sont signalés les 7 et 8 août.



Pendant ce temps, des initiatives diplomatiques se multiplient pour mettre fin à la guerre par le dialogue. Le samedi 8 août 1998, le président Kabila s’envole pour le Zimbabwe, où ses homologues Benjamin Mkapa de Tanzanie, Pasteur Bizimungu du Rwanda et Sam Nujoma de Namibie s’étaient fixé rendez-vous avec comme objectif de rapprocher les vues entre le Rwanda et la RDC.



Rien de palpable ne résulte de la rencontre dans la mesure où les adversaires impliqués dans la crise en RDC ne sont pas identifiés, le Rwanda continuant à nier la présence de ses troupes en RDC, pendant que Laurent-Désiré Kabila le désigne avec insistance comme agresseur.



Faute de rapprochement de vues, une commission est appelée à se rendre compte, sur le terrain, des allégations des parties en conflit. Elle est composée de chefs d’Etat de Zambie, de Tanzanie de Namibie et du Zimbabwe. La commission a aussi pour tâche de négocier un éventuel cessez-le-feu. Chose que n’accepte pas Laurent-Désiré Kabila qui maintient ses accusations contre le Rwanda, dont il dénonce les prétentions de vouloir contrôler la RDC et de lui donner des ordres.



Par ailleurs, la situation se stabilise sur le front de la côte atlantique, en dépit du fait que la base militaire de Kitona, la cité de Muanda et le port de Banana sont toujours aux mains des rebelles, dont la situation n’est toutefois pas aussi confortable. En effet, encerclés et privés de base arrière, les envahisseurs rwandais n’ont qu’une alternative : se rendre aux Forces armées congolaises ou se jeter dans l’océan Atlantique.



Dans la foulée, une délégation de l’OUA, dépêchée par son secrétaire général, le Tanzanien Salim Ahmed Salim, séjourne à Kinshasa le 10 août 1998 pour une solution à la logique de la guerre entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Les deux derniers pays avaient aidé l’AFDL à défenestrer le dictateur Mobutu au terme d’une guerre-éclair. Lors de la rencontre, le vice-ministre des Affaires étrangères, David Mbwankiem, demande à l’OUA et l’ONU d’user de leurs prérogatives respectives pour exiger du Rwanda et de l’Ouganda le retrait immédiat de leurs troupes.



Le mardi 11 août 1998, le chef de la délégation de l’OUA reconnaît, au terme d’une audience auprès du ministre d’Etat chargé de l’Intérieur, Gaëtan Kakudji, l’agression de la RDC par le Rwanda et l’Ouganda. Cette agression finit par susciter une forte mobilisation intérieure et un sursaut de nationalisme des Congolais, qui font hésiter Rwandais et Ougandais, parrains de la rébellion. Même les Occidentaux qui avaient cautionné la déstabilisation de la RDC ne manifestent plus le même enthousiasme.



Un communiqué des Etats-Unis d’Amérique demande le même jour aux Etats voisins de la RDC de ne pas violer son intégrité territoriale. L’Union européenne, dans un communiqué publié le mercredi 12 août 1998, à Kinshasa, se prononce par ailleurs pour le respect de l’intégrité du territoire congolais et le règlement négocié du conflit.



Ces prises de positions ne manquent pas de signification. Selon les observateurs, outre la mobilisation intérieure spontanée contre l’agresseur et le sursaut nationaliste de la population congolaise, qui s’est notamment traduit par le rejet de l’irrédentisme du Rwanda et de l’Ouganda à l’égard de la RDC, le revirement dans l’attitude des parrains de la rébellion est dicté par la résistance surprenante des Forces armées congolaises (FAC), qui n’a pas facilité l’aboutissement heureux de la guerre planifiée par des stratèges rwandais, ougandais et occidentaux. Il y a enfin la menace de Laurent-Désiré Kabila de porter la guerre chez l’agresseur et de distribuer des armes à toute la population qui a fait peur aux parrains.



La diplomatie semble prendre le relais pendant que sur le terrain des opérations, un tassement est constaté. C’est ce moment que choisit l’Occident pour contraindre Kabila à négocier en revoyant sa politique intérieure afin d’aboutir à une réconciliation nationale.



Le dimanche 16 août 1998, une commission intergouvernementale, formée à l’issue du Sommet de Victoria Falls, foule le sol congolais et tient à amener le chef de l’Etat congolais à négocier. Dans le même ordre d’idées, Nelson Mandela, qui redoute l’internationalisation de la guerre et l’embrasement de la sous-région, convoque à Pretoria, le 22 du même mois, un sommet tripartite RDC-Ouganda-Rwanda.



Pour sa part, la commission instituée à Victoria Falls donne raison à Laurent-Désiré Kabila, qui a toujours soutenu la thèse de l’agression extérieure contre la RDC, en reconnaissant l’implication de l’Ouganda et du Rwanda aux côtés des rebelles. Ainsi, le président zimbabwéen Robert Mugabe, allié de Laurent-Désiré Kabila, invite les pays membres de la Communauté pour le développement des Etats d’Afrique australe (SADC) à intervenir militairement au Congo. Prêchant par l’exemple, il fournit à Kabila troupes et matériels de guerre. La Namibie s’y implique indirectement en apportant une aide logistique en vivres et médicaments à l’armée congolaise. Le conflit prend alors un contour régional.



Après la prise de la base de Mbanza-Ngungu, considérée comme le dernier verrou avant Kinshasa, les rebelles sont signalés aux portes de la capitale congolaise. Ils se disent prêts à négocier et ne considèrent pas le départ de Kabila comme un préalable. Mais le président congolais n’accepte de négocier qu’avec les parrains de la rébellion, en l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda. Kinshasa écarte toute possibilité de traiter avec des «marionnettes», à savoir la direction politique de la rébellion chapeautée par Ernest Wamba dia Wamba, jusque-là inconnu du grand public.



La guerre qui sévit depuis deux semaines en RDC finit par s’internationaliser. Ainsi, dans la foulée, la France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, préconise l’idée d’une conférence régionale pour la paix dans les Grands Lacs.



Mais les choses évoluent très vite sur le front de la guerre. Après la reprise par les FAC de Kitona, Muanda, Banana et Boma, l’étau se resserre autour de Matadi. Les rebelles battent en retraite face à une contre-offensive foudroyante des troupes angolaises venues à la rescousse des FAC par l’enclave de Cabinda. En une journée et demie, l’armée du président Dos Santos fait de la rébellion une bouchée. Les soldats rebelles s’éparpillent dans la brousse à la recherche d’éventuelles cachettes. Le bilan des combats est lourd dans les rangs de la rébellion.



Partant, les rebelles sont enfin pris en étau entre la ville de Matadi et le site du barrage hydro-électrique d’Inga par une action conjointe des FAC, des troupes angolaises et zimbabwéennes. Dès lors, d’aucuns constatent que depuis l’engagement de l’Angola dans la guerre, un réel retournement s’est opéré sur le terrain, particulièrement sur le front ouest. L’échec infligé aux rebelles sur la côte atlantique a des répercussions sur les lignes avancées de la rébellion.



C’est ce moment que choisissent les Américains et les Français, qui n’avaient pas condamné l’agression contre la RDC, pour demander le retrait immédiat de toutes les forces étrangères du Congo. Les deux puissances interviennent, certes tardivement, mais se refusent toujours de désigner le Rwanda et l’Ouganda comme agresseurs de la RDC. Toutefois, si les comptes semblent faits pour le front ouest, la question de voir les troupes angolaises et zimbabwéennes passer sur le pont se pose.



Là les rebelles qui contrôlaient déjà Goma, Bukavu et Uvira, viennent de conquérir la ville de Kisangani, qui a été bombardée le mardi 25 août 1998 par l’armée gouvernementale. La chute de cette ville le 29 du même mois est l’œuvre de l’Ouganda, qui reconnaît sa présence au Congo.



L’embrasement de la sous-région est ainsi à craindre. Ce qui pousse Américains, Français et Sud-africains à en appeler aux négociations pour un règlement politique global. Ainsi, la diplomatie entre en branle.



Malgré les réticences de Kinshasa, on s’achemine vers les négociations pour un règlement politique global. Mais le jeudi 27 août 1998, Kinshasa connaît une journée semblable à une ville morte à la suite de l’incursion, la veille, des rebelles qui, pris en tenailles, se rendent en masse. Arrêtés, tabassés, certains sont brûlés vifs dans les quartiers populaires de Kinshasa. Les habitants des communes de N’Djili, Kimbanseke et Masina, infiltrées par les rebelles, évacuent les lieux qui sont abondamment pilonnés par l’armée régulière.



Coupées de Kitona, face à la puissance de feu des troupes angolaises, les lignes arrière de la rébellion se replient sur Matadi et prennent le site d’Inga. Quant aux éléments de tête, ils s’infiltrent à Kinshasa où la population a joué un rôle déterminant dans leur défection, notamment dans la nuit du dimanche 30 août 1998. Déjà, la veille, les villes de Matadi et Inga sont libérées.



Pour rappel, la ville de Matadi est tombée aux mains des rebelles le jeudi 20 août 1998. Vingt-quatre heures après, c’est-à-dire le vendredi 21 août 1998, Vincent de Paul Lunda Bululu, coordinateur de la branche Politique du RCD, annonce que dans les trois ou quatre jours, les troupes rebelles avancées allaient occuper Kinshasa. L’entrée en scène le samedi 22 août 1998, des colonnes blindées des Forces armées angolaises prend au dépourvu les rebelles et 24 heures suffisent aux Angolais pour prendre Muanda, Kitona et Banana, entre les 22 et 24 août 1998.



En dépit de quelques poches de résistance à Kinshasa et dans le Bas-Congo, le front Ouest a vécu, et les hostilités se transportent à l’Est, où les rebelles volent de victoire en victoire. Le sort de la guerre dépend plus que jamais de la détermination des armées rwandaise, ougandaise et Zimbabwéenne à engager matériel militaire et hommes de troupe.



La bataille de Kinshasa et du Bas-Congo s’est vite terminée. Mais ce que les rebelles ont perdu à l’Ouest, semble compensé au Nord-est et au Sud- est avec la prise de Kisangani, dans la province Orientale, ainsi que des villes lacustres de Kalemie et Moba, dans le Katanga. Là, la guerre bat son plein. En ce moment, les perspectives d’un sommet à Durban sont signalées.



Tout de même, une question se pose: le Sommet des non-alignés qui s’ouvre le mercredi 2 septembre 1998 à Durban, en Afrique du Sud, allait-il dénoncer la guerre? Une chose est certaine : Kinshasa n’est pas opposée aux négociations, mais exige que les agresseurs soient nommément désignés et sommés de quitter son territoire. Pour sa part, la RDC a produit la preuve de l’agression étrangère par la présentation, le mardi 1er septembre 1998, des prisonniers de guerre rwandais et ougandais. Et Laurent-Désiré Kabila, qui se rend enfin au Sommet des non-alignés à Durban, conditionne tout cessez-le-feu au retrait des agresseurs. Dans la foulée, des tirs à l’arme lourde résonnent le mercredi 2 septembre à Kalemie à la suite d’une contre-offensive des FAC. En revanche, les rebelles prennent Manono, ville d’origine du président Kabila.



Le Sommet des non-alignés de Durban (2-3 septembre 1998) a pour retombée le fait que le président Museveni de l’Ouganda se déclare prêt à retirer ses troupes de la RDC. Un fait important à signaler : Nelson Mandela et Kofi Annan reconnaissent à la RDC le droit de faire appel aux alliés pour défendre son intégrité territoriale.



Au 12èmeSommet des non-alignés de Durban, la logique de négociations a supplanté celle de la guerre. Robert Mugabe s’est ainsi résolu à convoquer le lundi 7 septembre 1998, à Victoria Falls, une réunion de tous les acteurs du conflit en RDC, en vue de trouver des propositions de paix. Les belligérants se rallient à l’idée. La communauté internationale, par le Conseil de sécurité interposé, s’en mêle, recommandant un cessez-le- feu et le démarrage des pourparlers de paix.



La rencontre de Victoria Falls est ainsi programmée à la date susmentionnée, mais la surenchère bloque les négociations. Convoquée par le président Mugabe à l’effet de jeter les bases d’une solution pacifique à la guerre, la réunion regroupe, sous la présidence du Zambien Chiluba, les six belligérants de la guerre congolaise : Robert Mugabe du Zimbabwe, Dos Santos de l’Angola, Sam Nujoma de la Namibie, Museveni de l’Ouganda, Pasteur Bizimungu du Rwanda et Laurent- Désiré Kabila de la RDC. La délégation de la rébellion, constituée d’Arthur Z’Ahidi Ngoma et Bizima Karaha, est aussi présente. Un envoyé de l’ONU et du Secrétaire général de l’OUA, Salim Ahmed Salim, y prennent également part.



La première journée des négociations ne connaît pas d’avancée spectaculaire du fait que les belligérants campent sur leurs positions. L’autre difficulté est que, contrairement à l’Ouganda qui reconnaît avoir envoyé des troupes en RDC, son allié le Rwanda continue à nier toute participation à la guerre et s’oppose ainsi à la proposition d’une force d’interposition à ses frontières, suggérée par le secrétaire général de l’OUA et l’Union européenne. Malgré les positions tranchées, les belligérants finissent par signer, le 8 septembre 1998, des accords pour une solution au conflit.



En substance, les parties aux négociations, à savoir, la RDC et ses alliés angolais, namibiens et zimbabwéens d’une part et, de l’autre, l’Ouganda et le Rwanda, alliés de la rébellion, conviennent notamment d’un cessez-le-feu, d’une force d’interposition de l’OUA, d’un retrait de toutes les forces étrangères présentes en RDC et des pourparlers politiques congolo-congolais en vue de la formation d’un gouvernement représentatif de toutes les forces politiques qui comptent. Ils conviennent également d’un échange des prisonniers de guerre.



Cependant, la délégation de la rébellion, non signataire de ces accords, se déclare non concernée, et le Rwanda qui les a signés continue à nier la présence de ses troupes en RDC. Associée indirectement aux négociations, la rébellion est pratiquement légitimée même si le gouvernement la récuse.



Le jeudi 10 septembre 1998, Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie, abrite la réunion des ministres de la Défense des six pays signataires, laquelle est consacrée à la recherche des modalités d’application des accords inter étatiques relatifs au règlement du conflit armé qui sévit dans la RDC. Mais, sans désemparer, les tiraillements persistent. Ce qui n’est pas de bon augure pour le Sommet de la SADC prévu pour le 14 septembre 1998 à l’Ile Maurice.



A tout prendre, le Sommet de Victoria Falls n’a pas abouti à grand’chose. Addis-Abeba se révèle être encore une réunion pour rien, après les accords morts-nés de Victoria Falls. La branche politique de la rébellion se dit non concernée par ces accords. Et Kinshasa s’oppose à tout cessez-le-feu tant qu’il existera des troupes rwandaises et ougandaises en RDC et demande que tout retrait des troupes étrangères commence par celles des agresseurs. Laurent-Désiré Kabila déclare qu’aucun accord n’a été signé au Zimbabwe et que la RDC est déterminée à poursuivre la guerre et à la ramener d’où elle est venue.







Tous ces paramètres font que l’étape d’Addis-Abeba soit une réunion inutile d’autant plus que, soumis au respect de consignes reçues, les six ministres de la Défense présents au Sommet n’ont aucun pouvoir de décision. L’on compte ainsi cinq sommets internationaux organisés sans effets apparents sur la guerre en RDC, en l’occurrence Victoria Falls, Johannesburg, Durban, Victoria Falls II et Addis-Abeba.



Commencée le jeudi 10 septembre 1998, la réunion d’Addis-Abeba s’achève le lendemain sur un constat d’échec, les ministres de la Défense des six pays impliqués dans le conflit n’ayant pu surmonter les divergences quant au rôle de la rébellion dans la résolution de la crise. Une fois de plus, le Rwanda et l’Ouganda exigent la présence des rebelles à la table des négociations, contrairement à la position de Laurent-Désiré Kabila et de ses alliés.



La guerre est ainsi relancée avec une contre-offensive d’envergure des FAC le vendredi Il septembre 1998 sur Kalemie, une position jusque là tenue par les rebelles qui, pour leur part, annoncent la chute de la localité de Shabunda, dans le Sud-Kivu. Pendant ce temps, le commandant Ondekane déclare que ses forces s’apprêtent à prendre la ville de Kindu, chef-lieu de la province de Maniema, où les forces loyalistes ont installé leur quartier général, en prévision d’une contre-offensive générale sur le front Est.



Dans cette ambiance, l’Est du pays est pratiquement en ébullition lorsque, dans la même nuit du dimanche 13 au lundi 14 septembre 1998, les positions des agresseurs subissent uneimportante attaque des forces régulières et alliées ainsi que des éléments Maï-Maï. Ces derniers, qui auraient bénéficié de l’appui des lnterahamwe et des ex-FAZ, attaquent la ville de Goma, dans le Nord-Kivu. Kisangani connaît le même sort de la part des FAC et alliés dont l’objectif est de la couper de la ville de Goma.



Pendant ce temps, à Grand’Baie, en Ile Maurice, de nouveaux pourparlers sont relancés entre la RDC et ses agresseurs dans le cadre du Sommet de la SADC, ouvert le dimanche 13 septembre 1998 et présidé par Nelson Mandela. Cette fois, le Rwanda et l’Ouganda siègent à la table des négociations sans exiger la présence de la branche politique de la rébellion, qui n’a même pas été invitée.



Concomitamment, on note à travers le monde l’élargissement de l’assiette diplomatique de Kinshasa. Il y a heu d épingler, sur le chapitre, 1a normalisation avec la France, qui a déclenché en faveur de la RDC une avalanche de sympathies des chefs d’Etat de certains pays francophones. Le président gabonais, Omar Bongo, qui reçoit à Libreville son homologue congolais Laurent-Désiré Kabila, condamne l’agression contre la RDC et annonce la tenue, dans trois ou quatre jours, d’une rencontre des pays africains francophones à Libreville, après les échecs successifs de Durban, Victona Falls, Addis-Abeba et Ile Maurice.



En effet, la logique militaire qui prévaut dans le conflit de la RDC est sortie sauve du Sommet de la SADC, tenu du 13 au 14 septembre 1998 à l’Ile Maurice, et qui s’est achevé sans aucune évolution. Les participants se sont contentés de réciter les positions de précédentes rencontres qui se sont succédé en Afrique australe. Pour sa part, Nelson Mandela avait préconisé des négociations directes entre le gouvernement congolais et la rébellion. Ce que Kinshasa n’a jamais accepté, au point même d’ignorer l’existence du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD).



C’est là la cote d’alerte des initiatives africaines. Ces dernières viennent d’afficher leurs limites. L’intervention de l’ONU devient donc urgente, surtout que Kofi Annan avait d’abord laissé évoluer ces initiatives afin d’éviter une multiplicité d’interventions. Partant, les conditions sont réunies pour une solution du Conseil de sécurité dans le cadre du chapitre 7 de la Charte des Nations unies.



La recherche d’une sortie s’annonce donc difficile. Pourtant, seule une solution négociée demeure la voie obligée. C’est la position de l’ONU, de l’Union européenne, des États-Unis, de l’Afrique du Sud et du Vatican.



Le 20 septembre 1998 s’ouvre, à New York, la 53èmeSession ordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU. La RDC y est représentée par son ministre des Affaires étrangères, Jean Charles Okoto. Ce dernier réitère la demande de son pays de voir le Rwanda et l’Ouganda condamnés pour l’agression contre la RDC, les massacres et la déportation des populations. Sur le terrain, les rebelles se trouvent confrontés à la résistance des Populations des provinces passées sous leur contrôle.



Le mardi 22 septembre 1998, Laurent-Désiré Kabila est à Libreville, au Gabon, où il prend part, à partir du jeudi 24, à la réunion des chefs d’État d’Afrique centrale sur le conflit en RDC. Y participent aussi les présidents du Tchad, de la République centrafricaine, du Congo-Brazzaville, de la Guinée équatoriale et un représentant du président Paul Biya du Cameroun.



La réunion de Libreville est la sixième de la série, après les rencontres de la SADC, au Zimbabwe, et à l’Ile Maurice, ainsi que des non-alignés à Durban, en Afrique du Sud. A ce jour, toutes les rencontres ont reconnu l’agression dont la RDC est victime. De même, les Africains ont proposé un plan de paix qui requiert un cessez-le-feu, le retrait des troupes étrangères, l’instauration d’une force d’interposition et les négociations autour des problèmes qui opposent les belligérants. Un plan qui n’a connu aucun début d’exécution.



Omar Bongo s’emploie, pour sa part, à convaincre Kabila de trouver des mécanismes de règlement du conflit congolais avec les rebelles. La rencontre destinée à rechercher une solution politique à la crise en RDC a vu son équation se compliquer par l’absence du Rwanda, de l’Ouganda et des rebelles. De sommet en sommet (Harare, Durban, Cap, Victoria Falls, Grand’Baie, Addis-Abeba et Libreville), les initiatives successives de paix en RDC échouent. Des observateurs de cette question demandent aussi bien à l’ONU qu’à l’OUA de prendre leurs responsabilités pour éviter l’embrasement de la région. Désormais, tout le monde s’accorde sur l’agression de la RDC et demande le retrait des agresseurs que personne n’ose toujours désigner du doigt.



Avec l’usure du temps, les positions sur le terrain restent inchangées. Le langage des armes laisse la place à une diplomatie parallèle. Ainsi, une délégation de la rébellion séjourne à Lusaka, en Zambie, pendant que Kinshasa se bat à l’ONU. Museveni, Kagame et quelques membres de la rébellion se concertent le 27 septembre 1998 à l’Ouest de l’Ouganda pour harmoniser leurs vues au regard de ce qui se déroule sur le plan diplomatique.



Alors que l’on assiste, depuis le 13 septembre 1998, à un quasi cessez-le-feu sur les fronts de Kalemie, Goma, Bukavu et Kisangani, N’Djamena se jette dans la bataille aux côtés de Kinshasa, le 28 du même mois, avec un contingent d’un millier d’hommes. Les autorités tchadiennes inscrivent leur intervention dans le cadre de la réunion de Libreville.



L’objectif du Tchad, rappelle le ministre de la Communication de ce pays, M. Sekimba Bessané, consiste à d’aider le gouvernement de Kinshasa à se débarrasser de l’agression rwando-ougandaise qui a ouvert, le 4 septembre 1998, un front à l’Ouest avec la prise de Kitona, avant de progresser vers la capitale congolaise. Pour rappel, il a fallu attendre l’entrée en scène des troupes angolaises fin août 1998, puis des éléments Zimbabwéens et namibiens pour stopper les militaires tutsi rwandais.



En réalité, après la stabilisation du front Ouest, tous les calculs se font sur le front Est où la rébellion a réussi les conquêtes les plus significatives : Bukavu, Goma, Uvira, Kisangani et Kalemie dans le Sud. Depuis près de trois semaines, la situation stagne sur le front. Le flottement sur le terrain ouvre la voie à la diplomatie, qui s’avère payante pour Kabila. De Durban à Libreville, en passant par Victoria Falls, Addis-Abeba et Grand’Baie, Kabila ne cesse d’obtenir la condamnation de l’agression de la RDC. Il compte même un allié de plus, le Tchad.



Pendant que les FAC et alliés sont en train de masser armes et troupes pour la reconquête des provinces passées sous contrôle rebelle, les dirigeants de la rébellion et leurs alliés ouvrent un front diplomatique. Museveni se déplace vers Tripoli, en Libye, Michel Delpechin se rend à Washington, Arthur Z’Ahidi Ngoma gagne l’Europe et Wamba dia Wamba séjourne à Lusaka, en Zambie, le dernier week-end du mois de septembre. Le président de ce pays a été chargé par la SADC de rencontrer les belligérants pour les convaincre de s’engager sur la voie de la paix. En Europe, Z’Ahidi Ngoma annonce la chute d’Isiro et Bunia dans la Province Orientale. Bien plus, il entend faire entendre un autre son de cloche à Paris et à Bruxelles, où il plaide pour l’aide en faveur des populations des provinces sous leur autorité, dont les conditions d’existence deviennent de plus en plus précaires.



Aux Etats-Unis, Michel Delpechin, porte-parole du RCD, s’emploie à convaincre divers partenaires qu’il ne s’agit pas d’une agression du Congo, mais d’un mouvement de Congolais lassés par la gestion totalitaire, despotique et arbitraire du pays par Kabila. Après concertation, fin septembre 1998, entre le président rwandais et les dirigeants rebelles, l’Ougandais Yoweri Museveni viole l’embargo onusien contre Tripoli et fait un déplacement en Libye, le 22 septembrel998. Laurent-Désiré Kabila y est aussi présent. Les interrogations fusent de partout. Le samedi 30 septembre 1998, un mini-sommet se tient dans la capitale libyenne. Le président Kadhafi offre sa médiation et propose une force d’interposition Pour remplacer les forces rwandaise et ougandaise en RDC. Ce mini-sommet de Tripoli regroupe le Tchad, le Nigeria, l’Erythrée et la Libye.



L’Ouganda et le Rwanda posent le problème qui les oppose à Kinshasa en termes de leur propre sécurité. Ils estiment que la stabilité de Kinshasa créerait des conditions de règlement de la question de nationalité.



Cependant, tout ne paraît pas rose dans les rangs des troupes ougandaises et rwandaises présentes sur le territoire congolais. L’harmonie est rompue lorsque, le 6 octobre 1998, James Kazini, chef d’état-major ougandais chargé des opérations en RDC, demande aux responsables rwandais d’enquêter sur les accusations de pillages, viols et intimidations sur la population congolaise, portées à l’actif des soldats rwandais. Ce qui crée une vive tension entre les troupes rwandaises et ougandaises.



Dans cette confusion, les rebelles abattent, le 10 octobre 1998, un avion de la société CAL (Congo Airlines) qui tentait de désenclaver Kindu, ville fortement infiltrée par des rebelles, à en croire leur commandant Arthur Muluna. Ainsi, après dix-huit jours de combats, la défaite de plus de six mille hommes de troupes gouvernementales est consommée. Le mardi 12 octobre, les rebelles patrouillent dans Kindu, autrefois tête de pont de la contre-offensive annoncée par Kinshasa, selon le major rebelle Siatilo Nguo, qui a dirigé l’assaut sur Kindu le dimanche Il octobre. Mille trois cents trente-sept (1.337) soldats gouvernementaux sont faits prisonniers.



Cette victoire ouvre la voie aux rebelles vers la riche province diamantifère du Kasaï oriental et son chef-lieu, Mbuji-Mayi, ainsi que vers le sud de la riche province minière du Katanga. A l’issue d’un conseil interministériel restreint, tenu le mardi 13 octobre, le gouvernement congolais déclare que le retrait des FAC de Kindu n’est qu’un repli stratégique, un traquenard pour prendre à revers les rebelles qui dégarnissent leurs arrières en avançant.



Aux dernières nouvelles, les positions rebelles avancées se trouvent à Samba, une localité située dans le Sud du Maniema et qui donne sur les localités de Kongolo, dans le Katanga, et Lubao, dans le Kasaï oriental.



La chute de Kindu, le lundi 12 octobre 1998, fait l’effet d’une bombe dans la population qui ne réalise pas pourquoi les alliés des FAC ne les accompagnent pas au front à l’instar des alliés des rebelles. Ainsi est même posée la question de leur importance. Il devient urgent de repenser les stratégies militaires, diplomatiques et politiques du gouvernement.



Ceci amène Robert Mugabe à croire que la solution à l’Est passe par les négociations avec le Rwanda et l’Ouganda. Mais qui peut amener les belligérants à la table des négociations, compte tenu de leurs positions figées? Tous les observateurs soutiennent que c’est Washington qui se tient pratiquement à équidistance de toutes les parties en conflit. «Si Washington déploie sa machine, on peut arriver à une solution au Congo» C’est du moins la conviction de l’ambassadeur américain, William Swing, nouvellement accrédité à Kinshasa.



Seulement, l’équation se complique pour Laurent-Désiré Kabila, avec le voyage aller-retour qu’il effectue à Khartoum, le samedi 7 octobre. Cerapprochement est mal vu par l’Angola dont les rapports privilégiés avec Washington sont bien connus, ce dernier considérant Khartoum comme un support du terrorisme international. D’où la peur de voir la RDC accusée du même grief.



Le mercredi 21 octobre, le président Kabila et ses alliés angolais, namibiens et zimbabwéens se livrent, à Harare, à une évaluation de la situation sur le terrain. Les alliés doivent décider de la poursuite ou non des combats en RDC. Le Président Mugabe s’était déjà prononcé pour rester aux côtés de la RDC jusqu’à la normalisation de la situation. Autant il avait laissé entendre qu’il fallait envisager des négociations pour l’Est de la RDC, tout en regrettant l’élargissement du territoire sous contrôle des rebelles et de leurs alliés ougandais et rwandais.



La capture, le week-end du 17-18 octobre, de 16 soldats zimbabwéens à Kabalo, ville censée être sous contrôle des FAC prouve que les rebelles n’arrêtent pas leur progression. Néanmoins, le temps est à la négociation. La diplomatie américaine s’emploie à trouver une place à la table de négociations pour les rebelles que Kinshasa continue de considérer comme des marionnettes.



La chute de Kindu et les avancées des rebelles au Katanga décident les alliés à laver l’affront. L’Angola, la Namibie et le Zimbabwe se déclarent résolus de poursuivre la guerre tout en gardant ouvertes les portes du dialogue. Dans cette optique, le dimanche 25 octobre se tient à Lusaka, sous l’égide de l’OUA, une réunion des ministres africains des Affaires étrangères et de la Défense des 11 pays africains dont six sont impliqués militairement au Congo. Ce qui n’empêche pas le Zimbabwe et l’Angola de décider1’envoi de nouvelles troupes à l’Est de la RDC en vue d’une nouvelle contre-offensive face aux rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les effectifs zimbabwéens passent de 2.000 à 5.000 hommes. Luanda fait de même. Matériels et munitions sont massés à Lubumbashi, Mbuji-Mayi, Lodja et Kananga, où les positions sont renforcées.



Malgré la détermination dedeux camps à poursuivre la guerre la diplomatie ne s’avoue pas vaincue. Des entretiens que Nelson Mandela a eus d’abord avec Museveni le lundi 18 octobre et ensuite avec Kagame quatre jours plus tard, il résulte l’idée de la création d’une zone tampon à l’intérieur de la RDC, en échange du retrait des troupes étrangères. Il s’agit de ne pas mettre les territoires ougandais et rwandais à la portée de leurs rébellions respectives.



L’idée est proposée par l’Afrique du Sud aux onze pays de la SADC, au Sommet de Lusaka, le dimanche 25 octobre. Le Rwanda, l’Ouganda et le Gabon y sont conviés. Une course-poursuite s’engage entre la logique militaire et la voie diplomatique. Mandela présente à la SADC son plan de paix qui s’articule autour d’un cessez-le-feu, de l’instauration d’une force d’interposition, du retrait des troupes étrangères de la RDC et de la tenue des négociations. Le même jour, Paul Kagame adhère à la proposition d’une force d’interposition qui épargnerait son pays des incursions rebelles.



La force d’interposition est une idée qui porte. Les Africains et la communauté internationale redoutent un affrontement direct de toutes les troupes étrangères présentes en RDC. Ce qui favoriserait l’internationalisation du conflit congolais dans lequel l’OUA voudrait peser de tout son poids pour négocier ou imposer ses décisions aux belligérants.



Toujours est-il qu’à la veille de la rencontre de Lusaka sur la crise congolaise, la Grande-Bretagne revient à la charge et recommande les négociations et le dialogue. Le jeudi 22 octobre, le Conseil de Sécurité appelle les belligérants à observer un cessez-le-feu immédiat et justifie sa position par le risque d’exporter le conflit.



Mais les rebelles sont en passe d’obtenir un strapontin à la rencontre de Lusaka. Ils se sont toujours dits non concernés par des décisions prises lors des rencontres où ils étaient absents. Cette attitude conduit le secrétaire général de la SADC, le Zambien Kaïro Mbwende, à conférer avec une délégation des rebelles en Zambie. Leur participation à la rencontre de Lusaka constituerait une avancée significative sur la voie de la résolution de la crise.



Sur le terrain, avec l’appui des Tchadiens, les F AC récupèrent la ville de Buta, située à 328 km de Kisangani. La ville de Kabalo, dans le Nord-Katanga, est également reprise. L’information est donnée le samedi 24 octobre par le ministère congolais à la Défense et confirmée le dimanche 25 par des sources indépendantes. C’est dans ce contexte où les alliés du Congo amènent troupes et matériels de guerre qu’intervient, le lundi 26 octobre 1998, la rencontre de Lusaka. L’interrogation consiste à savoir si la diplomatie va prendre de vitesse les canons, toujours prêts à gronder.



Les pourparlers de paix de Lusaka s’ouvrent en effet sous une vive tension, le ministre zambien des Affaires étrangères tançant son homologue rwandais qui continue de nier la présence militaire rwandaise du Congo, alors que près de la moitié de l’armée du Rwanda y a été envoyée. Pendant que la RDC, et ses alliés récusent catégoriquement la présence des rebelles aux négociations, le chef rebelle Wamba dia wamba exprime, pour sa part, «la disponibilité du RCD à ranger les fusils et à donner la chance à la paix, mais sur un arrangement que nous devons négocier directement avec Kabila et son gouvernement».



odeste Mutinga


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