Défection des troupes des
FARDC à l’Est : Nouvelle tournure de la balkanisation(Le Potentiel 10/04/2012)
L’annonce d’un imminent transfèrement de Bosco Ntaganda à La
Haye est à la base du regain de tensions dans l’Est de la République. Mais en
réalité, tous les éléments du puzzle se mettent en place, l’un après l’autre,
pour une déflagration à large échelle. Plus la paix s’éloigne dans l’Est, plus
le projet de balkanisation prend corps sous une nouvelle
tournure.
L’insécurité dans l’Est du pays prend des allures dangereuses
avec l’implication dans le cycle infernal des troupes des FARDC. Les pressions
de la Cour pénale internationale (CPI) relatives au transfèrement du général
Bosco Ntaganda de même que les déclarations médiatiques du vice-Premier ministre
belge et ministre des Affaires étrangères Didier Reynders ont constitué le
déclencheur du remue-ménage enregistré depuis quelques jours. Le gouvernement le
reconnaît mais sur un registre tendant à rassurer l’opinion nationale.
Qu’en est-il au juste ? Les nouvelles sont alarmantes. En l’espace d’un
mois, des centaines d’éléments des FARDC ont quitté les rangs des troupes
régulières pour disparaître dans la nature. Le fait n’est pas anodin, car il
s’agit d’une succession de mouvements de défections aussi bien dans le Nord-Kivu
que dans le Sud-Kivu.
Ce mouvement, qui rappelle une époque récente, est
perçu par des observateurs avertis comme l’arbre qui cache la forêt. Les faits
observés passent pour des épiphénomènes qui couvrent la marche en sourdine de la
déstabilisation de la RDC. Un vieux projet mais toujours d’actualité dans
l’agenda de ses initiateurs.
Pour rien au monde, ces derniers ne
semblent lâcher prise. Loin de s’arrêter, la machine change plutôt de régime,
selon les époques, les contextes ou les circonstances.
Patente, la
dégradation de la situation sécuritaire dans l’Est du pays vise sa
balkanisation. Une fois de plus, la confirmation de l’existence d’un complot
international visant à détacher de la RDC sa partie orientale, pour en faire un
territoire autonome, à l’instar de l’Azawad au Mali, n’est qu’un secret de
polichinelle.
L’Est de la République démocratique du Congo qui revient
au-devant de l’actualité n’est qu’une étape supplémentaire franchie vers la
matérialisation de ce projet. Pour les observateurs avertis, des événements qui
se passent dans des localités bien précises de la RDC s’apparentent à des
remakes qui tiennent d’une logique dont le soubassement reste la mise en œuvre
du vieux plan de balkanisation de la RDC.
Sans aucun doute, un coup
fourré se prépare derrière ces défections à répétition. Et, la traque, toujours
imminente et sans cesse annoncée à voix audible, du général Bosco Ntaganda ne
serait qu’un simple paravent, estime-t-on dans certains milieux.
Compilation des faits
Pour rappel, dans la nuit de dimanche 1er à
lundi 2 avril des militaires de l’ex-rébellion du Congrès national pour la
défense du peuple (CNDP) avaient quitté leur position à Rubare, à 12 km au Sud
du chef-lieu du territoire de Rutshuru pour se diriger au Sud vers la localité
de Katale. Le jour suivant, d’autres militaires des FARDC avaient abandonné
l’Etat-major du 804ème régiment, à Nyongera près de Kiwanja entres les mains des
militaires ex-CNDP.
Ces mouvements des troupes avaient créé la panique
au sein de la population. Des sources proches des FARDC à Rutshuru avaient
déclaré, rapportait Radio Okapi, que les militaires ex-CNDP du 804ème régiment
auraient répondu à une consigne venue de Masisi où des militaires fidèles au
général Bosco Ntaganda, recherché par la CPI pour des crimes de guerre commis en
2002 en Ituri (Province Orientale), avaient aussi abandonné leurs positions pour
se retirer vers Kitshanga.
Tout récemment, le commandant du 805ème
régiment des Forces armées de la RDC (FARDC) du camp de Nyongera, en territoire
de Rutshuru (Nord-Kivu), le colonel Innocent Kayina, a fait défection dans la
nuit de samedi 7 avril. Selon des sources militaires, contactées par Radio
Okapi, cet officier a emmené avec lui soixante-dix hommes et détruit deux jeeps
neuves appartenant aux militaires des FARDC et un dépôt de munitions avant de
détaler. Faits du reste reconnus par le commandant du 2ème secteur des FARDC, le
colonel Yav Philémon, qui a confirmé l’ampleur des dégâts causés par le colonel
Innocent Kayina et ses complices.
«Il a brûlé une jeep neuve du
commandement du 805è régiment et une autre jeep du commandement 8041 régiment.
Il a aussi endommagé le mortier 105 mm, le mortier 81, les armes lourdes et les
armes d’appui telles que 12.7. Et, il y a tant de matériels qui ont été brûlés»,
a indiqué le colonel loyaliste Yav Philémon.
Cette succession des faits
témoigne de l’existence d’une action planifiée avec des objectifs bien précis.
Ce qui se passe à l’Est, c’est la théorie du chaos. C’est une stratégie du choc
qui vise à créer une psychose au sein de la population. Un peu comme pour la
préparer à une thérapie de sauvetage qui n’est autre que la mise en place
effective du plan de balkanisation de la RDC. Le mode opératoire est connu de
tous : on crée un désordre pour fatiguer davantage le peuple, le faire sombrer
dans l’incertitude d’un lendemain meilleur. Par la suite, il lui sera proposé un
schéma de crise qui, en réalité, ne sera autre chose que la balkanisation
couverte d’un sceau humanitaire. L’agence Fides fait le même constat, en
apportant des révélations qui résument la situation et interpellent à la fois :
«L’armée congolaise fait du théâtre avec la complicité de la Monusco sous
prétexte de réprimer les groupes rebelles tels que les FDLR alors qu’est en
cours de mise en place un dessein stratégique visant à vider les deux Kivu de
leur population pour en mettre une autre à la place».
Dans un ouvrage
qui fait école dans le schéma tracé en vue de la balkanisation de la RDC, «The
Congo wars : conflict, myth and reality», Thomas Turner, enseignant au Virginia
Commonwealth University, croit en l’existence d’un complot anglo-saxon pour
démanteler la RDC dans ses frontières actuelles. En introduction à son ouvrage,
il s’exprime en ces termes : “Congolese believe strongly in the myth of the
yoke, that all their problems come from abroad. If Rwanda invades Congo, and the
Rwandan regime is backed by the UK and the USA, then Congo is a victim of
Anglo-saxon aggression («Les Congolais croient fermement dans le mythe de la
culasse, que tous leurs problèmes viennent de l'étranger. Si le Rwanda envahit
le Congo, le régime rwandais est soutenu par le Royaume-Uni et les Etats-Unis ;
ainsi le Congo est victime de l'agression anglo-saxonne»).
Tous les
moments horribles de l’histoire récente font, comme l’explique bien Naomi Klein
dans son ouvrage : «La Stratégie du choc», la montée d’un «capitalisme du
désastre» sont en partie liées avec l’événement d’un «capitalisme du désastre».
Naomi Klein dénonce, dans la stratégie du choc, l’existence d’opérations
concertées dans le but de la prise de contrôle de la planète par les tenants
d’un ultralibéralisme tout puissant. Ce dernier met sciemment à contribution
crises et désastres pour substituer aux valeurs démocratiques, auxquelles les
sociétés aspirent, la seule loi du marché et la barbarie de la spéculation».
Ce tableau qui se prête bien au contexte créé dans l’Est de la RDC. Tout
est mis en œuvre pour effacer, de l’imaginaire collectif, la présence de l’Etat.
Cela en montrant les faiblesses de Kinshasa et son éloignement par rapport aux
populations vivant dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu,
particulièrement. L’on tentera de les rapprocher plus des populations des pays
voisins avec lesquelles elles devraient raffermir les échanges à tous les
niveaux et dans tous les domaines. Au finish, la démarche aboutira à la création
d’un Etat dans cette partie de la République réputée pour ses immenses
richesses.
La concentration dans l’Est de la plupart d’ONG opérant au
Congo n’est pas un fait du hasard. Cela procède de ce schéma dont les méthodes
deviennent de plus en plus subtiles. L’objectif étant d’affaiblir davantage
l’Etat pour finalement faire asseoir cette une idéologie sur laquelle devra se
greffer la thèse de la balkanisation et, à la rigueur, la justifier.
Le
mouvement des défections à répétition des troupes au sein des FARDC devrait
interpeller le peuple congolais du fait que, aujourd’hui comme hier, le site de
prédilection reste les deux provinces du Kivu. Or, c’est cet espace qui fait
l’objet de convoitise des initiateurs du plan de la balkanisation. C’est une
nouvelle trouvaille, une autre tournure que prend la menace qui pèse sur
l’intégrité territoriale du Congo dans ses frontières héritées de la
colonisation. Frontières que ceux-là qui font face à une crise, au risque de les
emporter tous, voudraient à tout prix remettre en question.
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Potentiel
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