PRESSAFRIQUE 22.10.05
Comment l'Américafrique, la Belgafrique, la Françafrique et l'Organisation des Nations Unies furent les fossoyeurs de Lumumba et de la démocratie congolaise naissante Episode IV : Plans états-unien et belge d'extermination de Lumumba : opération L, "Barracuda", tentatives d'assassinat par la CIA. | |||||
Dès le mois d'août 1960, les Etats-Unis et la Belgique complotent pour éliminer physiquement Lumumba. A cette fin plusieurs plans sont envisagés pour se débarrasser du représentant du peuple congolais, premier ministre élu démocratiquement dans un régime parlementaire. Chronologiquement, le premier plan d'assassinat connu est celui développer par les autorités belges : l'opération L.Elle fut planifiée le 2 aout. Opération L C'est dans les papiers du major Jules Loos, conseiller militaire du ministère belge des Affaires africaines et dans ceux d'Edouard Pilaet que l'on retrouve un document où les autorités belges envisagent l'asssassinat de Lumumba (Les secrets de l'Affaire Lumumba * , Luc De Vos, Emmanuel Gerard, Jules Gérard-Libois, Philippe Raxhon ; p.141). A mots couverts il s'agit d'assurrer son élimination en trouvant des personnes proches de son entourage pour favoriser son élimination par empoisonnement ou plus exactement par une substitution de médicaments.
Opération Barracuda Le plan Barracuda consistait en l'enlèvement de Lumumba par des supplétifs autochtones en vue d'assurer son élimination. "Vandewalle parle de Noël Dedeken dans ses Mille et quatre jours : sur ordre d'un "général belge", le major Loos, adjoint du ministre d'Aspremont Lynden, a envoyé Dedeken au Katanga au cours de l'été 1960. L'ancien chef de la compagnie des commandos de l aforce publique doit enlever Lumumba et forme en vue de cette action une trentaine de Baluba" (Ludo de Witte, L'Assassinat de Lumumba, Ed. Karthala , p.68). Pour information les Baluba qui avaient pris part à la sécession du Kasaï ont subi les massacres des troupes congolaises de l'ANC dirigées par Mobutu, une des raisons pour laquelle celui-ci sera renvoyé de son poste de chef d'état-major de l'armée congolaise par Lumumba** . Ce projet "Barracuda" est couvert au plus haut niveau, c'est à dire par le gouvernement belge. "L'Affaire a été traitée au plus haut échelon, car le ministre des Affaires africaines a donné le feu vert pour l'opération. Loos écrit à Marlière : "D'ordre du ministre coordination assuré par Marlière qui doit renseigner Minaf (=Affaires africaines) ; celui-ci, sauf urgence, jugera opportunité". Le message est clair : le ministre appréciera l'opportunité de l'élimination de Lumumba, sauf urgence. Autrement dit dans ce cas le ministre couvrira l'assasinat. Brazzaville est également impliqué dans l'action, car Marlière promet à Loos de discuter de l'affaire avec le consul général Dupret. Ces télégrammes démontrent sans ambiguïté que Bruxelles, quelques semaines après la décision de Washington de traiter "l'éloignement" de Lumumba comme point prioritaire, veut prendre l'action en mains". (Ludo de Witte, L'Assassinat de Lumumba , Ed. Karthala, p.68). Les plans états-uniens Dès le mois d'aout, les autorités américaines passent d'une hostilité méprisante de réserve à l'égard de Lumumba à l'échaffaudage de plan d'élimination physique. Il n'est pas pensable pour les USA tributaires des matières premières (notamment de l'Uranium congolais) que ce peuple puisse accéder à l'autodétermination et être indépendant quand à la vente et à la distribution de ses richesses. Qui plus est, après avoir refusé d'aider Lumumba à lutter contre l'invasion belge, les USA voient d'un très mauvais oeil le soutien soviétique apporté à Lumumba. Enfin la position géostratégique de la République Démocratique du Congo véritale sous-continent au centre de l'Afrique fait considérer que celui qui contrôle le Congo contrôle l'Afrique subsaharienne. C'est à partir du 12 au 15 aout que les USA vont entériner des plans d'extermination de Lumumba au plus haut niveau. Le président Eisenhower influencé par le lobby militaro-industriel évoque à mot couvert l'élimination de Lumumba. Allen Dulles, chef de la CIA considère la préoccupation exprimée par le président Eisenhower lors de la réunion du conseil national de sécurité du 18 août 1960 comme un accord pour éliminer Lumumba. Selon Luc de Vos et collaborateurs (Les secrets de l'affaire Lumumba, p.142), le rapport Church de 1975 mentionne au moins tois tentatives d'assassinat par la CIA. (Allegged Assasination Plots Involving foreign Leaders. An Interim Report of the Select Committee To Study Governmental Operations With Respect to Intelligence Activities Senate Reports N°94-465, 94th Congress ; 1st Session ; 20 novembre 1975). Ces documents montrent que toutes ces actions ont été approuvées dans les plus hautes sphères de l'administration de Eisenhower, soit le Conseil de Sécurité National, soit le " Special Group ", composé du conseiller national à la sécurité, du directeur de la CIA, du sous-secrétaire d'état aux affaires politiques et du secrétaire adjoint à la défense. Une tentative fut organisée par l'agent QJ/WIN avec l'assentiment des autorités belges d'après Luc Vos et collaborateurs (Ibid, p.143). L'agent né en Belgique a été recruté en Belgique par la CIA. D'autres tentatives vont aussi avorter en ce mois d'aout. Le rapport Church fait aussi état d'une tentative d'assassinat par un tireur d'élite mais sans succès. Le chef des opérations secrètes de la CIA, Richard Bissell a déclaré : "La CIA étudia un éventail de méthodes pour se débarrasser de Lumumba, dans le sens de le détruire physiquement, de le mettre hors combat ou d'éliminer son influence politique". (Ludo de Witte, p.56, L'Assassinat de Lumumba ). Ce fut selon Ludo de Witte (ibid, p.56), un scientifique de la CIA, nommé Gottlieb qui reçu l'ordre de rassembler du matériel biologique dans le "but d'assassiner un dirigeant africain non identifié". Un haut fonctionnaire américain, confirme cette planification d'assassinat dans le documentaire CIA, guerre secrète réalisé par William Karel.
Larry Devlin, responsable de la CIA à Léopoldville ainsi que Franck Carlucci à l'époque fonctionnaire de la CIA à l'ambassade des USA à Léopoldville ( futur directeur adjoint de la CIA qui fondera le Carlyre Group) confirment ces tentatives d'assassinat.
Le chef de la CIA au Congo, Larry Devlin, est sans ambiguïté sur l'intention des USA d'éliminer Lumumba.
Si les plans états-uniens et belges
n'aboutissent pas en août 1960, les deux alliés (on verra que la donne
géopolitique n'est pas si simple) semblent converger vers un consensus :
l'élimination politique de Lumumba est devenu la priorité absolue à la fin du
mois d'août. Et tous leurs efforts tendent vers ce but notamment, comme on l'a
vu dans les plans américains et belges échaffaudées au mois d'août, par
l'instrumentalisation de l'opposition politique en vue de
destituer Lumumba.
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* même si nous considérons que les auteurs de ce
livre tendent à "euphémiser" les responsabilités belges, ce livre regorge de
documents très intéressants.
** ajout : Lumumba n'eut pas le temps de le faire. Mobutu était à l'époque colonel et non chef d'état-major, rôle dévoué à Lundula. Mobutu par contre était bien à la tête de l'ANC dans le Kasaï où il dirigeait les opérations offensives. |
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