PRESSAFRIQUE
08.10.05Comment
l'Américafrique, la Belgique, la Françafrique et l'Organisation des Nations
Unies furent les fossoyeurs de Lumumba et de la démocratie congolaise
naissante
Episode II : Comment la
Belgique avec le soutien de la Françafrique et des Nations-Unies organisa la
sécession du Katanga et porta Tshombe à la tête du
Katanga
"Le peuple du Congo ne comprend pas que nous les agressés, nous qui sommes chez nous. (...) nous soyons systématiquement et méthodiquement désarmés alors que les agresseurs, les Belges, qui sont chez nous en pays conquis, gardent encore et ont toujours leurs armes et toute leur puissance de mort.(...) Les forces de l'ONU laissent la sécession se consolider dans le Katanga et les Belges s'y comportent comme en pays conquis sous le fallacieux couvert d'un pseudo-gouvernement provincial katangais que nous, gouvernement légitime de la République du Congo, avons déclaré déchu"30 juillet, Gizenga, vice Premier-ministre de la République du Congo in CRISP, 1960, p165. | ||||||
Le 5 juillet 1960, le général Janssens, commandant en chef de la
Force Publique, force coloniale formée par Léopold II et servant d'armée pour
réprimer l'ennemi intérieur que constituait l'autochtone congolais, fait savoir
qu'il ne peut être question d'une africanisation. Il enseigne à l'ensemble de
l'armée que "Avant l'indépendance = Après l'indépendance". Ce qui
signifie une ségrégation pour les militaires noirs qui sont tous confinés à des
rôles subalternes. En juin 1960, aucun noir ne dépassait le grade de
sergent-chef dans la Force Publique, et le dérisoire statut "d'évolué",
censé couronner les efforts d'assimilation des indigènes, concerne à peine un
millier de Congolais sur treize millions. La réaction ne s'est pas faite
attendre. La base constituée par les congolais de l'armée se révolte contre les
officiers belges qui n'avaient aucune intention d'abandonner leur commandement.
Lumumba proclame l'africanisation de l'armée et augmente les salaires de 30%.
Janssens est démis de ses fonctions, Vitor Lundula devient commandant en chef de
l'Armée nationale congolaise (ANC) et Joseph Mobutu le chef d'état-major. Les
officiers belges ne pourront qu'exercer leur fonction qu'en tant que conseillers
des officiers congolais. Très vite le calme est ramené dans les garnisons de
Léopoldville et Thysville.
C'est alors qu'au Katanga, véritable poumon économique du pays de par sa richesse prodigieuse, les colons et les officiers belges de l'armée décident de refuser l'africanisation et s'appuient sur Tshombe, dénommé "Monsieur tiroir-caisse" ( L'assassinat de Patrice Lumumba, une mort de style colonial. Documentaire de Michel Noll) pour assurer une néocolonisation de la province. Le 8 juillet des rumeurs à Léopoldville font part de viols d'Européennes par un petit groupe de soldats provoquant un exode massif de nombreux colons vers la Belgique. Le 9 juillet, le gouvernement belge avec l'aval du roi Baudoin décide de profiter de la situation pour intervenir à l'autre bout du pays au Katanga.
Tshombe n'est en fait qu'un pantin au service de l'ancien colonisateur. Bunche, adjoint du secrétaire de l'ONU, déclare : " Tshombe est une marionnette, et rien de plus. En réalité, il représente très peu de gens " (déclaration de Bunche, adjoint du secrétaire de l'ONU, le 21.07.1960). Bunche ajoutera à son chef (d'après Ludo De Witt, Ibid) : "Tshombe était une marionnette manoeuvrée par les Belges". Voilà quel était le programme belge sous couvert de Tshombe au Katanga : "Une portion de l'humanité placée en exergue est demeurée sans civilisation, sans énergie, sans idées, sans intérêts à défendre. (...) la race noire n'a rien derrière elle. Peuple sans histoire, sans philosophie, sans consistance aucune..." (Ludo De Witt, p. 81). On croirait lire du Stephen Smith, du Négrologie pur jus, avant l'heure. Et Tshombe, proclamé président du Katanga par les colons belges, de reprendre ce programme auprès de ses concitoyens : "Dans l'esprit des congolais quoi qu'en pensent certains Européens idéalistes - l'indépendance du Katanga n'est pas leur fait à eux mais bien le fait des Européens ...La présence des troupes belges permettra au pays de vivre une vie normale, mais celle-ci semble devoir être [nécessaire] pendant très longtemps dans le pays. Il est très probable que d'ici peu un terrorisme s'installera à l'intérieur du pays. (...) Le régime dans lequel nous nous installons doit être nécessairement un régime de dictature". C'est ce que nous appellons un gouverneur néocolonial. Ce sont les membres du gouvernement belge qui chapitrent Tshombe. Il s'agit purement et simplement d'une récupération néocoloniale du Katanga. "Ce n'est pas Tshombe mais des hommes comme le comte d'Aspremont Lynden (ministre belge des Affaires africaines,ndlr), Rotschild (ambassadeur belge, ndlr) et Clemens (responsable du bureau conseil d'Elisabethville, ndlr) qui tirent les ficelles dans cet Etat d'opérette. Le président du Katanga est, selon les mots de Vandewalle, "guidé par son triumvirat de tuteurs politiques"..."On était obligé d'exercer une forte pression sur Tshombe pour lui éviter de multiples bêtises conseillées par des irresponsables". (Ludo de Witt, Ibid, p. 83).
Les mercenaires blancs de Tshombe dirigés par la Belgique sont surnommés "les affreux" et commettent les pires exactions. Ils rétablissent l'ordre (néo)colonial au Katanga. L'attaque belge contre Matadi le 11 juillet est un échec mais très vite les Belges et leurs mercenaires blancs progressent très vite. Le 10 juillet Luluabourg est occuppé, Léopoldville le 13, Bakwanga le 15, Coquilhatville le 16, Kindu le 17 juillet. L'avion de Lumumba et de Kasa Vubu ne peut se poser dans la province sécessionniste du Katanga. Quant à la France du Général de Gaulle, elle soutient politiquement puis militairement cette sécession selon les aveux mêmes de Maurice Robert ancien responsable du SDECE Afrique.
Dans sa reconstitution de l'implication de la France dans la tragédie
congolaise, Claude Wauthier rappelle dans son livre Quatre présidents et
l'Afrique que Paris
avait "fourni les premiers mercenaires qui permirent au
gouvernement katangais de mettre sur pied sa "gendarmerie" de triste mémoire, puis de faire
obstacle à l'action des forces de l'Onu contre la sécession".Dès le début de la crise, la France s'aligne aux côtés des forces
anti-lumumbistes, notamment par l'intermédiaire de l'abbé Fulbert Youlou,
président du Congo-Brazzaville voisin. Mais c'est surtout le Katanga qu'elle
convoite.
Le 11 juillet proclamation de l'indépendance du Katanga par Tshombe et ses mercenaires. La constitution katangaise est rédigée par des diplomates belges notamment par le professeur Clémens et son adjoint Massart, selon les révélations du Professeur Massart dans des notes confidentielles (Ludo de Witte, Ibid, p. 84). Cette constitution maintient la législation coloniale sur les mines de cuivre du Katanga. Très vite Lumumba comprend que l'ancienne puissance coloniale a l'intention de balkaniser le Congo.
Le 12 juillet le lendemain de la proclamation, devant l'ampleur de la déstabilisation en provenance de "l'extérieur", le gouvernement congolais en appelle à l'ONU. Lumumba demande "une aide militaire (...) contre l'actuelle agression extérieure". Le 14 juillet le conseil de sécurité décide de fournir une aide armée au gouvernement congolais. L'opération Organisation des Nations Unies au Congo prend naissance : l'ONUC. L'ONUC déploie ses troupes et les soldats belges s'en vont du Congo à l'exception du Katanga où ils pourront rester . Loin de prendre fait et cause pour le gouvernement légitime de Lumumba, l'ONU met sur le même pied d'estale la province sécessionniste katangaise et le gouvernement de la République démocratique du Congo. De fait l'ONU et son secrétaire général Hammarskjöld entérine la situation néocoloniale au Katanga. Le gouvernement belge jubile et affirme avoir gagné la partie. Selon Ludo de Witte (Ibid, p. 51) : "Dans un télégramme à Bruxelles, d'Aspremont Lynden et Rotshchild jubilent que Hammarskjöld "préserve complètement l'intégrité de fait du Katanga (...) il est possible dès maintenant de se montrer optimiste quant à l'évolution de la situation générale au Katanga. sauf nouvel accident, les structures katangaises seront protégées par les troupes de l'ONU et à assez bref délai par les troupes katangaises elles-mêmes commandées par des officiers belges, au lieu de l'être à titre extrêmement précaire par les troupes belges". Selon Ludo de Witte, la direction de l'ONU partageait la stratégie occidentale qui entendait employer la sécession comme instrument pour détruire le gouvernement congolais.
Le 26 juillet Pierre Vigny (ministre belge des Affaires
étrangères) avait incité à la balkanisation du Congo : "Tout ralliement
d'autres provinces du Congo au Katanga est donc à encourager".
Le 9 aout Deux semaines plus tard, Kajoi proclame l'indépendance du Kasaï, riche province diamantifère. A cette sécession organisée par la Belgique aidé d'un soutien logistique français s'ajoute donc le soutien de l'ONU qui avalise la sécession du Katanga. Au vu et au su de tous et au mépris de la souveraineté du gouvernement de Lumumba, l'ONU accepte que les militaires belges restent au Katanga sous des uniformes africains pour former l'armée néocoloniale katangaise. L'ONU considère de facto le pouvoir mis en place par les Belges avec l'appui de la Françafrique comme un pouvoir légitime. Dans cette affaire les dirigeants de l'ONU sont anti-Lumumba et le confessent sans ambage. Cordier, successeur américain de Bunche et adjoint du secrétaire général de l'ONU n'hésite pas à confesser en privé : "Nkrumah est le Mussolini d'Afrique, et Lumumba son petit Hitler...la seule solution possible (concernant le Congo, ndlr) est un changement à la tête du gouvernement" (Ludo de Witt, p. 57). Quant au secrétaire général de l'ONU, Hammarskjöld, il était convaincu que "Lumumba devait être brisé" (M. Kalb, The congo cable, p.68). Alors que Lumumba avait été désigné par le parlement Congolais comme le chef du gouvernement d'un régime parlementaire à l'instar de la Belgique. Le Times du 16 août écrit que "Hammarskjöld "laissait clairement entendre qu'il doutait du droit de Lumumba de parler au nom du gouvernement" (cité par Ludo de Witt, p. 53). Le Christian Science Monitor du 1er septembre écrit que pour les diplomates de l'ONU "peu de larmes seraient versées" si Lumumba devait disparaître de la scène politique. |
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