Des membres du mouvement du 23 mars dans les collines du Nord-Kivu le 3 juin 2012. © AFP
La RDC a exigé jeudi 28 juin que les autorités rwandaises "cessent de laisser leurs officiers continuer à alimenter la guerre au Congo". Une déclaration percutante qui intervient alors que des négocitations sécuritaires ont lieu à Goma (Nord-Kivu) entre les deux pays.
Les accusations se font chaque jour plus précises de la part de
Kinshasa à l'égard du soutien présumé qu'apporterait Kigali à la mutinerie qui a éclaté au Nord-Kivu (est de la RDC). Dernière déclaration en date, celles du porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, lors d'un point de presse à Kinshasa jeudi 28 juin : « Nous exigeons que les autorités rwandaises arrêtent, cessent de laisser leurs officiers continuer à alimenter la guerre au Congo ».
Pour étayer ses accusations, le gouvernement congolais peut s'appuyer sur
les fuites concernant une annexe d'un rapport de l'ONU sur la situation en
RDC, dont un
rapport partiel d'étape a été publié mardi, la version définitive devant l'être en novembre prochain.
Dans cette annexe qui doit être prochainement rendue publique, et dans laquelle
ne figurent pas encore les démentis de Kigali, les experts de l'ONU font état de « preuves accablantes » sur l'appui d'officiers rwandais aux mutins congolais du Mouvement du 23 mars (M23), pour la plupart issus de la rébellion tutsi congolaise du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) qu'appuyait Kigali par le passé, avant que ses membres ne soient intégrés au Forces armées de RDC en 2009. Dont l'un de leur chef, le général Bosco Ntaganda, leader présumé du M23.
"Aide directe" au M23
« Nous leur demandons de démanteler les réseaux, les filières de recrutement et de ravitaillement en faveur des forces négatives qui sont au Congo, sans conditions », a ajouté Lambert Mende. Selon le document des experts de l'ONU, des hauts gradés rwandais ont apporté une « aide directe » à la création du M23. « Dans l'exercice de leurs fonctions officielles, [ces officiers] soutiennent les rebelles en leur fournissant des armes, du ravitaillement militaire et de nouvelles recrues », ajoute le texte.
Les noms des officiels rwandais sont ceux de personnalités clés du régime rwandais : le ministre de la Défense, le général James Kabarebe, le chef d'état-major des armées, le général Charles Kayonga, et aussi le général Jack Nziza, secrétaire permanent du ministre de la Défense et ancien patron du DMI (Department of Military Intelligence), les services de renseignements militaires.
La ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a réagi en qualifiant le rapport de « document préliminaire partial fondé sur des conclusions partielles » qui « doit encore être vérifié ».
« Nous serions étonnés qu'un ministre de la Défense nationale puisse agir de son propre fait dans une situation comme celle-là et rester en fonction comme ministre. Je pense que le sort du ministre sera une indication claire de l'implication du gouvernement en tant que tel ou non », a répondu jeudi le porte-parole du gouvernement congolais. Qui continue d'accuser Kigali : pour lui, trois bataillons rwandais se trouvent avec les mutins, qui tiennent quelques collines dans le sud-est du parc national des Virunga, à la frontière avec le
Rwanda et l'Ouganda.
Quel est le rôle de Paul Kagamé ?
« Nous serions fort étonnés que le n°1 des force armées rwandaises puisse prendre la décision de projeter des troupes sur un territoire étranger sans l'aval du commandant suprême de l'armée qui est le chef de l'État [Paul Kagame, NDLR] et rester en fonction un jour après que le président ait appris cela. S'il reste en fonction, cela sera clair pour nous que cela a procédé d'une volonté supérieure, dans ce cas là c'est grave », a poursuivi Mende.
Mais entre les allégations des uns et les démentis des autres, les faux-semblants ne sont pas loin. En coulisse, les autorités des deux pays voisins tentent toujours de négocier un apaisement. Et les déclarations publiques des uns ou des autres ont vraisemblablement pour but soit de gagner du temps soit de se metre en position de force dans les discussions en renforçant la pression diplomatico-médiatique sur l'adversaire.
Pour preuve, le jour même des dernières déclarations de Mende, des négociations avaient lieu en toute discrétion à Goma, capitale du Nord-Kivu, entre les généraux rwandais Kabarebe et Kayonga et leurs homologues congolais le ministre de la Défense, Alexandre Ntambo Luba, et le chef d'état-major des Forces armées de la RDC (FARDC), le général Didier Etumba.
(Avec AFP)