Le président élu Uhuru Kenyatta le 10 mars 2013 à Kisumu ©AFP
NAIROBI (AFP) - (AFP)
Samedi, après cinq jours d’un dépouillement ralenti par une série de couacs, la Commission électorale kényane a annoncé la victoire de M. Kenyatta, 51 ans, fils du premier président kényan et héros de la lutte d’indépendance Jomo Kenyatta.
Tout au long du décompte, M. Kenyatta a devancé de plusieurs centaines de milliers de voix son principal rival M. Odinga.Mais il n’a passé la barre des 50% de voix nécessaire pour une victoire au premier tour qu’à quelque 8.400 bulletins près.
Le nouveau président, élu avec 50,07% des suffrages, a célébré "le triomphe de la démocratie" : à l’inverse du précédent scrutin en décembre 2007, dont le résultat contesté avait déclenché de meurtrières violences, les Kényans ont voté, attendu et accepté les résultats dans le calme.
Mais M. Odinga — crédité de 43,31% des voix — a dénoncé "des irrégularités massives" et annoncé saisir la Cour suprême.
Le camp Odinga a sept jours, à compter des résultats, pour déposer ce recours.Selon une source dans l’entourage du Premier ministre sortant, ce sera fait "probablement mercredi".
"Entre autres choses", a précisé cette source, sera posée la question de la participation massive à la présidentielle, bien supérieure à celle des autres élections (Assemblée nationale, sénat, gouverneurs, représentants départementaux) qui étaient organisées simultanément.
Selon ce proche de M. Odinga, la Cour suprême sera aussi saisie sur "la réduction et la hausse drastiques du nombre d’électeurs survenues dans certaines circonscriptions après la fin officielle de l’enregistrement des électeurs".
Le chef de la Cour suprême, Willy Mutunga, ancien militant respecté des droits de l’Homme, a le pouvoir d’ordonner un nouveau décompte, un nouveau vote, ou de rejeter le recours."Nous allons écouter équitablement tous les dossiers qui nous sont soumis," a-t-il affirmé.
Casse-tête diplomatique
Le président élu ne pourra être officiellement investi qu’après le verdict de la Cour suprême, qui doit être rendu sous 14 jours.
Mais lundi, Uhuru Kenyatta, élu malgré une inculpation devant la Cour pénale internationale (CPI) pour son rôle présumé dans les violences qui avaient suivi la présidentielle de 2007, endossait déjà son statut de chef d’Etat.
Sur twitter, il lançait : "Le Kenya jouera son rôle légitime dans la région et le continent".Et il a déjà reçu les félicitations de plusieurs pays ou institutions africains — Afrique du Sud, Somalie, Ouganda, Tanzanie, Union africaine notamment — et de la Chine.
Pékin, à l’influence et au poids économique croissant au Kenya, "souhaite renforcer (sa) coopération avec le nouveau gouvernement", a déclaré la porte-parole des Affaires étrangères chinoises lundi.
Les puissances occidentales se sont en revanche pour l’instant gardées de féliciter M. Kenyatta, préférant saluer le comportement des Kényans pour des élections pacifiques.Dernière en date, la France a réitéré ce message lundi.
Les relations des pays occidentaux et du nouveau président kényan sont tendues et risquent de se transformer en casse-tête si la Cour suprême déboute M. Odinga : depuis son inculpation devant la CPI, les capitales occidentales ont des contacts limités avec M. Kenyatta et ce dernier leur a reproché pendant la campagne de soutenir son rival.
A l’approche des résultats samedi, un important dispositif sécuritaire avait été déployé dans les grands bidonvilles de Nairobi, où vivent de nombreux supporters du Premier ministre sortant, ainsi que dans son fief de Kisumu (ouest), mais aucun incident majeur n’a été signalé.
La présidentielle de 2007, déjà perdue par M. Odinga, avait débouché sur les pires affrontements politico-ethniques du Kenya indépendant (plus de 1.000 morts et des centaines de milliers de déplacés).
Lundi, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a abandonné les charges contre un co-accusé de M. Kenyatta — Francis Muthaura, ex-chef de cabinet de Mwai Kibaki — par manque de témoins.Le procès du président élu est en revanche toujours prévu pour le 9 juillet.
Le nouveau vice-président du Kenya, William Ruto, est lui aussi inculpé à La Haye.Son procès doit s’ouvrir le 28 mai.
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