(Le Potentiel
15/01/2013)
«
Un peuple sans mémoire ne peut pas être un peuple libre. » D. Mitterrand.
Les
Congolais(es) poursuivent leur lutte pour la souveraineté politique, économique
et culturelle de leur pays en réfléchissant sur les voies et moyens de rompre
avec la spirale de la violence et de la mort dans laquelle il est pris depuis
plus de cinq décennies.
Contre vents et marées, leurs minorités organisées et
agissantes ont décidé de résister contre la résignation. C’est dans ce contexte
qu’ils se sont rencontrés à Clichy, en France, ce samedi 12 janvier 2013. Et ils
m’ont demandé de répondre à cette double question :
« L’ONU est-elle crédible ?
Comment rendre la Munusco plus efficace ? » Pour y répondre, j’ai choisi de
revisiter notre histoire, convaincu, à la suite de Peter Dale Scott que «
l’étude de l’histoire est l’un des moyens d’éviter sa répétition ».
Une
semaine après l’indépendance du Congo, le 07 juillet 1960, notre pays est
victime d’une agression extérieure. Pourquoi ? Cette indépendance met à mal les
intérêts des capitalistes Belges. Ils ne supportent pas que la Belgique perde la
place que l’accumulation des richesses produites dans sa colonie lui ont permis
d’occuper au cœur du monde capitaliste.
Dans la Nouvelle Revue
Internationale de mai 1961, Jean Terfve, un ancien ministre et un ancien député
communiste (Belge) écrit :
« L’effondrement du colonialisme belge marque un
extraordinaire affaiblissement de la position de la Belgique sur le plan
international. Depuis la seconde moitié du 19e siècle, la Belgique , grâce à son
empire colonial a tenu sur le plan international un rôle disproportionné à
l’exiguïté de son territoire et au nombre de ses habitants. »
Il continue
: « Les richesses du Congo ont donné la possibilité au capitalisme belge de
rivaliser dignement avec des Etats impérialistes des plus puissants. Après la
guerre 40-45), l’uranium congolais, le cobalt, le cuivre et les métaux rares ont
pris une place importante sur le marché capitaliste mondial. Les dividendes sont
tombés par milliards dans les poches des actionnaires de la Société
Générale.
On peut dire qu’en quelques années, le Congo a permis aux
capitalistes belges d’occuper une place privilégiée dans l’arène mondiale. Il
est clair que, dans ces conditions, la perte du Congo apparaît aux yeux des
milieux dirigeants belges comme un élément très grave susceptible de ramener la
Belgique au rôle de puissance mineure. [2]» La déstabilisation du Congo reste
pour eux un choix incontournable.
Quand, sur la demande du gouvernement
Lumumba, le Conseil de Sécurité va se réunir le 14 janvier 1960, il vote « une
résolution invitant tous les Etats membres à donner aide et assistance au
Gouvernement congolais pour lui permettre de repousser l’agresseur, affermir son
autorité et sauvegarder l’intégrité de la jeune République. »
Quel est le
prétexte auquel les capitalistes Belges vont recourir pour justifier
l’intervention des parachutistes de notre ex-métropole chez nous ? La mutinerie
de l’armée et les conflits ethniques Quand l’ONU explique les raisons de son
intervention au Congo après ladite résolution, la question de la place de la
Belgique dans l’arène capitaliste mondiale n’apparaît pas.
La crise
katangaise est mise au premier plan. Dans une brochure intitulée « L’ONU et le
Congo. Quelques faits essentiels », elle dit : « Environ une semaine après
l’indépendance, l’armée congolaise s’est mutinée. Elle comptait 28.000 hommes
bien armés. Par suite de cette mutinerie et pour protéger les nombreux
ressortissants belges qui se trouvaient dans le pays, des parachutistes belges
ont été à nouveau déployés dans le Congo, contre la volonté du Gouvernement
congolais.
Des conflits entre tribus et des menaces de sécession ont été
signalés dans plusieurs régions du pays. » Reproduisant un commentaire du texte
de cette brochure publié dans « Remarques Congolaises » de 1963, Elie Bouras
note ce qui suit :
« Cet opuscule ne présente pas le drame véritable du peuple
congolais mais essaie plutôt de le faire oublier par la mise en évidence de la
crise katangaise seule, sans référence à la crise qui a commencé avant et
continue après la fin de la crise katangaise ».
Quand les troupes de
l’ONU vont être déployées au Congo, le Secrétaire Général de l’ONU, Dag
Hammarskjoald , y pratiquera une politique anti-lumumbiste. Cette politique
participera de la mort de notre héros national. Elle sera généralement
occidentale et particulièrement américaine. « Durant la période où Hammarskjoald
soutenait consciemment la politique anti-lumumbiste, il était clair, note Mwamba
Mukanya, que les agissements du secrétaire général de l’ONU ne dépendaient pas
des directives du Conseil de Sécurité, mais des tenants de la haute finance
américaine qui faisaient pression sur l’administration et le Congrès des
Etats-Unis. »
(RC 1963) Après l’assassinat de Lumumba, un gouvernement
fantoche d’Adoula sera mis en place et porté à bout de bras par l’administration
Kennedy. Celle-ci se livrera à un jeu subtil entre Adoula et Tshombe. « Pour
contraindre le gouvernement Adoula à faire des concessions permanentes aux
exigences américaines, l’administration Kennedy se présentera, tantôt comme
protecteur de l’action des Nations-Unis, tantôt comme médiateur bénévole entre
le gouvernement Adoula et les autorités rebelles du Katanga, médiation dont les
accords de Kitona donnent le véritable style de la diplomatie américaine. » (RC
1963) En dessous de ce jeu subtil, il y a une guerre stratégique qui se mène :
les USA tiennent à évincer les intérêts britanniques, belges et ouest allemands
dans le Katanga. « De concert avec d’autres puissances capitalistes,
l’administration Kennedy « champion du dénouement de la crise katangaise »
spécula sur le déficit financier de l’opération des Nations Unies au Congo.
Celle-ci, au lieu de chercher l’issue impartiale de cette situation se contente
d’émettre les bons de trésor destinés à faire financer l’opération par les
Etats-Unis qui ne demandent pas mieux. » (RC 1963).
Quelle est la
conséquence de la place importante prise par les USA dans la gestion de cette
crise ? « Par ces manœuvres, les USA se sont créé des monopoles sur le marché
congolais dans tous les domaines.
Le fait le plus scandaleux dans ce jeu
américain se manifeste dans le plan que l’administration Kennedy a fourni à
l’ONU pour règlement éventuel de la crise congolaise, plan que l’on désigne
communément sous le vocable « PLAN U THANT ». Ce plan qui consacre la
balkanisation du Congo et dont l’objectif est, par le truchement du fédéralisme,
de placer le larbin Tshombe à la tête de la République du Congo. » (RC
1963)
Assassiner un premier ministre élu au suffrage universel,
travailler à la dissolution de son gouvernement et soutenir un gouvernement
fantoche, manœuvrer la gestion de la crise congolaise pour gagner la guerre du
marché capitaliste en évinçant leurs concurrents, tels ont été les objectifs
non-avoués publiquement de l’implication des USA dans la gestion de la crise
congolaise par l’ONU interposée.
Au fur et à mesure que les années
passent, l’origine belgo-américano-capitaliste de cette crise et le recours des
pays occidentaux qui y étaient impliqués à la politique du « diviser pour régner
» ont été oubliés. Et quand, après la chute du mur de Berlin en 1989, les USA et
leurs alliés recourent à « l’impérialisme intelligent » pour mener une guerre de
basse intensité contre notre pays, toute cette histoire ne semble pas provoquer
notre mémoire collective.
Et pourtant, les acteurs pléniers y demeurent à
peu près les mêmes. Leur mode opératoire n’a presque pas changé : par des
marionnettes interposées, ils entretiennent la violence structurelle, la
cupidité et la mort, ils gèrent la Monusco dont le responsable numéro un, Roger
Meece est américain et les casques bleus sont payés en dollar, le FMI (aux
ordres de la Réserve Fédérale ) oriente et contrôle la politique économique du
pays (où tout ou presque se vend et s’achète en dollar), les oligopoles et les
monopoles occidentaux et anglo-saxons ont entre leurs mains le marché des
matières premières stratégiques, la question de l’émiettement du Congo est
toujours à l’agenda officieux US ; d’ailleurs au Département d’Etat, les Kivus
appartiennent au Rwanda, dixit Herman Cohen, etc.
Dans ce contexte, d’où
pourrait venir la crédibilité de l’ONU ? De nulle part. Elle est le bras
militaire et juridique de la mise sous tutelle de notre pays par les membres
dominants du Conseil de Sécurité. Les différents rapports de ses experts,
suffisamment documentés, citent rarement les acteurs pléniers de la descente de
notre pays en enfer.
Dans ce contexte, comment faut-il faire pour que la
Monusco puisse être efficace ? Ce n’est peut-être pas là la question.. Il serait
intéressant de réfléchir sur la façon dont procèdent ces membres influents du
Conseil de Sécurité pour rendre l’ONU incontournable. Soucieux d’opérer dans
l’ombre en mettant sur le devant de la scène des acteurs apparents, ils se
servent de cette institution à l’aura internationale pour accomplir leurs
forfaits. Au nom de la démocratie et des droits de l’homme.
Que faire
pour rompre avec la spirale de la violence et de la mort dans laquelle notre
pays est pris depuis plus de cinq décennies ? Accumuler un savoir encyclopédique
sur notre histoire et les autres domaines de la vie.
Connaître
profondément et maîtriser le mode opératoire des réseaux d’élites dominant le
monde et le Conseil de sécurité. Il y a aussi des actions que dicte la pratique
permanente de la résistance contre les forces de la mort. Il y a plus. Il faut
parler à ces réseaux d’élites dominants à partir des contre-réseaux locaux,
nationaux et internationaux. D’où l’importance d’un travail permanent de
lobbying.
En relisant notre histoire, nous nous rendons compte que « la
guerre est un moyen de s’approprier les richesses [3]» dont regorge notre pays.
Une diplomatie congolaise efficace, formelle ou informelle, mènerait des
contacts directs avec ces réseaux transnationaux ou avec les Etats qu’ils
manipulent pour que les échangent commerciaux et économiques empruntent une
autre voie que celle de la guerre.
L’ONU pourrait être contournée. C’est
une tâche difficile. Elle mérite d’être étudiée sérieusement. Une autre action à
mener serait celle d’organiser des cotisations inter-congolaises pour porter le
poids de notre pays dans les différents domaines de sa vie.
Il n’est pas
normal que les réseaux d’élite transnationaux qui nous pillent, financent les
milices et les rébellions qui tuent et violent, puissent se présenter à nos
populations en « pompiers » en essayant de financer l’humanitaire de notre mort
collective. Un recensement des Congolais(es) de la diaspora et de ceux de
l’intérieur du pays nous permettrait, avec un euro, un dollar ou leur équivalent
par mois, de devenir « maîtres » des actions transformatrices de ce beau et
grand pays qui est nôtre.
Finalement, il appartient à nos minorités
organisées et agissantes de mener un travail permanent en synergie de façon qu’à
court, moyen et long terme, nous devenions, avec nos masses critiques, les
acteurs pléniers de notre propre histoire.
Le savoir, une bonne culture
générale, le patriotisme, la fraternité, l’amitié et l’argent mis au service de
notre communauté, peuvent être des armes redoutables contre l’ensauvagement dont
souffre le Congo de Lumumba aujourd’hui.
Publié le mardi 15 janvier
2013 04:58
Écrit par Mbelu Babanya Kabudi
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