De:
Dieudonné-S. CHIRISHUNGU CHIZA C. C. <gerta.holdings@yahoo.fr>Objet:
Enjeux de la guerre à l'Est de la RDCongo, la partition du pays au profit du
Rwanda
Une communication d’un membre du Groupe d’Experts de l’ONU sur le M23
L’agenda caché du
Rwanda : un Etat fédéral en RD Congo !
C’est depuis la Table
Ronde Politique de Bruxelles en 1959 que la question du fédéralisme avait fait
l’objet des débats parfois houleux entre les acteurs politiques de ce pays.
L’une des raisons profondes de la crise politique qui a conduit à l’assassinat
de Patrice LUMUMBA, c’est avant tout le conflit entre les unitaristes et les
fédéralistes.
Les débats vont se
poursuivre jusqu’à la Conférence Constitutionnelle de Luluabourg en 1964 qui
aboutit à l’élaboration de la toute première constitution de type fédéral. Même
si une année après les élections qui ont vu les fédéralistes regroupés autour du
cartel TSHOMBISTE l’emporter haut la main, Joseph MOBUTU va prendre le pouvoir
par un coup d’Etat militaire pour consolider l’esprit de l’unité national et le
nationalisme fortement ébranlé par la rébellion muleliste et la guerre de
sécession.
La conférence Nationale
Souveraine a aussi retenu l’émergence d’un Etat Fédéral comme l’unique solution
politique pour rapprocher le gouverné du gouvernant au regard de l’immensité du
territoire aux dimensions continentales qu’est la RDC. Les négociations
politiques inter congolaises de Sun City sont abondamment revenu sur cette
solution avec force détails.
Prétendre aujourd’hui
que Kigali considère comme solution à la crise de l’Est l’émergence d’un Etat
fédéral à l’Est du Congo constitue une mauvaise lecture des faits historiques
vérifiables et vérifiés par les multiples rapports des experts indépendants de
l’ONU. Les observateurs de la scène politiques des pays des Grands lacs sont
convaincus que les agissements des autorités rwandaises rappellent ceux posés il
y a plus de soixante ans par un certain Adolph HITLER avec sa théorie de
l’espace vital qui a été le fondement de son livre « Mein Kampf
».
Caractérisé par
l’invasion suivie de l’annexion des Etats comme la Pologne, l’Autriche, la
Tchécoslovaquie, et plus tard la France, la Belgique et les Pays Bas. Et quand
l’on sait que c’est ce livre qui fut à la base de la deuxième guerre mondiale,
il y a de quoi revoir sa copie.
Comme l’on dit, le
criminel revient toujours sur les lieux du crime.
Suite au tapage
quotidien du prétexte sempiternel du génocide rwandais, l’opinion n’avait pas
réalisé que les différentes guerres menées par le Rwanda, notamment celle de
l’AFDL, du RCD, du CNDP et aujourd’hui du M23 n’avaient pour but que d’assouvir
les ambitions hégémoniques des autorités rwandaises de mettre la main sur les
richesses de l’Est de la RDC en prônant l’émergence d’un Etat Fédéral pour le
rattacher au Rwanda à la suite d’un référendum
d’autodétermination.
L’auteur de ce texte
devrait revoir sa copie en y intégrant ces éléments historiques précieux car ce
rêve des autorités rwandaises sont irréalisables au moment où pour le Mali, la
France est intervenue militairement pour stopper l’avancée des terroristes
djihadistes.
La crise dévastatrice
en RD Congo, Monsieur le Président Ros-Lehtinen, le membre le plus haut placé
Basse, et les membres du Sous-comité sur l’Afrique, la santé mondiale et Droits
de l’Homme:
Je vous remercie pour
cette invitation à témoigner à cette audience sur la crise actuelle dans l’Est
de la RD Congo.
Je travaille sur l’est
du Congo depuis plus de huit ans, dont les trois dernières années en tant que
membre du Groupe des Experts des Nations Unies sur la RDC. Auparavant, j’ai
travaillé avec des organisations humanitaires, des instituts de recherche et des
fondations, ainsi que la Mission des Nations Unies en RDC.
Le Mandat 2012 du
Groupe d’experts a récemment expiré le 30 Novembre, au cours duquel j’ai servi
comme coordonnateur de notre équipe de six membres en vertu de la résolution
2021. En tant que tel, je ne suis plus affilié à l’Organisation des Nations
Unies et les points de vue que je partage aujourd’hui ne reflètent pas ceux de
l’organisation ou du groupe d’experts, mais plutôt strictement mes points de vue
personnels, actuellement, en tant qu’observateur indépendant.
Le Groupe d’experts est
un organe de sécurité mandaté par le Conseil [de sécurité], qui rend compte au
Comité des sanctions du Conseil. Son rôle est d’enquêter, documenter et informer
le Comité des sanctions des Nations Unies sur les violations de l’embargo des
armes et les acteurs non étatiques en RDC ainsi que les questions connexes
telles que le commerce illicite des ressources naturelles et les violations
graves du droit international, y compris le recrutement et l’utilisation
d’enfants soldats.
Le Groupe fournit
également au Comité des sanctions une liste confidentielle des noms et des
entités à prendre en considération des sanctions ciblées sur la base de critères
spécifiques découlant de l’embargo sur les armes. Le Groupe est également chargé
du suivi de la mise en oeuvre des mesures imposées par les sanctions ciblées,
notamment un gel des avoirs et une interdiction de voyager pour les personnes et
entités désignées.
En tant que purement
apolitique, indépendant, mécanisme d’établissement des faits de l’Organisation
des Nations Unies, le Groupe d’experts cherche à éviter l’analyse des
motivations ou les causes des violations des embargos sur les armes et le
financement des groupes armés qu’il documente.
Cependant, aujourd’hui,
après m’être écarté de l’ONU, en plus de résumer nos principales constatations
de cette année, en mon nom personnel, je voudrais partager ma compréhension des
facteurs probables de la participation du gouvernement du Rwanda dans ce conflit
et par la suite examiner plusieurs implications pour la quête actuelle d’une
solution politique à la crise.
Conclusions du Groupe
des Experts
Au cours de ce mandat
précédent, le Groupe d’experts a présenté plusieurs communications
confidentielles avec deux rapports publics au Comité du Conseil de sécurité des
sanctions, un rapport intérimaire et un rapport final. Ce dernier a été rendu
public le 21 Novembre 2012, alors que le Conseil de sécurité a publié le premier
le 21 Juin suivi d’un addendum spécial le 27 Juin, qui mettait l’accent sur les
violations Rwandaises de l’embargo sur les armes en conjonction avec la
rébellion alors naissante du M23.
Nous avons constaté que
depuis le début de la rébellion M23, le Gouvernement du Rwanda lui a fourni un
soutien militaire direct, facilité le recrutement, encouragé les désertions de
l’armée congolaise, et livré des armes, des munitions, des renseignements et des
conseils politiques à l’égard des rebelles.
Nos enquêtes ont conclu
que le Rwanda, en fait, a orchestré la création du M23 lorsqu’une série de
mutineries menées par des officiers ayant appartenu au prédécesseur de ce
mouvement c.à.d. les Congrès national pour la défense du peuple ou CNDP, ont été
réprimées par les forces armées congolaises au début du mois de mai. Au niveau
stratégique, le Rwanda a également dirigé la collecte de fonds et la composition
des cadres politiques, même de nomination de la direction politique du mouvement
et les instruisant directement de revendications à faire devant le gouvernement
congolais. L’armée rwandaise a non seulement mis en place un réseau de
recrutement élaboré au Rwanda afin d’assurer un approvisionnement régulier de
nouvelles troupes au M23, y compris les enfants et même les recyclés des anciens
rebelles hutus des FDLR, mais ils ont également intégré leurs propres officiers
et des formateurs au sein de la chaîne de commandement du M23 sur le terrain
dans le Nord-Kivu.
En outre, ils ont
déployé des unités de l’armée rwandaise sur une base permanente aux côtés des
positions du M23 faisant deux forces presque indifférenciables. Au cours des
offensives majeures et opérations militaires, l’armée Rwandaise a déployé des
milliers de soldats supplémentaires pour renforcer les M23 dans leurs attaques
majeures, telles que la récente offensive sur Goma. Bien que les membres de la
communauté internationale s’attendaient à ce que le Rwanda diminue son soutien
eu égards aux pressions diplomatiques et financières, nous avons constaté qu’une
telle implication directe n’avait fait qu’augmenter avec le
temps.
C’est parce que, en
substance, les rebelles sont devenus une extension des forces de défense
rwandaises. La chaîne de commandement est de fait tenue par le ministre de la
Défense du Rwanda, le général James Kabarebe. Dans une large mesure, la réalité
de la relation entre la M23 et l’armée rwandaise va bien au-delà d’un soutien
externe, étant donné que le M23 n’existe pas séparément du Rwanda en tant
qu’entité autonome. Dans ses efforts pour dépeindre une révolution de grande
envergure contre le gouvernement congolais, le soutien rwandais au M23 a été
également étendu à de nombreux autres groupes armés congolais, y compris ceux
qui ont été autrefois anti-rwandophones comme le Raia
Mutomboki.
Pendant le
cessez-le-feu courant du mois d’Août à Octobre, le groupe Raia-Mutomboki avait,
sur ordres du colonel Sultani Makenga du M23, réalisé attaques brutales à
motivation thnique, brûlant plus de 800 maisons et tuant des centaines de civils
issus de la communauté Hutu Congolais dans le territoire de Masisi, dont les
milices avaient refusé de s’allier au M23.
En plus de la
communauté Hutu au Nord-Kivu, l’ethnie Tutsi Banyamulenge au Sud-Kivu, cette
communauté a largement résisté aux efforts de recrutement du M23, en grande
partie parce qu’elle comprend intimement le niveau de contrôle rwandais sur la
rébellion du M23.
Néanmoins, le
Gouvernement du Rwanda continue de nier toute implication, malgré son plaidoyer
ouvert au nom de la rébellion. Le Rwanda a également affirmé à plusieurs
reprises qu’il n’avait pas été consulté ou reçu un droit de réponse à nos
enquêtes. Ce n’est pas vrai.
Malgré le refus du
gouvernement du Rwanda à nous recevoir pour toutes les réunions de fond au cours
de notre visite officielle à Kigali en mai, nous avons délibérément retardé la
publication de l’addendum à notre rapport intérimaire afin de fournir au
ministre Rwandaise des Affaires étrangères une occasion supplémentaire de
commenter ou de fournir au Groupe des éclaircissements d’informations
rassemblées.
Cependant, non
seulement elle a refusé de le faire lors d’une réunion formelle expressément
demandée par le Comité des sanctions, mais plus tard ce même jour, elle a
commencé à prétendre que son gouvernement n’était pas au courant de nos
conclusions. Suite à la publication de l’addendum, nous avons rencontré de
nouveau le gouvernement du Rwanda à Kigali et avons pris en considération sa
réponse écrite à notre rapport provisoire. Cependant, nous n’avons trouvé aucun
élément substantiel de nos résultats antérieurs que nous souhaitions
modifier.
Nous avons aussi
complètement répondu à chacune des questions soulevées par le Gouvernement du
Rwanda dans une communication officielle au Comité des sanctions, qui plus tard
nous avons publié en annexe 3 de notre rapport final.
La plupart des éléments
de la réfutation rwandaise n’étaient pas crédibles. Par exemple, alors qu’à
Kigali, ils nous ont montré un tas de démolition des fusils AK-47 comme preuve
qu’ils n’avaient pas fourni des canons de 75 mm aux rebelles. En outre, nous
avons facilement observé des champs et des terrains plus que suffisants pour la
formation sporadique à la base militaire de Kanombe, quelque chose qu’ils
revendiquaient qu’elle aurait été impossible. Nous avons également confirmé la
véracité des interceptions radio impliquant des officiers Rwandais par
l’intermédiaire des radios commerciales utilisées par les rebelles et l’armée
Rwandaise, qui, selon Kigali auraient été incompatibles. Lorsque les arguments
de fond du Rwanda dans sa défense n’étaient pas convaincants, ils se sont
tournés vers des attaques contre le Groupe d’experts, affirmant que le Groupe
avait des préjugés contre le Rwanda. Ils ont même orchestré une campagne
médiatique et diplomatique défendant que j’étais un sympathisant des rebelles
Hutus rwandais des FDLR et un négationniste du génocide
rwandais.
J’ai découvert plus
tard que les autorités rwandaises avaient également concocté, dans le bureau de
la présidence, de faux témoignages d’officiers des FDLR actuels promettant des
récompenses pour les déclarations aux médias au sujet de mon implication
présumée dans la fourniture d’armes à ces rebelles.
Néanmoins, le
Gouvernement du Rwanda avait déjà reconnu l’objectivité des vastes enquêtes
approfondies du Groupe sur les réseaux de soutien et de financement des FDLR
dans ces dernières années. En tant que coordonnateur de cette année, j’ai
personnellement supervisé la coopération du Groupe aux procès en cours contre le
président et le vice-président des FDLR en Allemagne.
Le Rwanda a également
affirmé que l’armée Congolaise soutient les FDLR. Toutefois, les rebelles Hutus
rwandais, à un nombre historiquement réduit, sont devenus plus isolés d’un
soutien extérieur et sont axés sur l’autoprotection face à des attaques menées
par les forces armées de la DR Congo et les groupes armés alliés au
M23.
Alors que certains
réseaux criminels au sein des forces armées congolaises continuent à vendre de
petites quantités de munitions aux rebelles, il y a, cependant, aucune preuve
d’une coopération stratégique entre les FDLR et le gouvernement. Outre le
soutien rwandais au M23, dans notre rapport final, nous avons également
documenté minutieusement un soutien aux rebelles du M23 de réseaux importants et
des individus au sein du gouvernement de l’Ouganda.
De hauts responsables
ougandais ont appuyé les rebelles avec des renforts de troupes directs sur le
territoire congolais, livraisons d’armes, l’assistance technique, la
planification conjointe, conseil politique et de la facilitation des relations
extérieures. Ils ont également soutenu la création et l’expansion de la branche
politique du M23 basé en permanence à Kampala bien avant même que le président
Kabila ait autorisé une interaction entre les rebelles et le gouvernement
ougandais. Le gouvernement ougandais a reconnu officiellement lors d’une réunion
avec le Groupe d’experts au début octobre que ce soutient a effectivement eu
lieu. Un officier de police ougandaise désigné a déclaré que le Gouvernement
prendrait des mesures pour enquêter et arrêter les personnes
impliquées.
Le gouvernement de la
RDC est pleinement conscient de ce soutien par des individus au sein du
gouvernement de l’Ouganda, mais a choisi de ne pas dénoncer, espérant convaincre
les Ougandais qu’ils ont plus à gagner en travaillant avec Kinshasa qu’avec
Kigali dans la crise actuelle. A la lumière de la gravité de nos constatations
concernant l’aide extérieure du gouvernement du Rwanda et les individus au sein
des services de sécurité Ougandais, nous avons adopté des normes méthodologiques
élevées pour ces enquêtes.
Depuis le début du mois
d’avril 2012, le Groupe a interrogé plus de 100 déserteurs du M23, dont 57 se
revendiquant de Rwandais. Au cours des visites sur le terrain, nous avons
privilégié nos propres observations et de recherche dans les zones de conflit et
le long des frontières. Par ailleurs, nous avons également analysé les armes du
M23 et les équipements militaires trouvés dans des caches d’armes et sur le
champ de bataille, l’imagerie satellite des voies d’approvisionnement entre le
M23 et les positions de l’armée rwandaise, et les interceptions de
communications radios.
Bien, nous avons
consulté des dizaines de hauts commandants militaires congolais et les
responsables de renseignement ainsi que des dirigeants politiques et
communautaires ayant une connaissance approfondie des développements régionaux,
le gouvernement de la RDC n’a jamais été le point de départ de l’un des notre
collecte d’informations.
Durant les étapes
initiales de la rébellion, des représentants du gouvernement congolais ont
cherché même à entraver notre accès à des informations clés sur l’implication
rwandaise, préférant traiter ces questions de façon discrète entre Kigali et
elles-mêmes. En outre, nous avons communiqué régulièrement avec de nombreux
participants actifs de la rébellion du M23 et d’autres groupes armés, ainsi que
des responsables de la sécurité actuels et anciens et les autorités civiles de
l’Ouganda et du Rwanda. Le Conseil de sécurité et le Comité des sanctions ont
toujours soutenu le Groupe et nos conclusions sur le soutien externe au M23.
Divers services de renseignement africains et occidentaux, ainsi que des
enquêtes indépendantes de journalistes d’investigation et les organismes de
recherche ont également confirmé les conclusions du Groupe concernant les
violations de l’embargo sur les armes par le Rwanda.
Les Principales
revendications du M23
Tout au long de notre
travail, la question qu’on nous a posée le plus souvent était tout à fait
naturelle et logique. Pourquoi le Rwanda entreprendrait une telle entreprise
risquée et politiquement dangereuse?
Bien que, comme je l’ai
dit au début, ce n’est pas le travail du Groupe d’experts d’établir les causes
ou les vecteurs de conflit, dans l’esprit ambitieux de beaucoup de mes collègues
rwandais, je vais humblement essayer d’analyser quelques-uns des motifs énoncés
derrière cette guerre, en commençant par les exigences essentielles du M23. Dès
les débuts de la rébellion, les rebelles ont présenté un assortiment de demandes
et justifications de leur rébellion. Beaucoup sont caractérisées par différents
degrés d’incohérence, d’improvisation et d’opportunisme.
Lorsque les
journalistes internationaux ont interviewé Makenga, beaucoup ont observé qu’il
avait peu de compréhension de certains des idéaux pour lesquels il était censé
se battre. Une fois, j’ai assisté à un discours d’une heure par le porte-parole
du M23 sur la façon dont c’était, en fait, les officiers de l’Ouest de la RD
Congo au sein de l’armée Congolaise qui étaient l’objet de discrimination et non
les Tutsis. Toutefois, bon nombre de ces demandes sont manifestement
incompatibles avec la réalité des identités et de l’histoire passées des hauts
dirigeants du M23.
Bien que tous les
groupes armés construisent les demandes politiques basées sur l’analyse
conjoncturelle de ce qui va leur apporter la plus grande sympathie populaire, la
différence avec le M23 est que, premièrement, les contradictions sont tellement
flagrantes et, deuxièmement, l’analyse et les prétextes postérieurs ont été en
grande partie construits par le Gouvernement du Rwanda
lui-même.
Pour la plupart, le
Rwanda a cherché à saisir toute idée ou problème qui pourrait entrer en
résonance avec la population congolaise et qui donnerait une certaine légitimité
au M23. Comme par leur nom, d’abord et avant tout, les rebelles ont affirmé que
le gouvernement est revenu sur les accords de paix du 23 mars 2009.
Toutefois,
cet accord était simplement une arrière-pensée de formaliser un accord bilatéral
entre Kinshasa et Kigali, qui était fondée sur la base de permettre à ce dernier
c.à.d. Kigali, une immense influence sur les Kivus, en échange de l’arrestation
du président du CNDP, Laurant Nkunda, et en forçant le reste des troupes CNDP à
rejoindre l’armée nationale sous la direction de Bosco
Ntaganda.
Pour beaucoup au sein
du CNDP et le gouvernement rwandais, l’intégration du CNDP dans l’armée
Congolaise n’était qu’une manoeuvre tactique, mais n’a jamais constitué une
modification fondamentale des objectifs. Certains anciens officiers du CNDP ont
répété que lorsque les Rwandais le avaient convaincus de se joindre à l’armée
congolaise, ils leur avaient dit, «faire preuve de patience, nous arriverons à
l’objectif [ultime], faites-nous confiance.»
L’accord à court terme,
cependant, était immensément généreux au Rwanda, les officiers congolais du
CNDP, Ntaganda en particulier et ses fidèles officiers, ont pris le contrôle sur
une grande partie de l’armée dans l’Est du Congo.
Paradoxalement, les
rebelles se sont également plaints de la corruption généralisée au sein de
l’armée congolaise. Néanmoins, comme certains d’entre eux étaient des
commandants les plus importants dans l’Est de la RDC, ils étaient quelques-uns
des pires auteurs des vols des salaires, du racket et de la vente des biens de
l’Etat à des fins privées.
Lorsque tous les
efforts étaient faits par le bureau du Procureur militaire Congolais de rétablir
l’ordre parmi ces officiers voyous, y compris Ntaganda et Makenga, les anciens
officiers du CNDP ont attaqué les prisons et assassiné les opposants, en
intimidant Kabila avec des menaces de reprendre la guerre.
La mutinerie initiale
en Avril [2012] a été déclenchée, au moins superficiellement, par les officiers
de l’ex-CNDP qui ont refusé de prendre part à des séminaires à Kinshasa sur la
réforme de l’armée. Par ailleurs, les rebelles ont affirmé la discrimination
contre les officiers Tutsis au sein de l’armée et le meurtre de ces anciens
officiers du CNDP qui avaient été redéployés en dehors des
Kivus.
Alors que certaines
animosités historiques ne peuvent pas être niées, peu de preuves crédibles
existent pour étayer ces affirmations. Au contraire, les anciens officiers du
CNDP ont été redéployés vers d’autres provinces sans incidents majeurs et des
dizaines d’officiers supérieurs Tutsis au sein de l’armée congolaise, dont deux
commandants des régions militaires et plus des quatre cinquièmes des ex-CNDP,
ont choisi de ne pas adhérer au M23. Le M23 a également fait de nombreuses
revendications en rapport aux droits humains quand bien même si neuf de ses
membres et associés ont été désignés pour les sanctions à la fois par le
gouvernement Américain et le Comité des sanctions de l’ONU, pour la plupart des
violations flagrantes du droit international.
Au cours de l’actuelle
rébellion du M23, ces mêmes officiers ont recruté et formé des centaines
d’enfants soldats, tuant souvent ceux qui tentaient de
s’échapper.
Lorsqu’ils dominaient
auparavant le commandement militaire dans l’Est de la RDC, les officiers M23 ont
supervisé de nombreux réseaux mafieux qui exploitaient les ressources naturelles
par le travail forcé tout en prenant part à l’expropriation violente répandue
des terres. Par ailleurs, le M23 exige même la bonne gouvernance quand bien même
ils ont attaqué et se sont appropriés de nombreux biens publics fournis par les
bailleurs de fonds, y compris récemment, 33 véhicules faits en donation à la
police Congolaise.
Les institutions
gouvernementales dans le territoire contrôlé par les rebelles ont également été
systématiquement pillées, y compris l’équipement de la Commission électorale
pour l’inscription des électeurs. Le M23 prétend aussi qu’il se bat pour les
50.000 réfugiés Tutsis qui restent au Rwanda. Une
rébellion qui déplace
plus de 500.000 peut à peine défendre les droits des 50.000 réfugiés. La
contradiction flagrante avec les près de 500.000 personnes nouvellement
déplacées à la suite de leurs offensives, cependant, a récemment conduit M23 à
diminuer l’importance de cette demande.
En outre, en 2011, des
anciens officiers du CNDP m’ont dit que c’était bien le Rwanda qui ne voulait
pas que ces réfugiés rentrent chez eux afin de les utiliser comme «une carte à
jouer dans les futures négociations avec Kinshasa.» Ces derniers mois, les M23
ont de plus en plus affirmé qu’ils veulent une révision des élections
présidentielles discréditées et frauduleuses de 2011, dans une tentative
d’attirer la sympathie d’une plus large circonscription et d’affaiblir davantage
Kabila. Néanmoins, le parti CNDP a fait partie de l’alliance électorale du
Président et de nombreux grands leaders du M23 ont orchestrée des fraudes
massives en son nom.
Ironiquement, alors que
le président Kabila était immensément populaire dans l’Est du Congo au cours des
élections de 2006, c’est précisément son accord de paix avec le Rwanda et le
CNDP, y compris tous les privilèges supplémentaires et un traitement spécial
qu’ils ont reçus tout au sein de l’armée, qui a renforcé l’opposition à son
gouvernement dans les Kivus.
Bien qu’il ait été
avisé d’accepter de faire le sacrifice de sa popularité dans l’espoir d’une paix
durable avec le Rwanda, [souvent] avec l’encouragement énorme et les éloges de
membres de la communauté internationale, y compris la mission de paix de l’ONU,
les contextes d’aujourd’hui révèlent que c’était une erreur stratégique
cruciale. Enfin, le Rwanda et le M23 ont déclaré que les opérations militaires
de l’armée congolaise contre les rebelles Hutus rwandais de FDLR ont échoué et
que le groupe reste une menace.
Toutefois, non
seulement le ministre rwandais de la Défense a récemment indiqué que les FDLR ne
pourraient jamais menacer le Rwanda, mais les rebelles sont [en effet]
actuellement à un nombre faible de tous les temps après que des milliers ont été
démobilisés par l’ONU. Ce qui démontre que la rébellion [actuelle] n’a rien à
avoir avec les rebelles Hutus, le M23 a même incorporé des groupes dissidents
des FDLR et des soldats des FDLR recyclés dans ses rangs.
Alors qu’ils étaient
encore dans l’armée [Congolaise], beaucoup d’officiers M23 ont toujours fait
leur priorité, la recherche de contrôle des mines et du bois plutôt que des
opérations de fond contre les rebelles Hutus. En outre, les opérations secrètes
de l’armée rwandaise en utilisant des milices Congolaises qui sont devenues plus
tard des mandataires du M23 ont éliminé physiquement des dizaines de commandants
clés des rebelles [Hutus].
Combiné avec les
opérations soutenues par l’ONU au Sud-Kivu, au début de 2011, les FDLR ont été
largement battus et mis en déroute.
Objectivement, la
menace sécuritaire la plus grande pour le Rwanda est représentée par des
opposants politiques Tutsis qui ont rompu avec le Président Kagame ces dernières
années.
Stratégie régionale
du Rwanda et l'Ouganda
Maintenant, si ce n’est
pas vraiment les revendications et demandes sur les accords du 23 mars 2009, ou
une véritable bonne gouvernance, le développement, les droits humains, les FDLR,
les réfugiés, etc., alors que veut réellement le Rwanda? Il me semble que ce
n’est pas un prétexte ou une justification inventés après un coup qui a provoqué
cette guerre, mais je soupçonne plutôt les objectifs stratégiques régionaux du
Rwanda comme vecteur de son implication.
Malgré la paranoïa extrême sur la
«balkanisation» qui a été si répandue depuis de nombreuses années parmi les
Congolais traumatisés par plusieurs invasions étrangères, une seule des
exigences des rebelles a un pouvoir explicatif et durable, et il s’agit du
fédéralisme.
L’implication du Rwanda et son orchestration de la rébellion du M23
devient plus compréhensible lorsqu’elle est comprise comme un vecteur déterminé
et calculé pour frayer la création d’un Etat fédéral autonome de l’est du
Congo.
Il y a eu des
spéculations quant à savoir si l’implication du Rwanda a été dictée par les
intérêts de sécurité ou ses intérêts économiques ou des liens ethniques /
culturelles, mais un État fédéral pour l’Est du Congo saurait incarner toutes
ces questions.
Toutes les négociations
[en cours] doivent éviter d’autres problèmes écrans et de se focaliser sur la
lutte contre celui-ci qui est extrêmement difficile. Avant les élections de
novembre 2011, l’un des officiers de renseignement les plus élevés au sein du
gouvernement rwandais a discuté avec moi plusieurs scénarios possibles pour la
sécession de l’Est du Congo.
Reflétant la pensée de
beaucoup de ses collègues, il a affirmé que parce que le Congo était trop grand
pour être gouverné par Kinshasa, le Rwanda devrait favoriser l’émergence d’un
Etat fédéral pour l’Est du Congo. Il a dit, «Goma doit se rapporter à Kinshasa
de la même manière que Juba était lié à Khartoum», avant l’indépendance du
Sud-Soudan. Lors de nos rencontres officielles avec le gouvernement rwandais à
Kigali en Juillet [2012], la délégation rwandaise a toujours affirmé que notre
rapport était simplement une distraction et ralentirait le processus devant
aboutir à la solution définitive aux problèmes infinis du
Congo.
Lorsqu’ils sont poussés
plus loin, plusieurs représentants ne cachent pas le fait que la seule solution
qu’ils avaient en tête était en effet: le fédéralisme. Sans surprise, le Rwanda
a ouvertement aidé et encouragé les sécessionnistes Congolais auto-déclarés tels
que Jules Mutebutsi, Akim Muhoza et Xavier Ciribanya afin de placer la barre si
haut pour positionner le fédéralisme finalement comme un compromis
acceptable.
Le jour où le M23 a
atteint Goma, les substituts des médias du gouvernement rwandais ont commencé à
exiger le «droit à l’autodétermination». Au cours de plusieurs réunions internes
pour la mobilisation pour le M23, des hauts fonctionnaires [Rwandais], y compris
le secrétaire particulier adjoint du ministre de la Défense a ouvertement
affirmé que l’établissement de cet état autonome était en fait l’objectif
principal de la rébellion.
Plusieurs commandants
M23 et leurs alliés l’ont également confirmé ouvertement au cours des interviews
que j’ai menées dans le cadre du Groupe d’experts. De nombreux journalistes ont
également confirmé que les commandants M23 de plus en plus mettent cet objectif
en tête de leur ordre du jour.
Un porte-parole [de la
rébellion] a déclaré récemment au New York Times,’’ Nous voulons plus de
décentralisation, nous voulons le fédéralisme,’’ et ‘’les intérêts des régions
orientales du Congo sont en Afrique de l’Est.» Même des hauts responsables de la
sécurité ougandais ont également reconnu que c’était là le but des Rwandais dans
cette guerre du M23.
Un officier
[ougandais], qui était lui-même impliqué dans le soutien du M23 en coopération
avec les Rwandais, nous a dit, «ils voient grand. . . Il vous suffit de voir le
Sud-Soudan [comme exemple].»
L’objectif du
fédéralisme contribue également à expliquer, en partie, l’implication des
individus au sein du gouvernement Ougandais. Si le Rwanda atteigne son objectif,
alors l’Ougandais devra veiller à ce que ses propres intérêts culturels,
sécuritaires et économiques à l’Est de la RDC ne soient pas compromis. La vision
fédéraliste profondément incrusté du Rwanda est né de la stratégie géopolitique
régionale adoptée par les dirigeants de Kigali.
Un État fédéral
autonome pour l’Est du Congo scellerait et garantirait l’influence déjà
considérable du Rwanda sur les aspects militaires, politiques, économiques et
culturels de la vie, semblables à ceux de la Syrie dans certaines parties du
Sud-Liban.
Le Gouvernement du
Rwanda, tout à son honneur, depuis les événements tragiques du génocide de 1994,
a fait preuve d’ambition inégalée et sa détermination à reconstruire son pays et
a réalisé des progrès remarquables dans le développement humain. Cependant,
cette même ambition et détermination des dirigeants rwandais les ont conduits, à
tort à adopter cette stratégie inhérente à long terme de déstabilisation
géopolitique basée sur [une politique] de saper la reconstruction et la
stabilisation de l’Est du Congo dans l’espoir que l’instabilité perpétuelle [de
l’Est] engendrerait des réformes radicales de gouvernance. Cet objectif explique
aussi pourquoi le Rwanda a toujours cherché à dépeindre tous les groupes armés
dans l’Est de la RDC comme un seul front uni contre Kinshasa.
Bien que la
construction de cette coalition est beaucoup plus difficile dans la pratique,
dans nos rencontres avec eux, le ministre rwandais de la Défense et le chef
d’Etat-major de l’armée ont à la fois justifié et défendu les intérêts de tous
les groupes armés dans l’Est de la RDC, y compris le Raia Mutomboki, un groupe
extrêmement brutal. En outre, les Rwandais ont entrepris tous les efforts
possibles pour dépeindre le Congo comme un «trou noir grand» en jouant sur les
représentations coloniales de Joseph Conrad, le coeur des ténèbres qualifiant
l’Etat Congolais de «fictif». Les diplomates rwandais ont sans cesse affirmé que
«le Congo a toujours été un gâchis, c’est une cause perdue «et insinué qu’un
changement structurel radical serait nécessaire pour le sauver.
Calendrier de la
rébellion rwandais du M23
La prochaine question
alors est: pourquoi maintenant? Début 2012 était en effet un moment propice pour
faire un effort définitif pour l’objectif stratégique du Rwanda pour plusieurs
raisons. Tout d’abord, presque tout le monde, y compris les Rwandais,
s’attendaient à ce qui allait être probablement la suite d’un Processus
électoral 2011 discrédité c.à.d. un chaos généralisé et de protestation, non
seulement à Kinshasa mais dans d’autres parties du Congo, présentant ainsi une
fenêtre à l’émergence d’une insurrection l’Est contre Kinshasa.
Comme Kabila avait mis
en place des liens étroits avec le Rwanda dans l’intérêt de la paix, il était
devenu nettement moins populaire dans l’Est du Congo qui avait été auparavant sa
base. Le défi pour le Rwanda serait de savoir comment canaliser cette animosité
loin de Kigali et l’orienter vers Kinshasa, en jouant sur des décennies de
leadership faible du gouvernement central vis-à-vis de l’Est du
Congo.
En plus de cela, il y
avait un sérieux rival politique sous la forme de Vital Kamerhe, le premier
véritable chef d’opposition ayant pour base la partie Est. Kabila était
maintenant face à deux fronts d’opposition, y compris l’ouest lingalophone qui
lui est déjà très hostile. Même dans le bastion isolé de Kabila, un soutien
populaire pré-électoral pour les mouvements sécessionnistes s’était accru dans
la province du Katanga riche en minéraux, au sud du Kivu.
D’autre part, la plus
grande stabilité dans l’Est du Congo, suite à un second mandat présidentiel,
pourrait accélérer le développement de capacités de l’État et des institutions
dans l’Est du Congo qui auraient progressivement diminué les chances d’une
poussée spectaculaire de réforme de la gouvernance radicale.
En outre, les Rwandais
se lassaient que les Congolais auraient adopté des mesures d’indépendance
économique dans l’Est du Congo, par exemple, la mise en place d’une fonderie de
minerais à Kisangani, qui infléchirait considérablement le commerce des minerais
du Kivu loin du Rwanda.
« La Fatigue du Congo
» au sein de la communauté des donateurs à payer une facture annuelle de la
MONUSCO aurait été aussi un terrain fertile pour proposer des solutions plus
radicales et définitives à l’Est du Congo.
Compte tenu de ce
sentiment, au milieu de la crise, un diplomate occidental m’a demandé
sincèrement, « l’est du Congo est-il, après tant d’années de violence, vraiment
une entité viable? Peut-être nous devrions commencer à envisager des
arrangements plus définitifs et durables pour cette partie ».
Ce sentiment de
désespoir et de frustration pour le Congo atteint des niveaux tels que même
récemment le New York Times a publié un éditorial plaidant pour laisser le pays
s’effondrer.
Quatrièmement, avant le
M23, il y avait de moins en moins de volonté à accepter les abus et l’impunité
de Bosco Ntaganda ainsi qu’une plus grande pression pour limiter les chaînes de
commandement parallèle de l’ex-CNDP.
Si Ntaganda avait été
arrêté comme le demandaient les organisations des droits de l’homme, cela aurait
considérablement réduit l’influence et la puissance militaire rwandaise à l’Est
de la RDC.
En outre, au bout de
quinze ans, la réceptivité pour les cycles sans fin d’intégration des anciens
rebelles au sein de l’armée devenait moins importante, ce qui rendait plus
indispensable la réalisation de l’objectif plus tôt qu’ultérieurement. En outre,
de nombreux anciens officiers du CNDP auraient violemment résisté à tous les
efforts du gouvernement congolais pour les redéployer en dehors des Kivus et
mettre fin à leurs larges réseaux mafieux et de racket.
Cela a inévitablement
concilié les divisions latentes entre les commandants Tutsis qui forment un
front commun prêts à travailler avec le Rwanda afin de protéger leurs propres
intérêts commerciaux, malgré les ouvertures antérieures de certains de ces
officiers pour soutenir les dissidents rwandais comme le général Kayumba
Nyamwasa. Enfin, le rôle du Rwanda dans le processus d’intégration des ex-CNDP
leur a fourni une occasion en or pour se positionner comme artisans de la paix
dans une telle crise par laquelle ils pourraient faire pression pour l’adoption
d’une solution préconçue, telle que le fédéralisme.
Dès le début de cette
crise, le Rwanda a demandé à grands cris des « négociations politiques sur la
gouvernance », je soupçonne que ce soit pour ces mêmes raisons.
Conséquences pour les
négociations [en cours]
Alors, qu’est-ce que
cela signifie pour les négociations en cours?
Si les aspirations
géopolitiques du Rwanda sont si ambitieuses, que pouvons-nous attendre de
négociations, en particulier lorsque le Rwanda a fait preuve ces dernières
semaines qu’il a la haute main sur le champ de bataille? Sans aborder le
fédéralisme, tous les autres problèmes pourraient être résolus, mais la
probabilité que la guerre va s’apaiser semble être très faible, si tel est bien
l’objectif principal du Rwanda.
De nombreux
observateurs répètent les appels pour s’attaquer aux causes profondes des cycles
de violence dans l’Est du pays et pourtant, il est peu fait mention des
objectifs stratégiques du Rwanda pour la RDC, en soi, comme constituant l’une
des causes essentielles.
Pour sa part, Mr.
Kabila se sent très confiant quant à la négociation sur l’accord du 23 Mars,
mais les discussions vont inévitablement vaciller à moins que la question clé du
fédéralisme soit mise au centre de l’ordre du jour des négociations. Le Rwanda a
fait valoir que ses intérêts nationaux sont mieux servis par la stabilité
régionale et le commerce transfrontalier avec l’Est de la RDC. Certes, ceci est
le cas dans le long terme, mais si [seulement il atteint un état fédéral
autonome dans l’Est du Congo, à court terme, malgré l’instabilité massive, à
partir d’un point de vue stratégique, ce qui va plus que compenser la perte
d’une certaine assistance des donateurs et la corde de sécurité que vivent les
FDLR actuellement.
Cette conclusion
soulève plusieurs questions.
1. Est-ce que le
fédéralisme est vraiment négociable à Kampala, ou jamais?
2. Est-ce que les
Etats-Unis et d’autres Etats de la Communauté internationale vont appuyer une
solution fédérale pour l’Est du Congo tout en sachant parfaitement que ce
n’était probablement que l’objectif principal du Rwanda en premier lieu. Le
Rwanda va-t-il être récompensé pour sa persistance?
3. Comment la
naissance d’un Etat fédéral motivée de l’étranger fleurant juste une sécession,
va être considérée comme légitime au niveau international?
4. Des négociations
objectives peuvent-elles avoir lieu sur cette question lors des pourparlers en
cours sont encadrés par le Rwanda et l’Ouganda?
5. Les exemples du
Sud-Soudan et du Nord-Mali peuvent-ils impacter sur les discussions en
cours?
Les diplomates
affirment souvent que le Rwanda peut et doit faire partie d’une solution. Les
Rwandais aussi se plaignent sans cesse d’être pointés du doigt et défendent
qu’ils font partie de la solution à la crise actuelle et non du problème. Mais
quelle solution? devrait cependant être la question. La «solution» à cette crise
semble avoir été identifiée depuis que les premiers coups [des balles] ont été
tirés. Les Rwandais savaient ce qu’ils allaient proposer comme solution et ont
donc ont eu besoin d’orchestrer une crise qui serait assez couteuse pour
justifier une telle solution.
Lorsque l’Etat
Congolais et ses forces de sécurité avaient réellement une haute main et ont
défait la première mutinerie des ex-CNDP, les Rwandais ont dû intervenir
ouvertement et conduire le plus directement la crise, défiant la pression
internationale lorsque leur implication est devenue très évidente.
Reculant de la
dynamique actuelle, le fédéralisme en soi n’est ni une bonne ou mauvaise
proposition, mais lorsqu’il est entraîné par un Etat voisin qui en bénéficierait
énormément, le fédéralisme peut être problématique pour dire le
moins.
Le fédéralisme doit
être le fruit d’un débat politique démocratique en RDC et exclusivement parmi
les Congolais et non par des négociations politiques orchestrée et animée par le
Rwanda et certains de ses alliés au sein du gouvernement ougandais. La
communauté internationale semble prête à oublier l’implication du Rwanda et les
dossiers d’horribles violations de droits humains de certains commandants M23,
afin de contribuer à l’avènement d’une solution hâtive pour «éteindre
l’incendie» et faire cesser immédiatement l’immense coût humanitaire de cette
guerre. D’autant plus maintenant que le Rwanda a montré qu’il va toujours
déployer ses troupes au-delà de sa frontière afin de s’assurer que le M23
prévaudra toujours sur le champ de bataille.
Militairement, l’armée
congolaise s’est avérée plus que capable de vaincre la mutinerie initiale, mais
depuis que le Rwanda a créé le M23 et n’a cessé de déployer son armée aux côtés
des restes des mutins, une solution militaire n’est susceptible de l’emporter.
Par ailleurs, la MONUSCO a montré qu’elle n’est pas disposée à déployer des
troupes pour
combattre les armées
étrangères. Maintenant que le M23 s’est récemment repositionné juste au nord de
Goma afin d’exercer une influence sur les négociations, il est peu probable que
le Rwanda acceptera une de solution «demi-mesure pour sauver sa face» comme en
2009. Le Rwanda est déterminé à gagner [cette guerre].
Les Rwandais savent que
c’est peut-être leur dernière chance. En tant que tel, le Rwanda est susceptible
de continuer la guerre jusqu’à ce qu’il ait obtenu ce qu’il cherchait à
atteindre. Les coûts sont déjà trop élevés pour que le Rwanda se contente de
moins que rien maintenant.
CONCLUSION: A ce stade actuel, la
question clé devrait être, quelle solution le Rwanda jugerait à même de remplir
suffisamment son objectif stratégique qui pourrait laisser la fenêtre ouverte
pour inverser progressivement sa progression vers ces objectifs à travers le
renforcement de l’indépendance de l’Etat Congolais dans sa partie
Est.
Plus d’intégration
économique régionale pourrait-elle satisfaire le Rwanda à court
terme?
L’intégration régionale
est objectivement très positive, mais elle doit être fondée sur un pied
d’égalité avec les États [voisins] et le respect mutuel. L’histoire récente
prouve que permettre une intégration économique sans d’abord l’édification de
l’Etat Congolais, dont les fonctionnaires sont les premiers responsables, le
Rwanda ne s’empêchera pas de poursuivre son objectif
stratégique.
Le «détente» de 2009
entre la RDC et le Rwanda a été saluée au niveau international, car il a
ouvertement reconnu et accepté la réalité de l’influence rwandaise au
Kivu.
La logique était que si
le Rwanda était permis d’établir des projets économiques transfrontaliers
au-dessus de la table, alors il n’y aurait plus besoin d’aller sous la table.
Cependant, les stratèges rwandais ont probablement vu ces initiatives comme des
tremplins vers la réalisation de leurs objectifs ultimes et non comme une fin en
soi. Par conséquent, si le fédéralisme est en effet le principal problème en
jeu, alors il existe un besoin évident d’un processus qui examine la
décentralisation comme une alternative. La décentralisation est prévue dans le
cadre de la Constitution Congolaise, y compris l’expansion du nombre total des
provinces.
Potentiellement, un
accord négocié qui va accélérer le processus de décentralisation et le faire
apparaître comme si elle aboutirait à un véritable fédéralisme pourrait
constituer un compromis raisonnable. C’est dont il s’agit si nous sommes prêts à
accepter qu’il n’y a pas de véritable option militaire qui puisse dissuader
définitivement la détermination du Rwanda à atteindre ses
objectifs.
Cependant, un processus
par lequel l’Etat congolais n’est pas affermi d’abord et ensuite déconcentré
dans les différentes provinces, des institutions autonomes pourraient donner des
résultats désastreux.
En tant que tel, le
principal défi, dans un tel compromis serait l’accompagnement des bailleurs de
fonds d’un tel processus de décentralisation afin d’isoler d’abord la faiblesse
des institutions locales de toute influence externe ou cooptation.
De plus, tout processus
de décentralisation en RDC doit également donner la priorité au renforcement de
la présence du gouvernement central dans tout le pays. La grande majorité des
Congolais dans l’Est s’identifient fortement au Congo comme une nation. Beaucoup
ne veulent pas que leur propre gouvernance soit externalisée vers les pays
voisins. Ils veulent que Kinshasa gouverne l’Est du Congo proactivement,
équitablement, efficacement, et de manière équilibrée et respectueuse.
Un autre
aspect clé de la dissuasion contre la cooptation rwandaise d’un processus de
décentralisation congolaise, cherchant à le transformer en fédéralisme, serait
d’appuyer activement des projets d’infrastructure et industriels à grande
échelle qui permettraient d’améliorer, dans le court terme, l’indépendance
économique de la RDC vis-à-vis de ses voisins.
Un exemple de ce type
de projets serait le remodelage de l’aéroport de Goma aux normes
internationales, permettant la libre circulation des biens et des personnes
issues de l’Est du Congo directement à des pôles commerciaux mondiaux. Avec le
temps, le Rwanda pourrait faire face à un point de basculement où ses
incitations économiques commenceraient à privilégier le traitement de la RDC sur
un pied d’égalité comme c’est le cas avec d’autres pays voisins comme le Kenya
ou la Tanzanie.
Bien que cela ne
résoudra pas les questions culturelles et sécuritaires du Rwanda dans l’Est de
la RDC, aborder la sphère économique aura un impact important dans le remodelage
de la stratégie géopolitique du Rwanda dans la région des Grands
Lacs.
En bref, le meilleur
scénario pour la sombre situation actuelle est que la RDC se saisisse des
négociations en cours pour aborder de front le désir du Rwanda pour un Etat
fédéral dans l’est du Congo en convainquant Kigali qu’il peut atteindre cet
objectif à travers les lois préexistantes dans la constitution congolaise sur la
décentralisation. Ensuite, la communauté internationale doit soutenir
vigoureusement les institutions centrales et provinciales de la RDC et
l’infrastructure économique afin de diminuer lentement le contrôle et ingérence
externes.
Les élections locales,
qui avaient été programmées pour cette année, pourraient fournir le cadre pour
de telles discussions.
Je vous remercie de
l’occasion pour avoir partagé [avec moi] les conclusions du Groupe des Experts
et mes points de vue sur le rôle du Rwanda dans la crise [dans l’Est de la RD
Congo
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