(L'Avenir Quotidien
27/12/2012)
*Trouver solution à la crise qui déchire actuellement la Rd
Congo exige un leadership fort de la part de l’Union africaine, du Secrétaire
général des Nations Unies et du président Barack Obama, qui a un passif de
lucidité vis-à-vis du Congo remontant à l’époque où il siégeait au
Sénat.
*Un émissaire chevronné et respecté devrait être nommé par l’ONU
pour travailler avec un homologue de l’Union africaine à l’élaboration et à la
direction d’un processus de paix transparent et global.
*Il faut
également impliquer des gouvernements régionaux cruciaux comme l’Angola et
l’Afrique du Sud pour peser dans la balance et trouver une solution. Un
émissaire spécial doit être nommé par les Etats-Unis pour soutenir la médiation
et identifier les opportunités de la communauté internationale d’exercer son
influence, notamment par des sanctions des Nations Unies et le fait d’exiger des
criminels de guerre qu’ils répondent de leurs actes.
C’est le vendredi 04
janvier prochain que l’évaluation devra reprendre à Kampala entre le
gouvernement de la Rd Congo et la rébellion du Mouvement du 23 mars 2009.
Mais
au sein de la communauté internationale, on pense que cette évaluation n’a pas
de chance d’aboutir ou très peu, d’autant plus que les organisateurs n’ont pas
compris par avance la nécessité d’intégrer l’ONU, l’UA et les Etats-Unis
d’Amérique. C’est ce que Foreign Policy, un magazine américain tente de
reprendre dans ce qu’il écrit : « ce qu’il faut faire pour résoudre la crise
dans l’Est du Congo... La République démocratique du Congo illustre parfaitement
ce qu’il ne faut pas faire pour résoudre un conflit. Il est temps que cela
change ».
Pour Foreign Policy, la vérité est que le retrait de Goma par
les rebelles du M23 n’est que le dernier chapitre en date d’une longue histoire
impliquant des alliances politiques maffieuses et militaires, contrôlées par des
dirigeants dans les capitales du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda, qui tous
justifient leurs actions en arguant l’inquiétudes autour de la sécurité
nationale pour masquer des intérêts économiques et politiques.
Parfois,
ces élites rivales se battent entre elles, parfois elles coopèrent pour obtenir
le contrôle de ressources lucratives comme des terres, du bétail, des minéraux
et du bois. Il ne faut pas laisser s’échapper l’occasion que représente le
retrait des rebelles en laissant la résolution du conflit exclusivement entre
les mains de ces trois gouvernements, tout en faisant fi des causes profondes et
de vrais représentants des communautés locales les plus affectées par le conflit
sanglant qui fait rage dans l’Est du Congo.
Le temps d’un vrai effort de
la communauté internationale en faveur de la paix est enfin venu, qui aurait
vraiment une chance de mettre un terme au conflit le plus meurtrier que le monde
ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Les plus grosses huiles se sont à
nouveau réunies pour redécouper le gâteau —cette fois dans la capitale
ougandaise de Kampala. De l’avis général, les tentatives de construction d’un
processus de paix crédible pour le Congo sont manifestement en ruine et n’ont
fait que condamner le pays à de nouveaux cycles d’un conflit
dévastateur.
« Chaque fois que des rebelles congolais aux acronymes
changeants, soutenus par le Rwanda, ont pris ou menacé Goma ces dix dernières
années, de hâtives négociations dans l’ombre ont produit des accords
profondément défaillants qui ont réduit la pression militaire sur le
gouvernement et permis aux rebelles soutenus par les Rwandais d’administrer des
zones stratégiques à l’Est et de superviser les taxes et le pillage de
ressources », indique le Magazine.
Lorsque l’on regarde au-delà des
résolutions occasionnelles du Conseil de sécurité des Nations Unies appelant à
mettre un terme à la violence, la réponse diplomatique internationale paraît
honteusement inefficace —voire viole presque le serment d’Hippocrate ordonnant
de « ne pas nuire ». Le cas du Congo suffirait à remplir tout un semestre de
cours pour illustrer ce qu’il ne faut pas faire dans la gestion d’un processus
de paix ? Chacune des 101 règles à respecter dans toute résolution de conflit a
été violée ou négligée.
Les plaies qui menacent de
gangrener
Premièrement, la dernière initiative de paix opaque en date a
été largement laissée aux bons soins des deux acteurs qui ont le plus tiré
profit de cette situation : les dirigeants du Rwanda et de l’Ouganda. Comme lors
de processus précédents, les intérêts des rebelles soutenus par le Rwanda et
l’Ouganda seront majoritairement représentés par Kigali et
Kampala.
Deuxièmement, ces accords de l’ombre ont débouché dans le passé
sur des arrangements sécuritaires à court terme, qui ne s’attaquent à aucune des
causes économiques et politiques profondes du pays —schéma qui se répète dans
l’initiative actuelle. On a vu, lors d’accords précédents, une totale impunité
accordée à des criminels de guerre, des projets mal conçus pour intégrer des
rebelles ayant violé les droits humains dans l’armée congolaise, et des accords
secrets esquissant les contours d’arrangements de partage de pouvoir. Alors que
les revendications actuelles semblent débuter sur la même lancée, il y a encore
péril en la demeure. A la partie gouvernementale de ne pas oser aller dans ce
sens au risque de consacrer la balkanisation tant revendiquée contre la
République.
Troisièmement, divers membres concernés de la société civile,
les partis politiques et même d’autres groupes armés comme les milices
d’autodéfense locales n’ont presqu’aucun rôle dans les négociations, ce qui
réduit au silence, de manière très efficace, les voix militantes congolaises de
base.
Quatrièmement, il n’existe pas de médiateur expérimenté, ni de
l’Union africaine ni des Nations Unies, qui ait l’autorité et le soutien
international nécessaires pour introduire un programme qui irait au-delà des
accords à court terme décidés par ceux qui sont en position de force
militairement. Les Etats-Unis ont soutenu l’effort de paix actuel —en mettant un
accent tout particulier sur la participation du Rwanda dans les négociations—
mais sans s’attaquer à la structure fondamentalement défaillante du processus
lui-même.
Cinquièmement, aucune équipe d’experts comparable à celles qui
ont soutenu des accords de paix antérieurs en Afrique, du Soudan au Mozambique
en passant par le Burundi, n’a été mise en place pour apporter son aide à des
négociations sur le long terme sur des sujets difficiles et s’inspirer des
meilleures pratiques d’autres initiatives de résolution de conflit dans le reste
du monde.
Sixièmement, il n’existe aucune collaboration internationale
coordonnée —que ce soit sous la forme de sanctions supplémentaires, de
suspension des aides ou d’enquêtes sur les crimes de guerre— pour obliger des
parties intransigeantes à envisager des compromis et nulle approche efficace
visant à réellement faire rendre des comptes à ceux qui commettent, orchestrent
ou financent des crimes contre l’humanité. La Cour pénale internationale a
délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de quelques chefs de milice congolais,
mais rien n’a encore été organisé pour exécuter les mandats de ceux qui sont
encore en liberté, notamment du chef du M23, Bosco Ntaganda, « le Terminator »,
bien identifié sous couvert de Paul Kagame.
Septièmement, ni les Nations
Unies ni les Etats-Unis n’ont envoyé d’émissaire spécial pour participer aux
négociations de Kampala, ce qui ne fait qu’ajouter au vide du leadership
diplomatique et saper toute perspective de paix.
Un leadership fort et
volontariste
On ne peut trouver aucune excuse à cette pitoyable
situation. Et la rectifier ne nécessite pas d’énormes sommes d’argent ou des
démarches susceptibles de provoquer de violentes divisions au sein du Conseil de
sécurité de l’ONU. Elle nécessite un leadership —de la part de l’Union
africaine, du Secrétaire général des Nations Unies et du président Barack Obama
personnellement, qui a un passif de lucidité vis-à-vis du Congo remontant à
l’époque où il siégeait au Sénat, lorsqu’il soutint une loi qui —si elle avait
été mise en place— aurait depuis longtemps coupé les aides aux pays voisins pour
les sanctionner de déstabiliser le Congo et de soutenir des intermédiaires
pillant les ressources congolaises. Est – il encore de même avis actuellement
qu’il préside pour un second mandat aux destinées du pays réputé le plus
puissant du monde ?
Les réponses à ces déraillements diplomatiques se
trouvent dans les processus de paix réussis qui ont mis un terme à d’autres
guerres africaines. Tout d’abord, un émissaire chevronné et respecté devrait
être nommé par l’ONU pour travailler avec un homologue de l’Union africaine à
l’élaboration et à la direction d’un processus de paix transparent et global.
Outre les gouvernements congolais, rwandais et ougandais, cette initiative devra
inclure des représentants armés et non armés de tout l’Est du Congo —en
particulier des représentants de la société civile et des partis politiques—
afin d’assurer que tout accord ait l’aval d’une grande partie des personnes
concernées.
C’est ici qu’il convient de faire observer qu’à l’évaluation
de la Kampala, les partis politiques sont représentés, de même que la société
civile. Il faut également impliquer des gouvernements régionaux cruciaux comme
l’Angola et l’Afrique du Sud pour peser dans la balance et trouver une solution.
Un émissaire spécial doit être nommé par les Etats-Unis pour soutenir la
médiation et identifier les opportunités de la communauté internationale
d’exercer son influence, notamment par des sanctions des Nations Unies et le
fait d’exiger des criminels de guerre qu’ils répondent de leurs
actes.
Pour la toute première fois dans un processus de paix congolais,
les parties prenantes doivent s’attaquer à la racine du mal et adopter des
approches innovantes —inspirées des meilleures pratiques de précédents efforts
de médiation couronnés de succès— afin de motiver le développement paisible et
légal du secteur des ressources naturelles du Congo.
Et une fois un
accord global atteint, il importera d’ajouter des forces spéciales aux forces de
maintien de paix de l’ONU déjà en place, afin de contrer la milice des FDLR
(Forces démocratiques de libération du Rwanda) et autres groupes armés
susceptibles de saper les démarches de paix. Un processus international crédible
dans l’est du Congo n’est pas une garantie de paix. Son absence, en revanche,
garantit que la guerre se poursuivra.
L’Avenir
© Copyright L'Avenir
Quotidien
Visiter le site de: L'Avenir Quotidien
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire