Difficile d’expliquer l'impuissance de la Monusco, 17.000 soldats, la plus grande opération des Nations unies dans le monde, face à l’avancée des rebelles du M23.
Des blindés de la Monusco côtoyent des rebelles du M23 à Goma, le 20 novembre 2012. REUTERS/James Akena
Mise à jour du 27 novembre 2012: Les rebelles congolais du M23, qui combattent l'armée de République démocratique du Congo (RDC) dans la riche province minière du Nord-Kivu (est), ont accepté de se retirer de la capitale de la province Goma, a affirmé le 27 novembre l'un de leurs responsables, sans préciser à quelle date.
Interrogé par l'AFP sur un accord conclu dans la capitale ougandaise Kampala entre la rébellion et la médiation des pays des Grands Lacs menée par l'Ouganda, sur un retrait de Goma, le colonnel Antoine Manzi a répondu : "C'est vrai"
Alors que les rebelles disent s’être lancés vers Kinshasa et menacent de prendre Bukavu, plusieurs villes congolaises se soulèvent. Non pas contre Bosco Ntaganda, le chef du M23, un général tutsi de l’armée régulière congolaise qui n’a pas d’autre projet politique que d’échapper à un mandat d’arrêt lancé contre lui en août 2006 par la Cour pénale internationale (CPI).
Les Congolais de Bunia, Bukavu et Kisangani qui jettent des pierres sur les convois et les locaux de l’ONU, mais aussi ceux du parti au pouvoir à Kinshasa, sont scandalisés par la faiblesse des Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), une armée régulière soutenue logistiquement par les Nations unies, toutes deux accusées de n’avoir pas défendu Goma.
Sur le terrain, la Monusco, déployée en 2002, paraît plus enlisée que jamais dans le bourbier congolais. Depuis dix ans, elle veille au respect de l’accord de paix signé en 2002 à Sun City (Afrique du Sud) entre les belligérants de la deuxième guerre du Congo. Son mandat donne la priorité à la protection des populations civiles, au respect de l’embargo sur les armes, et lui demande de soutenir la très hypothétique réforme de la police et de la justice congolaises. La Monusco, dont le retrait est ardemment souhaité par le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, un chef des armées qui aimerait avoir les coudées franches, voit son mandat malgré tout prolongé d’année en année.
Ses forces militaires, auxquelles participent essentiellement l’Inde (4.300 hommes), le Pakistan (3.500), le Bangladesh (1.300), l’Uruguay (1.300) l’Afrique du Sud (1.000), le Népal (1.000), le Maroc (800) et le Bénin (750), absorbent un budget colossal de 1,4 milliard de dollars (prévu entre juin 2012 et juin 2013). Un montant difficile à expliquer, au regard des résultats obtenus ces jours-ci sur le terrain. D’autant plus qu’au Nord-Kivu, où la situation exige une intervention rapide et massive, pas plus de 1.700 Casques bleus, 10% des effectifs, sont effectivement déployés. Une dispersion des contingents justifiée par la multiplication des milices opérant dans l’Est du Congo.
Aujourd’hui, la Monusco doit se défendre d’accusations de complicité avec les rebelles du M23. Elle dispose, pour ce faire, d’un puissant relais de communication en RDC, par le biais de Radio Okapi. Cette radio, la plus écoutée dans le pays, a été lancée en 2002 par la Monusco et l’ONG Suisse Fondation Hirondelle. Elle permet aujourd’hui à la Monusco de réagir heure par heure aux reproches dont elle est la cible: elle réfute ainsi être «la seule responsable de la chute de Goma».
Explications de son porte-parole civil, Madnodje Mounoubai :
Réponse de Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des Nations unies aux Opérations de maintien de la paix:
Sabine Cessou
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Interrogé par l'AFP sur un accord conclu dans la capitale ougandaise Kampala entre la rébellion et la médiation des pays des Grands Lacs menée par l'Ouganda, sur un retrait de Goma, le colonnel Antoine Manzi a répondu : "C'est vrai"
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Une bande de 800 à 2.000 mutins de l’armée congolaise, les rebelles du M23, progresse rapidement dans l’Est du Congo. Goma, une ville de 1 million d’habitants, est tombée le 20 novembre. La ville de Sake a suivi le 21 novembre, et Bukavu pourrait suivre. En face, une armée congolaise qui part en débandade et une force de maintien de la paix des Nations unies totalement impuissante…Alors que les rebelles disent s’être lancés vers Kinshasa et menacent de prendre Bukavu, plusieurs villes congolaises se soulèvent. Non pas contre Bosco Ntaganda, le chef du M23, un général tutsi de l’armée régulière congolaise qui n’a pas d’autre projet politique que d’échapper à un mandat d’arrêt lancé contre lui en août 2006 par la Cour pénale internationale (CPI).
Les Congolais de Bunia, Bukavu et Kisangani qui jettent des pierres sur les convois et les locaux de l’ONU, mais aussi ceux du parti au pouvoir à Kinshasa, sont scandalisés par la faiblesse des Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), une armée régulière soutenue logistiquement par les Nations unies, toutes deux accusées de n’avoir pas défendu Goma.
Comment arrêter une rébellion
A Paris et Bruxelles, même consternation. Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, estime «absurde, pour employer un mot poli», que les 17.000 soldats, 1.400 policiers et 720 observateurs militaires de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) n’aient rien pu faire contre l’avancée des rebelles.«Comment se fait-il que la plus grande opération des Nations unies dans le monde n’arrive pas à arrêter une rébellion?», s’est pour sa part interrogé son homologue belge, Didier Reynders.Alors, que fait l’ONU? A New York, un rapport sensible qui fait l’objet de fuites et d’intenses pressions politiques depuis plusieurs semaines, a été finalement publié mercredi 21 novembre sur la situation dans l’Est du Congo. Ce rapport d’expertsaccuse l’Ouganda de Yoweri Museveni et le Rwanda de Paul Kagamé de soutenir le M23. Les deux pays démentent, mais la pression diplomatique augmente…
Sur le terrain, la Monusco, déployée en 2002, paraît plus enlisée que jamais dans le bourbier congolais. Depuis dix ans, elle veille au respect de l’accord de paix signé en 2002 à Sun City (Afrique du Sud) entre les belligérants de la deuxième guerre du Congo. Son mandat donne la priorité à la protection des populations civiles, au respect de l’embargo sur les armes, et lui demande de soutenir la très hypothétique réforme de la police et de la justice congolaises. La Monusco, dont le retrait est ardemment souhaité par le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, un chef des armées qui aimerait avoir les coudées franches, voit son mandat malgré tout prolongé d’année en année.
Ses forces militaires, auxquelles participent essentiellement l’Inde (4.300 hommes), le Pakistan (3.500), le Bangladesh (1.300), l’Uruguay (1.300) l’Afrique du Sud (1.000), le Népal (1.000), le Maroc (800) et le Bénin (750), absorbent un budget colossal de 1,4 milliard de dollars (prévu entre juin 2012 et juin 2013). Un montant difficile à expliquer, au regard des résultats obtenus ces jours-ci sur le terrain. D’autant plus qu’au Nord-Kivu, où la situation exige une intervention rapide et massive, pas plus de 1.700 Casques bleus, 10% des effectifs, sont effectivement déployés. Une dispersion des contingents justifiée par la multiplication des milices opérant dans l’Est du Congo.
Les Casques bleus mis en accusation
Les Casques bleus ont déjà été accusés, par le passé, de n’avoir rien vu venir ni su intervenir, alors qu’ils étaient à quelques kilomètres de villages soumis à des exactions. Au moins 242 viols se sont notamment produits du 30 juillet au 3 août 2010 dans le Nord-Kivu, dans la localité de Livungi, distante de 30 km d’une base de la Monusco. La force onusienne avait expliqué à l’époque n’avoir reçu les premières informations sur ces exactions, commises par des rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), que dix jours après les faits…Aujourd’hui, la Monusco doit se défendre d’accusations de complicité avec les rebelles du M23. Elle dispose, pour ce faire, d’un puissant relais de communication en RDC, par le biais de Radio Okapi. Cette radio, la plus écoutée dans le pays, a été lancée en 2002 par la Monusco et l’ONG Suisse Fondation Hirondelle. Elle permet aujourd’hui à la Monusco de réagir heure par heure aux reproches dont elle est la cible: elle réfute ainsi être «la seule responsable de la chute de Goma».
Explications de son porte-parole civil, Madnodje Mounoubai :
«Cette armée (les FARDC, ndlr) est chargée de défendre ce pays et c’est sa première mission. Défendre l’intégrité territoriale de ce pays. Ce n’est pas le travail de la Monusco. Si ce bouclier national ne fonctionne pas, posez la question à ceux qui doivent répondre. Ne venez pas vers le bouc émissaire nous flageller parce que ce n’est pas à nous de vous donner la réponse. Les FARDC sont nos partenaires. Nous sommes ici pour travailler avec eux. Et nous acceptons notre part de responsabilité. Mais ne dites pas que nous sommes les seuls responsables».
Le mandat contradictoire de la Monusco
Voilà des années que la Monusco est empêtrée dans un mandat contradictoire de maintien de la paix et de soutien logistique à une armée congolaise qui passe parfois pour un conglomérat de milices, sous contrôle aléatoire de son l’état-major. Le mandat de la Monusco se limite-t-il au strict soutien de l’armée régulière? Que faire en cas de défaillance de cette dernière?Réponse de Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des Nations unies aux Opérations de maintien de la paix:
«Le mandat de la Monusco (…) consiste d’abord à appuyer les FARDC dans la lutte contre les groupes rebelles, les groupes armés, les forces négatives. Je dis bien appuyer. Je ne dis pas se substituer. Appuyer c'est ce que nous avons fait tout au fil des mois. C'est ce que nous avons encore fait la semaine dernière quant le M23 a lancé son offensive. Seulement depuis et pour une série de raisons, les FARDC ont disparu de la scène. Alors à partir du moment où nous sommes seuls en présence du M23, il est évident que le mandat n'est pas de casser du M23 en direct.»Une évidence aujourd’hui remise en question. La France et la Belgique plaident pour la révision du mandat de la Monusco — pour qu’elle intervienne enfin, avant qu’il ne soit trop tard.
Sabine Cessou
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