Les témoignages recueillis à Nkamira méritent d’être décryptés. Ils permettent de comprendre pourquoi des militaires tutsis intégrés à l’armée gouvernementale congolaise avaient refusé de quitter le Nord Kivu et d’être mutés ailleurs dans le pays : ces soldats affirmaient vouloir protéger les populations, tutsies elles aussi, qui, après leur départ, auraient pu être visées par des attaques à connotation ethnique, menée par divers groupes armés congolais et des réfugiés hutus rwandais « génocidaires ».Les récits recueillis à Nkamira tendent aussi à démontrer que, depuis que les mutins du M23 ont été chassés de leur fief du Masisi par l’armée congolaise et se sont repliés à Bunagana, sur la frontière du Rwanda et de l’Ouganda, ces vertes collines ont été attaquées par d’autres groupes : entre autres, des Hutus et des Mai Mai congolais, qui s’en sont pris aux troupeaux des éleveurs. Malgré les dénégations officielles, il est certain que le Masisi est considéré au Rwanda comme une sorte d’« hinterland » naturel : c’est là que de grandes familles et des officiers de haut rang, à l’étroit dans le petit Rwanda où les vaches doivent rester à l’étable par manque de place, font paître des dizaines de milliers de têtes de bétail, gardés par des bouviers armés…
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Des bouviers armés dans les fermes à Masisi
À Nkamira, le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) fait toutefois preuve de prudence : sur 600 réfugiés interrogés avec soin, il est apparu qu’un tiers des témoignages présentés a été jugé non crédible ! Si les femmes assurent que leurs maris ont été tués, certaines d’entre elles, au détour d’une conversation, se trahissent, se demandant quand elles retrouveront leur époux, ce dernier ayant vraisemblablement été recruté dans les rangs des mutins ! Un homme nous a d’ailleurs soufflés que, s’il avait fui, c’était pour éviter d’être recruté de force. S’il est clair que les Tutsis vivant au Nord Kivu se sentent en insécurité, Kigali les encourage aussi à en faire la démonstration afin de justifier, implicitement, son souhait de voir des troupes « amies » se maintenir dans cette zone frontalière, qui forme un glacis à la fois sécuritaire, stratégique et économique.
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