L’immigration n’est pas un problème, bien au contraire la France lui est redevable de beaucoup. Elle constitue une richesse.
Affiche de l'Office Français de l'Immigration et de
l'Intégration dans un bureau des visas à Paris REUTERS/Charles Platiau
La partition est bien connue, et aucune élection nationale n’y échappe depuis
plusieurs décennies. Après un quinquennat marqué par une instrumentalisation outrancière de l’immigration, le candidat-président Nicolas
Sarkozy en fait à nouveau son cheval de Troie. Ses dernières déclarations à ce sujet nuisent
très gravement à notre pays et constituent un déni de réalité: l’immigration
régénère la République et elle est une chance pour la France. En 1987, il y a 25
ans déjà, un colloque avait été organisé à la Sorbonne sur le thème de la France
qui s’enrichit des apports multiples dus à l’immigration. Intitulé «La France et
le pluralisme des cultures», il apparaît aujourd’hui comme un lointain souvenir.
Il s'agit plutôt, au niveau de la communauté nationale qui incarne la république, de considérer l'immigration, non pas comme un problème extérieur, mais comme une question interne à l'Histoire de notre pays. Dans ces conditions, affirmer que l'immigration régénère la République, c'est expliquer ce que la France d'aujourd'hui doit à l'immigration. Ce qui, pour Gérard Noiriel, revient aussi à «donner à des millions d'habitants de ce pays, la possibilité de situer leur histoire personnelle, dans la grande histoire de la Nation française, afin qu'elle y ait une place légitime.»
Dans sa célèbre «Réflexion sur la question juive», Jean-Paul Sartre affirmait que «l’immigré est d’abord un homme que les autres tiennent pour immigré.» Mais qu’est-ce donc qu’un immigré? Dans le langage courant et pour nombre de nos concitoyens, les confusions sont fréquentes entre émigré et immigrés.
Or, si les premiers, comme les travailleurs étrangers, quittent leur pays pour être employés temporairement hors de chez eux, les seconds en revanche nourrissent, même de manière implicite, le projet de s’installer durablement dans le pays d’accueil.
C’est ce qui différencie le travailleur saisonnier, du jeune africain qui est prêt à perdre sa vie pour rejoindre l’Europe en passant par l’Afrique du Nord ou les Iles Canaries. Au milieu des années 1970, feu le sociologue Abdelmalek Sayad affirmait justement que dans les sociétés industrialisées, «c’est le travail qui fait naître l’immigré, qui le fait être ; c’est lui aussi, quand il vient à cesser, qui fait «mourir» l’immigré, prononce sa négation ou le refoulement dans le non-être.»
Cette situation va s’aggraver avec la crise qui suivit la Révolution française et les difficultés de l’Empire. Afin de dynamiser l’industrie française et donner de la souplesse à l’économie, les autorités favorisèrent l’immigration dès le début du 19e siècle. Ils étaient ouvriers agricoles, manœuvres dans les chantiers de construction, ouvriers d’usine employés dans les postes les plus mécanisés et les plus insalubres.
A cet égard, on peut citer les Sardes qui étaient employés dans les savonneries de Marseille. Rajoutons également que, à cette époque, l’agriculture tenait une place très importante en France, et la petite paysannerie était encore prépondérante.
C’était l’ «industrialisation à la française», caractérisée par un enracinement des ouvriers de métier en zone rurale, dans des secteurs comme les mines et la métallurgie. Mais dès le début du 19e siècle, les démographes constatèrent en France un malthusianisme très prononcé. La plupart des familles tenaient à maîtriser leur fécondité pour favoriser l’ascension sociale de leurs enfants, et leur transmettre un patrimoine.
Pour faire face à la pénurie de main d’œuvre, la société Pont-à-Mousson par exemple, allait chercher les ouvriers qu’il lui fallait en Roumanie, en Pologne ou encore en Kabylie. Dans les mines, la sidérurgie, la chimie, l’électrochimie…, les ouvriers-paysans français refusaient alors les travaux pénibles. De plus, la Première Guerre mondiale avait privé l’industrie française d’environ 10% de son personnel.
Marie Curie, prix Nobel pour ses découvertes sur la radioactivité était d’origine polonaise. Les philosophes Bergson, Meyerson, Jankélévitch étaient tous d’origine polonaise. Chez les écrivains célèbres, Verlaine avait des ascendances belges, Apollinaire était d’origine polonaise, la comtesse de Ségur était la fille d’un gouverneur général de Moscou, Emile Zola était le fils d’un ingénieur italien. Plus proches de nous, Romain Gary, Joseph Kessel, Emmanuel Bove, Henri Troyat, Georges Perec… étaient d’origine russe. En matière musicale, Jacques Offenbach était d’origine allemande, Joseph Maurice Ravel et Arthur Honegger étaient de parents suisses.
S’agissant du théâtre et du cinéma, Sarah Bernhardt était d’origine néerlandaise. Ariane Mnouchkine est de père russe et de mère anglaise. Yves Montand et Serge Reggiani étaient tous d’origine italienne. Charles Aznavour, Alice Sapritch et Henri Verneuil sont de la deuxième génération de l’immigration arménienne. Tout comme Isabelle Adjani est de la deuxième génération de l’immigration algérienne. Serge Gainsbourg était d’origine russe et Coluche d’origine italienne. En sport, la liste est tout aussi longue : Wizsniewski, Budzinski, Synakowski, Kopa, Di Loro, Di Nallo, Repellini, Platini, Battiston, Bellone, Ferreri, Amoros, Luis Fernadez, Tigana, Touré, Zidane...
Aujourd’hui, dans les universités américaines, les écrivains francophones comme Alain Mabanckou et bien d’autres, sont les meilleurs ambassadeurs de la France. Mais, comme le souligne Gérard Noiriel, ce catalogue à la Prévert n’a d’intérêt que si l’on montre en quoi ces hommes ont influencé la «civilisation française contemporaine».
Sinon, le risque c’est de sombrer dans la thèse rebattue «des capacités d’assimilation de la nation française». Autrement dit, ces apports se seraient fondus dans un creuset français sans remettre en cause une identité déjà fixée, notamment depuis la Révolution française. Or, de nombreux sociologues affirment aujourd’hui, que toutes les sociétés marquées par une immigration massive témoignent ensuite d’une culture pluraliste.
Christian Eboulé, journaliste camerounais
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A l'époque le président François Mitterrand avait déclaré: «Nous sommes tous un peu roumain, un peu germain, un peu juif, un peu italien, un peu espagnol, de plus en plus portugais.» Et il ajouta: «Je me demande si déjà nous ne sommes pas un peu arabes.»
Pour ou contre l'immigration?
A l’époque, dans un essai intitulé «Le creuset français», l’historien Gérard Noiriel précisait que cette perspective était une manière de se donner «bonne conscience». Un constat qui reste vrai aujourd’hui. Car, d'une certaine façon, il faut être pour ou contre l'immigration. Et tous ceux qui sont pour, démontrent en quoi elle constitue un apport essentiel. Or, toujours selon Noiriel, en matière d’immigration, il ne s'agit pas d’être pour ou contre, et encore moins «de réhabiliter des racines, dévoiler des origines ou exalter l'identité plurielle de la France.»Il s'agit plutôt, au niveau de la communauté nationale qui incarne la république, de considérer l'immigration, non pas comme un problème extérieur, mais comme une question interne à l'Histoire de notre pays. Dans ces conditions, affirmer que l'immigration régénère la République, c'est expliquer ce que la France d'aujourd'hui doit à l'immigration. Ce qui, pour Gérard Noiriel, revient aussi à «donner à des millions d'habitants de ce pays, la possibilité de situer leur histoire personnelle, dans la grande histoire de la Nation française, afin qu'elle y ait une place légitime.»
Dans sa célèbre «Réflexion sur la question juive», Jean-Paul Sartre affirmait que «l’immigré est d’abord un homme que les autres tiennent pour immigré.» Mais qu’est-ce donc qu’un immigré? Dans le langage courant et pour nombre de nos concitoyens, les confusions sont fréquentes entre émigré et immigrés.
Or, si les premiers, comme les travailleurs étrangers, quittent leur pays pour être employés temporairement hors de chez eux, les seconds en revanche nourrissent, même de manière implicite, le projet de s’installer durablement dans le pays d’accueil.
C’est ce qui différencie le travailleur saisonnier, du jeune africain qui est prêt à perdre sa vie pour rejoindre l’Europe en passant par l’Afrique du Nord ou les Iles Canaries. Au milieu des années 1970, feu le sociologue Abdelmalek Sayad affirmait justement que dans les sociétés industrialisées, «c’est le travail qui fait naître l’immigré, qui le fait être ; c’est lui aussi, quand il vient à cesser, qui fait «mourir» l’immigré, prononce sa négation ou le refoulement dans le non-être.»
De l’utilité de l’étranger
Dans l’Hexagone plus qu’ailleurs, immigration et industrialisation sont indissolublement liés. Pour faire face à ses déficits démographiques et suppléer aux faiblesses historiques de son économie, la France a longtemps fait appel à l’immigration. En effet, malgré les progrès techniques réalisés dès le 18e siècle dans le textile et la métallurgie, l’industrialisation a été très lente en France jusqu’aux environs des années 1820-1840.Cette situation va s’aggraver avec la crise qui suivit la Révolution française et les difficultés de l’Empire. Afin de dynamiser l’industrie française et donner de la souplesse à l’économie, les autorités favorisèrent l’immigration dès le début du 19e siècle. Ils étaient ouvriers agricoles, manœuvres dans les chantiers de construction, ouvriers d’usine employés dans les postes les plus mécanisés et les plus insalubres.
A cet égard, on peut citer les Sardes qui étaient employés dans les savonneries de Marseille. Rajoutons également que, à cette époque, l’agriculture tenait une place très importante en France, et la petite paysannerie était encore prépondérante.
C’était l’ «industrialisation à la française», caractérisée par un enracinement des ouvriers de métier en zone rurale, dans des secteurs comme les mines et la métallurgie. Mais dès le début du 19e siècle, les démographes constatèrent en France un malthusianisme très prononcé. La plupart des familles tenaient à maîtriser leur fécondité pour favoriser l’ascension sociale de leurs enfants, et leur transmettre un patrimoine.
Pour faire face à la pénurie de main d’œuvre, la société Pont-à-Mousson par exemple, allait chercher les ouvriers qu’il lui fallait en Roumanie, en Pologne ou encore en Kabylie. Dans les mines, la sidérurgie, la chimie, l’électrochimie…, les ouvriers-paysans français refusaient alors les travaux pénibles. De plus, la Première Guerre mondiale avait privé l’industrie française d’environ 10% de son personnel.
Immigrés célèbres
Mais l’apport de l’immigration ne peut être limité à ces seuls aspects économiques. L’histoire sociale et culturelle de la France a aussi très largement été nourrie par l’immigration. Patrice de Mac-Mahon, qui était d’origine irlandaise, fut maréchal du Second Empire et président de la Troisième République. Le Baron Haussmann était issu d’une famille allemande. Fils d'un immigré italien, Léon Gambetta opta pour la nationalité française en 1859, il avait 21 ans.Marie Curie, prix Nobel pour ses découvertes sur la radioactivité était d’origine polonaise. Les philosophes Bergson, Meyerson, Jankélévitch étaient tous d’origine polonaise. Chez les écrivains célèbres, Verlaine avait des ascendances belges, Apollinaire était d’origine polonaise, la comtesse de Ségur était la fille d’un gouverneur général de Moscou, Emile Zola était le fils d’un ingénieur italien. Plus proches de nous, Romain Gary, Joseph Kessel, Emmanuel Bove, Henri Troyat, Georges Perec… étaient d’origine russe. En matière musicale, Jacques Offenbach était d’origine allemande, Joseph Maurice Ravel et Arthur Honegger étaient de parents suisses.
S’agissant du théâtre et du cinéma, Sarah Bernhardt était d’origine néerlandaise. Ariane Mnouchkine est de père russe et de mère anglaise. Yves Montand et Serge Reggiani étaient tous d’origine italienne. Charles Aznavour, Alice Sapritch et Henri Verneuil sont de la deuxième génération de l’immigration arménienne. Tout comme Isabelle Adjani est de la deuxième génération de l’immigration algérienne. Serge Gainsbourg était d’origine russe et Coluche d’origine italienne. En sport, la liste est tout aussi longue : Wizsniewski, Budzinski, Synakowski, Kopa, Di Loro, Di Nallo, Repellini, Platini, Battiston, Bellone, Ferreri, Amoros, Luis Fernadez, Tigana, Touré, Zidane...
Aujourd’hui, dans les universités américaines, les écrivains francophones comme Alain Mabanckou et bien d’autres, sont les meilleurs ambassadeurs de la France. Mais, comme le souligne Gérard Noiriel, ce catalogue à la Prévert n’a d’intérêt que si l’on montre en quoi ces hommes ont influencé la «civilisation française contemporaine».
Sinon, le risque c’est de sombrer dans la thèse rebattue «des capacités d’assimilation de la nation française». Autrement dit, ces apports se seraient fondus dans un creuset français sans remettre en cause une identité déjà fixée, notamment depuis la Révolution française. Or, de nombreux sociologues affirment aujourd’hui, que toutes les sociétés marquées par une immigration massive témoignent ensuite d’une culture pluraliste.
Christian Eboulé, journaliste camerounais
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Et Sarkozy créa le musulman d'apparence
J’aime la France et je ne la quitterai pas
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