Joseph Kabila et Francois Hollande samedi à Kinshasa. (REUTERS)
Reportage Le chef de l’Etat, qui a durement critiqué la situation en RDC, était l’hôte ce week-end du Congolais au sommet de la Francophonie.
Ce week-end, sous un ciel gris souris, le Palais du peuple de Kinshasa semblait avoir été soudain téléporté en Corée du Nord. Ce monumental bâtiment accueillait le XIVe sommet de la Francophonie, le premier jamais organisé en république démocratique du Congo. Mais où était la foule ? Où se cachait cette jeunesse africaine dont la vitalité a été maintes fois célébrée par François Hollande depuis son arrivée, vendredi, sur le continent noir ? Non loin de là, sur la place du Triomphe, un petit attroupement tentait vainement de donner une image festive au milieu d’une ville soudain désertée.Manifestants. Pour retrouver un peu d’animation, il fallait franchir l’impressionnant dispositif policier qui quadrillait le centre-ville auquel les Kinois ordinaires n’avaient plus accès. Etrange ambiance qui en dit long sur les crispations ayant entouré ce sommet un peu particulier. Cette curieuse glaciation tropicale semblait d’ailleurs caractériser aussi les relations entre le président français et Joseph Kabila, son homologue congolais. Tout le monde a noté la froideur de leurs salutations à l’entrée du Palais du peuple, samedi matin.
Peu après, au moment même où François Hollande s’adressait à ses pairs francophones, des manifestants, qui tentaient de se regrouper dans un quartier périphérique, étaient dissuadés à coups de gaz lacrymogènes. On ignore le nombre exact de blessés mais il y aurait eu plusieurs arrestations : «Au moins cinq», suggérait dans la soirée Eugène Tshisekedi, le principal leader de l’opposition, persuadé que Kabila lui a «volé» sa victoire à la présidentielle de 2011. Tshisekedi et son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social, ont longtemps été les plus farouches opposants à la venue de Hollande. Une visite alors perçue comme une «caution» au régime en place.
Mais, samedi, alors qu’Hollande vantait les valeurs de la francophonie dans l’auditorium du Palais du peuple, un proche de Tshisekedi se réjouissait, lui, de cette occasion inespérée pour placer la RDC sous les projecteurs du monde entier. A condition d’oser quelques vérités. Or, l’opposant Eugène Diomi Ndongala est persuadé que le durcissement de ton du président français, mardi depuis Paris, a favorisé sa libération. «Le pouvoir congolais a dû penser qu’il fallait lâcher un peu de lest», souligne-t-il, assis aux côtés de Patrizia, sa femme d’origine italienne, dans sa jolie villa du quartier résidentiel de Ma Campagne.
Diomi avait soudain disparu le 27 juin, enlevé par cinq hommes non loin de la cathédrale. Très vite, les autorités ont prétendu qu’il était en fuite après avoir violé deux mineures.
Les policiers qui avaient déjà saccagé le siège de son parti, Démocratie chrétienne, y auraient retrouvé du Viagra et des préservatifs usagers par dizaines. Très vite, les proches de Diomi réussissent à démonter ces accusations. Mais leur mobilisation semblait vaine jusqu’à ce que Diomi réapparaisse, mercredi soir, largué sur une route en pleine nuit. Baladé dans trois lieux de détention, les yeux toujours bandés, interrogé parfois de manière musclée «sur les soutiens de l’opposition dans l’armée», Diomi est aujourd’hui persuadé que le «miracle» de sa libération doit beaucoup aux premières critiques publiques du président français, qui avait jugé «inacceptable» la situation des droits de l’homme et l’absence de démocratie en RDC.
Opposants. Samedi, au Palais du peuple, Hollande a certes été moins véhément, tout en réaffirmant que la démocratie devait être «une priorité» de la francophonie face à un parterre de chefs d’Etats qui n’ont pas tous un pedigree irréprochable dans ce domaine.
Dans son discours, le chef de l’Etat a surtout apporté son «soutien» au peuple congolais, en réalisant la prouesse de ne jamais mentionner le président hôte. Le même jour, il a inauguré à l’Institut français une médiathèque Floribert-Chebaya, du nom d’un défenseur des droits de l’homme assassiné en juin 2010, et un temps accusé, lui aussi, de viol sur mineures par les autorités. Hollande a également rencontré des opposants, dont, en fin de journée, Etienne Tshisekedi, à la résidence de l’ambassadeur de France.
A l’extérieur, dans les jardins qui dominent le fleuve Congo, la communauté française se pressait déjà autour des petits fours. «Si je suis si exigeant, c’est parce que j’aime l’Afrique», s’est enthousiasmé le Président, qui venait de passer ses premières vingt-quatre heures sur le continent en tant que chef d’Etat. Mais, en réalité, dans chacun de ses discours, il a également su conforter le régime congolais en dénonçant très durement la guerre qui sévit dans l’est du pays depuis que des rebelles ont repris les armes, en mars.
«La guerre dans l’Est ? C’est un prétexte qui permet à Kabila de détourner l’attention», considère pour sa part Diomi, qui n’a guère d’illusions sur le projet français, également annoncé par Hollande, d’élargir le statut de la Monusco, la mission de l’ONU présente au Congo : «La plus chère et la plus inefficace des missions de l’ONU», rappelle-t-il. L’opposant s’inquiète : «Hollande reparti, le sommet achevé, qui va nous protéger?»
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