dimanche 7 octobre 2012
Guerre dans l’Est : Kamerhe propose la solution politique
(Le Potentiel 06/10/2012) «Il faut arrêter la guerre !» C’est par ces mots que le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) Vital Kamerhe vient de «rompre son silence.» Des pistes de sortie de crise sont proposées à cette occasion sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. «Des erreurs», il y en a eu reconnait Vital Kamerhe. Elles sont à la base de l’embrasement de cette partie de la République. Tous ont péché, il faut construire, désormais, un esprit de cohésion nationale. 88 points ont constitué le menu de la déclaration du président de l’UNC.
Le président de l’Union pour la Nation congolaise (UNC), Vital Kamerhe, a délié sa langue pour briser son «long silence» sur la guerre qui sévit actuellement dans l’Est de la RDC. C’était lors d’une déclaration politique faite, hier vendredi 5 octobre à Kinshasa, devant un parterre de cadres de sa formation politique, de l’Opposition et ainsi que des quelques membres de la Société civile.
D’entrée de jeu, Vital Kamerhe a déclaré que la «la partie étant en péril», tous les Congolais doivent sauver l’essentiel : «la RDC, notre patrimoine commun.»
Pour l’ancien speaker de l’Assemblée nationale, le péril, ce sont ces guerres récurrentes qui déstabilisent la RDC depuis bientôt deux décennies et ravagent les populations civiles.
Après avoir expliqué les causes lointaines et les conséquences de cette situation, il a relevé des « erreurs » y afférentes, commises par la communauté internationale, le Rwanda et l’Ouganda, les gouvernements successifs de la RDC, les acteurs politiques et la société civile du pays, ainsi que par lui-même, en sa qualité de président honoraire de l’Assemblée nationale.
Vital Kamerhe reproche aux casques bleus, donc la communauté internationale, notamment de n’avoir pas désarmé les milices Interahamwe et les militaires FAR, responsables du génocide au Rwanda. Et moins encore, de ne les avoir pas séparés des civils rwandais qui fuyaient la guerre de 1994 au Rwanda. Le désarmement et le trie auraient pu s’opérer avant leur entrée sur le territoire congolais. Et «pourtant l’ONU en avait tous les moyens».
Des erreurs du Rwanda et de l’Ouganda seraient, d’après lui, entre autres de continuer à croire qu’ils peuvent résoudre les questions de sécurité de leurs pays respectifs, uniquement par la voie militaire, soit en intervenant directement sur le territoire congolais ou en appuyant des rebellions congolaises.
Aux yeux de l’enfant terrible de Bukavu, les acteurs politiques ont, depuis 1960, commis les erreurs de créer des partis politiques confinés dans des cercles claniques, tribaux et provinciaux, sans vision et sans projet.
La société civile congolaise est devenue «politiquement civile», les uns s’alignant du côté du pouvoir et les autres du côté de l’opposition politique non armée.
Après toutes ces accusations, Vital Kamerhe a reconnu avoir commis lui-même les erreurs et a laissé aux autres le soin de le juger.
Epris de paix, le président de l’UNC plaide pour l’arrêt de la guerre dans l’Est de la RDC. Pour ce faire, il a, entre autre, invité Kinshasa et Kigali à un dialogue sincère, ainsi que tous les pays de la sous-région des Grands Lacs à œuvrer tous pour une solution globale, juste et équitable pour une paix durable en Afrique centrale. Un extrait de la Déclaration de Vital Kamerhe.
Plan de sortie de crise
A. Que faire ?
30.La réponse: il faut arrêter la guerre parce que, malgré quelques victoires enregistrées par les FARDC au début des hostilités, nous craignons que la corruption et le dysfonctionnement au sein de l'armée ainsi qu'au sommet de l'Etat ne conduisent à une véritable débâcle qui pourrait nous entrainer dans la somalisation de la RDC. Il y a un risque sérieux que cette guerre s'étende vers le Sud (Sud-Kivu et Nord-Katanga) et vers le Nord (Ituri) au vu de la multiplicité des acteurs impliqués et groupes armés.
31. Kigali et Kinshasa doivent se parler sincèrement et conclure une vraie paix des braves autour de grandes questions telles que la sécurité commun des frontières, des groupes armés, du trafic illicite des minerais du Congo, etc. Par ailleurs, les mémorandums présentés par différents mouvements armés ne doivent pas être totalement ignorés quand, par exemple, il y est fait mention de détournement des soldes et rations alimentaires des militaires et de l'injustice dans l'octroi des grades.
32. Puisque le gouvernement de la RDC est déjà en discussion avec le M23, sous l'égide du Président Yoweri Museveni qui préside la Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs, c'est un secret de polichinelle, il devra élargir ce cadre d'évaluation et de discussion avec les autres groupes armés de façon à pacifier totalement l'Est de la RDC. Le Président de la République devra associer tous les leaders politiques et de la Société civile de tous bords, ainsi que la diaspora congolaise, à la recherche d'une solution durable à ce problème qui concerne la nation congolaise toute entière.
33. Nous devons nous rendre à l'évidence. Aucune opération militaire, y compris les opérations conjointes avec l'Ouganda et le Rwanda sur le territoire congolais, n'a apporté la solution escomptée, à savoir l'anéantissement des rebellions et des groupes armés du Rwanda et de l'Ouganda sur le territoire congolais. A notre humble avis, toutes ces solutions se sont plus attaquées aux effets qu'aux causes réelles de l'insécurité dans la sous région des grands lacs.
34. Nous devons donc tous œuvrer pour une solution globale, durable, juste et équitable pour tous les pays de la sous région des grands lacs. L'objectif devra être: « la paix pour tOUS» ; en RDC, au Rwanda, en Ouganda et au Burundi. Et pour cela, l'approche qui combine des solutions politique, diplomatique, économique, humanitaire, de coopération régionale, du développement et militaire nous semble la mieux appropriée.
35. Après avoir établi les responsabilités des uns et des autres, comment se présente le plan de sortie de crise que nous comptons soumettre en détails aux membres de la CIRGL et de la Communauté internationale?
B. Comment «sortir de la grande nuit» notre sous-région ? a) Sur le plan politique
36. A l'instar de l'Afrique du sud d'après l'apartheid, la RDC devra tenir une grande rencontre de « vérité et réconciliation» sans exclusive. Le pouvoir, l'opposition politique, les mouvements armés (tous), la société civile, doivent y participer pour un plus grand débat national autour des termes de référence ci-après: les causes et toute la vérité sur les guerres à répétition à l'Est et les moyens d'y mettre un terme ; la crise de légitimité: vérité des urnes; la restructuration de la CENI ; la restructuration du CSAC; la mise en place de la Cour Constitutionnelle; la tenue des élections provinciales,
37. municipales et locales; les questions de bonne gouvernance et de droits de l'homme.
38. Il faut recréer la cohésion nationale. Le pouvoir en place devrait créer des conditions de décrispation politique par des gestes forts. Il connaît très bien le cahier des charges de l'Opposition et de la Société civile. Aussi longtemps que l'on sera divisé et fragile à l'intérieur, la Communauté internationale ne pourra que se limiter à faire des communiqués sans
lendemain. La responsabilité première de rechercher la paix incombe aux leaders congolais. Dans son discours du haut de la Tribune de la 67ème session ordinaire de l'Assemblée Générale des Nations unies, le Président Joseph KABILA ne dit pas autre chose que ce que nous avançons: « Nous sommes conscients, dit-il, que c'est à nous Congolais, qu'il revient de défendre notre patrie et d'assurer l'ordre public et la sécurité sur l'ensemble du territoire national.
Nous sommes déterminés à assumer cette responsabilité et entendons y consacrer toutes nos ressources humaines, matérielles et financières ... Nous demeurons également déterminés à garantir la cohésion nationale et a assurer une égale protection à tous les citoyens congolais». Il faut maintenant urgemment passer de la parole aux actes pour concrétiser cet engagement solennel fait devant la Communauté internationale.
En effet, il n'y a pas que des mauvaises choses à mettre sur le compte du Président de la République. Ce serait malhonnête de ma part. C'est pourquoi, je voudrais rappeler au Président de la République qu'à chaque fois, qu'il s'est humilié, il a été élevé et a abouti à des résultats spectaculaires. Nous pouvons à ce propos rappeler ceci:
A son accession au pouvoir, quand il a réhabilité le facilitateur Masire, discuté avec le MLC et le RCD, l'opposition politique et la société civile, échangé directement avec le Président Paul KAGAME sous l'égide du Président MBEKI, et avec le Président Yoweri MUSEVENI sous l'égide du Président Eduardo Dos Santos, il a permi l'installation des institutions de la transition dans la formule 1+4 jusqu'au élections de 2006.
Quand il a gagné ces élections, il a rendu visite le lendemain à son challenger Jean Pierre BEMBA ; ce qui était un acte de grandeur. Les preuves de sa détermination « à garantir la cohésion nationale et à assurer une égale protection à tous les citoyens congolais » que nous attendons de lui sont du même ordre, càd, abandonner tout ce qui nous a conduit à l'échec et au chaos et réiterer ce qui a marché et a permis la pacification et la réunification du pays.
Il est possible aujourd'hui que le Président de la République puisse à cet égard, donner dans l'humilité des signaux forts de sa détermination et de son engagement pour la cohésion nationale. A titre d'exemple, je me permets de mentionner:
une visite surprise à Monsieur Etienne Tshisekedi, l'écouter le rassurer et lever le cordon sécuritaire qui entoure sa résidence. Cet homme s'est beaucoup battu pour la démocratie dans notre pays, il ne mérite pas le traitement humiliant qu'il subit actuellement, demander officiellement à la CPI de clôturer le dossier de Jean-Pierre BEMBA, libérer les détenus d'opinion (CHALUPA, KUTHINO, MOKIA et bien d'autres .. )
Et rassurer Mbusa NYAMUISI, DIOMI Ndongala et Roger LUMBALA, qu'ils peuvent revenir au pays en toute quiétude participer à la recherche de la paix. Laisser l'opposition s'exprimer librement en dehors et à l'intérieur de l'hemicycle,
Rendre une visite surprise au Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, ce grand serviteur de Dieu qui m'a beaucoup inspiré dans la conduite des débats à l'Assemblée Nationale en me positionnant comme l'Eglise au milieu du village.
Il s'est toujours battu pour la promotion des valeurs chrétiennes, spirituelles et morales et pour la promotion de la démocratie dans notre pays. Il mérite considération et respect.
J'en profite pour saluer ici le rôle constructif des confessions religieuses et de la société civile qui se battent sans relâche pour ramener la cohésion nationale et aboutir ainsi à une paix durable.
Cette cohésion nationale suppose également que soit prise en compte les attentes des jeunes et des femmes, principales victimes de la spirale de violence et des guerres, mais aussi acteurs dynamiques et majoritaires de notre développement national.
b) SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE
39. La RDC, le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda devraient s'engager, sous les auspices des Nations-Unies et des leaders de la sous-région, dans un dialogue franc et sincère.
c) SUR LE PLAN ECONOMIQUE
40. Renforcer et étendre à d'autres minerais, le mécanisme de traçabilité d'exploitation des minerais à l'Est du Congo en cours.
41. Il faut jeter les bases d'une véritable intégration économique régionale où finalement tous les pays de la sous-région vont se sentir obligés de veiller à leurs intérêts réciproques.
d) SUR LE PLAN DE LA COOPERATION REGIONALE
42. Point n'est besoin ici de rappeler la position géostratégique de la RDC au cœur de l'Afrique. Avec ses 9 voisins, ce sont autant d'opportunités de coopération que le pays devra rentabiliser par la réalisation des projets gagnant-gagnant, comme cela fut le cas entre la France et l'Allemagne Fédérale, à la sortie de la deuxième guerre mondiale.
43. Ce n'est qu'avec ce genre de projets de mise en commun de nos intérêts réciproques que la sous-région des Grands- Lacs et l'Afrique centrale toute entière pourront offrir à tous, les garanties d'une grande stabilité, car chaque pays y
trouverait son compte.
Écrit par LE POTENTIEL
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