(Le
Potentiel 04/10/2012)
Prendre Goma ? La menace lancée lundi 1er octobre par le
M23, le mouvement composé de militaires, essentiellement des Tutsis, entrés en
mutinerie en avril et qui contrôle le Nord-Kivu (Est de la République
démocratique du Congo), ne semble pas être prise au sérieux à Kinshasa, la
capitale de la RDC.
À une dizaine de jours de l’ouverture du 14ème Sommet
de la Francophonie, du 12 au 14 octobre, le gouvernement congolais rejette d’un
revers de main l’avertissement de la rébellion : « Chaque jour, le M23 fait une
annonce dans le seul but de faire parler de lui. Or, les rebelles ne peuvent pas
avancer d’un kilomètre sans l’aide de leurs alliés rwandais », confie Lambert
Mende, le porte-parole du gouvernement, joint par téléphone à New York où il est
en déplacement.
« Seule une offensive rwandaise serait prise au sérieux.
Mais depuis que les Nations unies ont dévoilé le rôle central de Kigali dans
cette rébellion, les Rwandais sont obligés d’adopter un profil bas. Même si le
président rwandais, Paul Kagamé, dément la participation active de son pays
auprès du M23, personne n’est dupe. De plus en plus isolé, il ne peut plus faire
ce qu’il veut dans le nord du Kivu », souligne Lambert Mende.
Une armée
peu équipée
Plusieurs points vont à l’encontre de cette thèse. En
quelques jours, une série d’attaques meurtrières ont touché la ville du
Nord-Kivu. Des attaques attribuées, par les uns, à des soldats de l’armée
congolaise des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), par
les autres, aux rebelles du M23. Et par d’autres encore, à des éléments des
FARDC au service du M23… Si la plus grande confusion règne sur l’origine et les
motifs de ces attaques, elles fragilisent la ville et accentuent le climat
d’insécurité. C’est d’ailleurs pour lutter contre cette insécurité que le M23 a
menacé, lundi, de s’emparer de la ville.
Par ailleurs, les rebelles, qui
ne sont qu’à une trentaine de kilomètres de Goma, ont en face d’eux une armée
peu équipée, mal organisée, démoralisée et sans doute infiltrée par des
informateurs de la rébellion, et qu’ils ont défaite à plusieurs reprises. «
Militairement, le M23 a les moyens de prendre la ville. Il a fait la preuve de
sa supériorité sur les FARDC. Pour autant, est-ce son intérêt ? Je suis
sceptique », dit un observateur occidental en poste à Kinshasa. « L’écho négatif
dans la communauté internationale serait immense. Le M23 se sait observé. Il n’a
aucun intérêt à faire l’unanimité contre lui, surtout alors qu’on évoque l’envoi
d’une force internationale dans le Kivu, ajoute-t-il. Par ailleurs, il n’est pas
sûr que les rebelles aient les moyens d’administrer cette ville de plus de
400.000 habitants. Ils ont été formés à faire la guerre et non la paix ».
Positions consolidées
« Le M23 a d’autant moins besoin de lancer
son offensive sur Goma qu’en réalité il contrôle déjà la ville depuis longtemps,
ajoute un bon observateur. Ses hommes sont en place dans l’administration, dans
la police, dans les FARDC. Tout le monde sait cela, à Kinshasa. Infiltrés,
cachés, ils peuvent contrôler plus discrètement les trafics : en premier lieu
l’exploitation des minerais, abondants dans la région ». « Ce qui se déroule
dans le nord du Kivu est un jeu de poker menteur, ajoute un autre observateur
kinois. Chaque camp tient des propos menaçants sur le devant de la scène pour
faire plaisir à ses partisans. Mais, en réalité, tout le monde négocie dans les
coulisses une sortie de crise. Si le gouvernement congolais nie tout contact
avec le M23, on sait qu’il dialogue avec lui en sous-main, directement ou par
des intermédiaires comme les Tanzaniens. D’ailleurs, depuis le début du mois
d’août, les deux camps observent une trêve relative ».
Indifférent à ces
discours optimistes, le M23 s’est emparé lundi matin de tous les villages situés
sur l’axe Kiwanja-Ishasha, long de 60 kilomètres, dans le nord-est du territoire
de Rutshuru (Nord-Kivu). Avec Bunagana, tombé au début du mois de février,
Ishasha est un nouveau poste frontalier entre la RDC et l’Ouganda tenu par le
M23. Une opération qui consolide les positions des rebelles dans le nord du
Kivu.
Écrit par Laurent Larcher
© Copyright Le
Potentiel
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