Présentation du témoin
Jan Vanden Bloock était, au moment de l’assassinat de Lumumba, conseiller politique au consulat général belge à Élisabethville. Il fut rapidement informé du décès de Lumumba. Il s’agit d’un témoin très important concernant la diffusion de l’information de la mort de Lumumba en Belgique. Il peut éclairer la commission sur une éventuelle procédure de désinformation et d’intoxication. Questions les plus importantes : 1. Est-il exact que le ministre Wigny n’avait pas entière confiance en Crener, et que c’est la raison pour laquelle il a adjoint Vanden Bloock à Crener comme conseiller politique ? (version De Witte). 2. Etait-ce Vanden Bloock qui assurait la correspondance au consulat, Crener la contresignant ? 3. Quels étaient les moyens de communication avec Bruxelles (télex, téléphone, courrier), officiels, et officieux ? Le témoin avait-il des contacts privilégiés avec l’un ou l’autre membre du cabinet du ministre ? Lorsqu’il devait envoyer des notes secrètes pour le ministre, quel était la procédure ? 4. A la suite d’un télégramme de Dupret (Brazzaville) du 24 décembre 1960, qui est une demande de Bomboko pour le transfert de Lumumba au Katanga, Vanden Bloock réagit par l’envoi d’un télégramme à Bruxelles précisantque l’envoi au Katanga n’est pas opportun, qu’Elisabethville n’en veut pas, pour différentes raisons, et que ce serait une mauvaise opération pour la Belgique, qui serait suspectée de collusion avec le Katanga. Le témoin conclut en disant : « Bakwanga me paraît dès lors bon compromis ».Il y a des questions qui se posent : 1. A-t-il suggéré Bakwanga par déduction personnelle, et Bakwanga est-il d’accord d’accepter Lumumba et pourquoi ? 2. Il est évident que le transfert de Lumumba à Bakwanga signifiait sa mort assurée, est-ce que c’est ce qu’il souhaitait, ou la mort de Lumumba lui était-elle tout simplement indifférente ? 5. Dans son analyse du danger de transférer Lumumba à Elisabethville, il y a un argument fort : le transfert risque de faire apparaître des liens formels entre Léopoldville et Elisabethville ? Pourquoi était-ce si redoutable ? Et dans ces conditions, le désir du ministre d’Aspremont de transférer Lumumba à Elisabethville n’était-il pas motivé par le fait de mettre en relief ces liens, posant ainsi un geste annonciateur de la fin de la sécession katangaise ? 6. Vandewalle arrive au début du mois de janvier 1961 à Elisabethville. Quelles étaient ses activités, et son pouvoir d’influence ? Sur qui s’exerçait-il ? Comment expliquer son inaction après l’arrivée de Lumumba, et dans les heures tragiques qui suivirent ? 7. Comment étaient les relations entre Tignée et Munongo ? 8. Le 17 janvier 19691, le témoin, quand apprend-il l’arrivée de Lumumba ? Comment se fait-il qu’aucun compatriote à Léopoldville ou à Bruxelles n’a prévenu le consulat sinon du transfert, au moins de la possibilité d’un transfert imminent ? 9. Que fait-il à l’annonce de l’arrivée de Lumumba ? Dans la soirée ? Participe-t-il à des discussions, des mises au point sur la situation ? 10. Quand apprend-il la mort de Lumumba ? Est-il informé des circonstances de son décès ? Bartelous est formel, il a prévenu Vanden Bloock de la mort de Lumumba le matin du 18 janvier, après l’avoir lui-mêmeappris de la bouche de Tshombe. Le témoin est-il d’accord ? 11. Le 18 janvier, Vanden Bloock envoit au cabinet des Affaires étrangères le message suivant, signé Bloock/ Crener : « Lumumba, Mpolo et Okito ont été amenés par avion spécial hier après-midi à Elisabethville, où ils sont incarcérés temporairement en attendant leur transfert vers un autre lieu de détention. Gouvernement katangais était en principe d’accord mais a été surpris par arrivée précipitée ». Ou ce message est un mensonge, parce que le témoin était au courant de la mort de Lumumba, ou il est sincère et il était mal informé. Mais alors, pourquoi ne trouve-t-on pas dans les jours qui suivent un message de sa part annonçant la mort de Lumumba ? 12. A-t-il communiqué l’information à Bruxelles, par un autre canal, le téléphone, un courrier ? A qui ? 13. Le témoin était une liaison essentielle avec Bruxelles, il ne pouvait pas dissimuler une telle information, sous peine de faute grave, et donc de sanction. Il avait la capacité, la légitimité et le devoir d’informer le ministre des Affaires étrangères d’un événement aussi considérable que l’assassinat du premier Premier Ministre congolais, un événement qui pouvait déstabiliser la Belgique sur le plan international. La meilleure manière d’aider la Belgique était de lui laisser le choix de diffuser ou non une information exacte. 14. S’il n’avait pas communiqué l’information à Bruxelles, était-ce de sa propre initiative, ou parce que on lui a demandé de ne pas le faire ? Qui lui a demandé de ne pas le faire : Crener, Vandewalle, Clemens ? 15. Rothschild a-t-il été prévenu par téléphone à Bruxelles de la mort de Lumumba ? Si oui, pourquoi Crener a-t-il envoyé, le 18 janvier 1961, le télégramme 56, rédigé comme suit :« Suite communication téléphonique avec Rothschild le 18 janvier 1961 à 17 heures confirme que : (…) Lumumba avait été molesté avant son arrivée et il est inexact de dire qu’il a été frappé violemment à Elisabethville tant par officiers blancs que par gendarmes katangais. (…) Ministre Munongo et son chef de cabinet Tignée ont déclaré qu’ils le feraient examiner par un médecin pour constater l’état dans lequel il a été amené au Katanga. » ?16. Pourquoi ne pas avoir à l’occasion de ce coup de téléphone prévenu Rothschild de la mort de Lumumba ?17. Pourquoi faut-il un télégramme pour confirmer une communication téléphonique. Est-ce un procédé courant ? 18. Le 20 janvier, Crener et Vanden Bloock signalent au ministre Wigny qu’aucun Belge n’est impliqué dans la garde de Lumumba dont le lieu de détention est maintenu secret. Wigny était-il abusé par ces informations, ou s’agissait d’une intoxication concertée pour ne pas dévoiler la mort connue de Lumumba ? 19. Le témoin a-t-il eu un entretien téléphonique avec Lebrun, collaborateur à Bruxelles du ministre Wigny, le 21 janvier 1961, entretien au cours duquel fut évoquée la mort de Lumumba ? 20. Le ministre Wigny transmet, le 27 janvier 1961, un télex à Vanden Bloock :« Vous (Vanden Bloock) prie de rentrer à Bruxelles en consultation pour 48 heures début semaine prochaine. Votre voyage devra coïncider avec celui de Wéber et Clemens également appelés en consultation ».Il répond le matin du lundi 30 janvier qu’il arrivera à Bruxelles mardi matin, donc le 31 janvier, Clemens étant déjà parti le 29 janvier. Ce qui est exact, sauf que Wéber ne se rendra pas à Bruxelles. 21. Le 31 janvier, à Bruxelles, se trouvent Clemens, et Vanden Bloock. Informe-t-il enfin le ministre Wigny de la mort de Lumumba ? Lors de sa rencontre avec le ministre, qui est avec lui ? Qui informe-t-il d’autre ? Faitil un rapport détaillé de ce qu’il sait de la mort de Lumumba ? Est-ce un rapport écrit ? 22. Si le ministre Wigny est informé, comment se faitil que, dans ses mémoires, Wigny prétende avoir été informé de la mort de Lumumba le 3 février, par le ministre Gilson lors d’un conseil des ministres ?
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VAN LIERDE JEAN
HOCKERS MARYSE DURIEUX JEAN CORDY JEAN NYNS JACQUES NDELE ALBERT NENDAKA VICTOR KALONJI ALBERT GROSJEAN RENE SMAL RENE GRANDELET CLAUDE SPANDRE MARIO VERDICKT ARMAND BARTELOUS JACQUES DAVIGNON ETIENNE BRASSINNE JACQUES VANDEN BLOOCK JAN KIBWE JEAN-BAPTISTE HARMEL PIERRE HEUREUX PAUL ONAWELHO ALBERT VERHAEGEN BENOIT VERVIER FERNAND LAHAYE ANDRE MUKAMBA JONAS WEBER GUY GILSON ARTHUR HUYGHE CHARLES (CARLO) BOMBOKO JUSTINE GERARD JO HOLLANTS VAN LOOCKE JAN VANDERSTRAETEN LOUIS FRANCOIS |
Témoignage2.1. Jan Vanden Bloock a été entendu par la commission d’enquête le 16 juillet 2001. Il a également été entendu, à huis clos, le 3 septembre 2001. Voici une synthèse de l’audition publique du 16 juillet 2001. 2.2. Le témoin est parti pour la première fois au Congo en juin 1960, en tant que consul général. Il a dû retournertrès rapidement en Belgique, du fait de la rupture des relations diplomatiques. À la demande de Wigny, il est retourné à Élisabethville en septembre 1960 en tant que diplomate, afin d’assister le consul général présent sur place. Il y est resté jusqu’à la fin du printemps 1961. Cela se passait au moment où le bureau d’assistance technique, Mistebel, était restructuré. Le témoin devait remplacer Rothschild à la tête de Mistebel. Cette mission a ensuite évolué. Sa mission, qui lui avait été confiée verbalement par Wigny avant son départ, consistait à éviter que l’indépendance du Katanga, proclamée le 11 juillet, ne devienne définitive. On voulait faire en sorte que la stabilité et les richesses du Katanga profitent à l’ensemble du pays. 2.3. Son bureau était situé dans le bâtiment du consulat général, mais il y travaillait sans dépendre de Crener, le consul général, en tant que conseiller politique. En ce qui concerne les communications avec Bruxelles, le témoin pouvait utiliser tous les moyens du consulat général pour correspondre de manière confidentielle avec Bruxelles. Pour autant qu’il puisse se souvenir, il recourait essentiellement à des messages codés, étant donné que c’était là, à son avis, la meilleure méthode, compte tenu de la situation dans le pays. Le principal contact à Bruxelles était Lebrun, le responsable des relations de la Belgique avec le Congo, le Rwanda et le Urundi, bien que les télex fussent adressés à Rothschild, le chef de service. 2.4. Vanden Bloock a envoyé à Bruxelles un télex, dans lequel il précisait que Tshombe ne pouvait marquer son accord sur le transfert de Lumumba au Katanga, parce qu’il craignait qu’un tel accord laisse présumer qu’il existait un lien officiel entre le Katanga et Léopoldville. Une alternative était de le transférer à Bakwanga. 2.5. En réponse à la question, formulée au sein de la commission, de savoir si l’insistance de Bruxelles pour que l’on transfère malgré tout Lumumba n’était pas singulière, le témoin a déclaré qu’il régnait à Bruxelles « une méfiance grandissante » à l’égard de Lumumba en tant que leader éventuel du Congo. En outre, étant donné que Léopoldville ne pouvait plus assurer sa détention, il fallait éviter à tout prix qu’il puisse s’enfuir vers Stanleyville. Étant donné qu’il avait de plus en plus de partisans, tant Léopoldville que Bruxelles estimaient que le mieux était de le transférer au Katanga. Bakwanga a également été considérée par les Katangais comme une alternative éventuelle, parce qu’ils étaient conscients que le transfert était délicat pour eux et qu’ils pensaient que l’on veillerait, à Bakwanga, à ce que Lumumba ne puisse plus occasionner de dégâts politiques.2.6. Vanden Bloock précise que le Bureau-Conseil, dirigé par Clemens, existait déjà lorsqu’il est arrivé au Congo. Cet organe s’occupait en fait de toute l’assistance technique au Congo. Vandewalle, qui ne faisait pas partie du Bureau, était un homme de confiance de Bruxelles. 2.7. Le témoin a déclaré qu’il ne connaissait pas à l’avance la date à laquelle les prisonniers arriveraient. Le 18 janvier 1961, il a envoyé à ce sujet un télex à Bruxelles. Il n’était pas à l’aéroport à leur arrivée. Vanden Bloock nie que Bartelous l’ait informé de la mort de Lumumba le 18 janvier. Il se peut qu’il ait été le seul Belge au Katanga à ne pas être informé et qu’en tant que représentant des Affaires étrangères, il n’ait pas été informé de tout. Bartelous l’a certes informé du décès, mais plus tard. Il ne se rappelle pas la date précise à laquelle il a été informé, mais est disposé à la vérifier. Selon ses dires, il était préoccupé ces jours-là du sort des prisonniers. Il était convaincu qu’ils étaient encore en vie. Il n’avait pas non plus entendu de rumeurs à propos de leur mort. 2.8. Le témoin ne se souvient plus de la raison pour laquelle il avait été appelé à Bruxelles le 31 janvier, mais peut le vérifier dans les archives des Affaires étrangères. 2.9. Le témoin explique la dualité des relations avec Bruxelles par le fait qu’il y avait, d’une part, des relations entre le consulat général et le ministère des Affaires étrangères, et, d’autre part, des relations entre le Bureau-Conseil et le ministère des Affaires africaines. Les contacts sur place entre le consulat général et le Bureau-Conseil se limitaient à des échanges personnels et sociaux. Avec l’Union-minière aussi, il n’avait que des contacts personnels. Il n’avait pas connaissance de fonds secrets. Les Affaires étrangères n’acceptaient pas que les fonds dont disposait l’Union-minière profitent uniquement au Katanga; ils devaient être destinés à l’ensemble du pays. 2.10. Rétrospectivement, Vanden Bloock est étonné que les événements aient été passés tout à fait sous silence au Katanga. Il précise qu’aucun communiqué faisant allusion aux faits n’a été envoyé à Bruxelles vers le 18 janvier.Données biographiquesNé à Vilvorde, le 5 mai 1922.Formation : docteur en droit (Université libre de Bruxelles en 1945). Candidat en sciences commerciales (Institut supérieur du commerce à Bruxelles). En Afrique : consul général à Stanleyville en juillet et août 1960. De septembre 1960 à février 1961 : Conseiller politique du consulat général à Elisabethville. De novembre 1969 à mai 1974 : ambassadeur à Kinshasa. |
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