VAN LIERDE JEAN
HOCKERS MARYSE DURIEUX JEAN CORDY JEAN NYNS JACQUES NDELE ALBERT NENDAKA VICTOR KALONJI ALBERT GROSJEAN RENE SMAL RENE GRANDELET CLAUDE SPANDRE MARIO VERDICKT ARMAND BARTELOUS JACQUES DAVIGNON ETIENNE BRASSINNE JACQUES VANDEN BLOOCK JAN KIBWE JEAN-BAPTISTE HARMEL PIERRE HEUREUX PAUL ONAWELHO ALBERT VERHAEGEN BENOIT VERVIER FERNAND LAHAYE ANDRE MUKAMBA JONAS WEBER GUY GILSON ARTHUR HUYGHE CHARLES (CARLO) BOMBOKO JUSTINE GERARD JO HOLLANTS VAN LOOCKE JAN VANDERSTRAETEN LOUIS FRANCOIS | |
Témoignage2.1. Étienne Davignon a été entendu par la commission d’enquête le 13 juillet 2001. 2.2. Jeune diplomate stagiaire, Davignon a participé à la Conférence de la table ronde début 1960, en tant que représentant du ministre des Affaires étrangères au sein de la délégation belge. Son impression est que l’atmosphère à cette conférence était bonne. Après la rupture des relations diplomatiques avec Bruxelles, Davignon est resté au Congo à la demande de Kasa Vubu, afin de maintenir un canal de communication avec la Belgique. Il était attaché au poste d’Élisabethville, dirigé par Rotschild. Il est remarquable qu’après la rupture, les assistants techniques belges soient restés en place. Au cours du second semestre de l’année 1960, la situation était relativement confuse. Les canaux de communication étaient nettement moins performants et efficaces que ce n’est le cas aujourd’hui. Avec Westhof, Davignon a envoyé de nombreux télégrammes à Bruxelles concernant la situation au Congo. Le département des Affaires étrangères tenait à rester informé de la situation sur place; l’assistance aux Belges séjournant au Congo relevait également de ses missions. Davignon connaissait personnellement un certain nombre de protagonistes congolais.2.3. Une question importante abordée au sein de la commission était de savoir dans quelle mesure des instructions étaient données au sujet de conseils et d’avis à donner à Kasa Vubu Selon Davignon, sa mission ne se limitait pas à Léopoldville, mais s’étendait également jusqu’à Élisabethville. Sa mission consistait tout d’abord à réconcilier Élisabethville et Léopoldville. Faute de quoi, on craignait que la communauté internationale et les Nations unies ne prennent les afffaires en mains au Congo. Ensuite, il fallait normaliser les relations avec le Congo. Plus les visions de Kasa Vubu et de Lumumba s’écartèrent, plus Davignon se rallia à la tendance Kasa Vubu. En réponse à la question de savoir s’il y avait des instructions émanant de la diplomatie belge au sujet de la destitution de Lumumba et si Kasa Vubu avait procédé à la destitution de son propre chef et par ses propres moyens, Davignon précise qu’il ne connaissait absolument pas les intentions concrètes de Kasa Vubu. Pour les décisions et les options importantes, les Congolais décidaient seuls, en dépit de tous les avis possibles formulés par les Européens. Au cours des entretiens qu’il a eus avec différents dirigeants congolais, le témoin a dit que si l’on souhaitait normaliser les relations avec la Belgique (retour de la coopération, aide, etc.), cela serait plus facile si Lumumba n’était plus premier ministre. À la question de savoir s’il existait des actions belges spécifiques visant la destitution de Lumumba, le témoin a répondu catégoriquement par la négative. Les instructions avaient trait à la normalisation des relations, mais pas vraiment à la personne de Lumumba. Cependant, fait-on observer au sein de la commission, il existe des télex qui attestent le contraire (31 août et 1er septembre 1960). Wigny évoquait clairement, dans un télex destiné à Davignon, les procédures et les règles juridiques qui devaient être suivies en vue d’un remaniement du gouvernement congolais. Selon le témoin, la question de savoir comment on pouvait se débarrasser de Lumumba revêtait une importance cruciale pour les milieux dirigeants congolais. Il existait, dans le chef des congolais, des questions juridiques concernant la compétence. On voulait s’arroger une légitimité en respectant un certain formalisme juridique ou administratif. Le télégramme en question devait permettre de répondre aux questions posées. Cela revêtait de l’importance, étant donné que l’on voulait devancer les Nations unies, qui étaient elles-mêmes également partagées entre deux camps. Davignon répond par l’affirmative à la question de savoir s’il a contribué à donner à Kasa Vubu les instruments lui permettant de faire ce qu’il se proposait. Il ne croitcependant pas que Kasa Vubu ait entrepris son action parce qu’il le lui aurait conseillé spécifiquement. La destitution répondait-elle à un souhait du gouvernement belge ? Selon Davignon, c’était évident. Le témoin a cependant été surpris par l’annonce de Kasa Vubu selon laquelle il destituerait Lumumba, bien que cette hypothèse eût déjà été évoquée. Kasa Vubu avait dit à Davignon qu’il ne pouvait plus s’entendre avec Lumumba. Davignon n’a jamais informé officiellement Bruxelles que Lumumba allait être destitué. On craignait, préalablement à la destitution, que Lumumba et son parti ne fussent pas disposés à jouer le rôle de l’opposition démocratique. On redoutait des échauffourées et même la formation d’un gouvernement séparatiste. Lumumba, avec son charisme, était certainement en mesure de former un tel gouvernement. Kasa Vubu, Bomboko et Mobutu étaient très inquiets de cette perspective. Dans un télex du 3 septembre 1960, les autorités belges auraient parlé de « notre » souhait de renverser Lumumba. Selon Davignon, il s’agit d’une allusion aux discussions entre les autorités congolaises et la Belgique, destinées à assurer un retour à la normale. 2.4. Le témoin assistait à la rencontre de Paris entre Bomboko et Rothschild, les 10 et 11 janvier 1961, où il fut question du rétablissement officiel des relations entre la Belgique et le Congo, au sujet duquel il n’y avait en fait pas de différend. On discuta toutefois davantage de la réconciliation entre Léopoldville et Élisabethville et des propositions que l’on pourrait faire à Tshombe afin de reconnaître l’autorité de Kasa Vubu en tant que président de l’ensemble de la république. Davignon ne se souvient pas que l’on ait parlé de Lumumba à cette occasion. Son cas n’était en effet plus une source de préoccupation; pour les Affaires étrangères, c’était une affaire congolaise. 2.5. En ce qui concerne la décision de transférer Lumumba de Thysville, Davignon a répondu en commission que Lumumba était très gênant pour certains politiques congolais et que l’on voulait éviter à tout prix qu’il participe à nouveau au pouvoir. Davignon précise qu’en ce qui concerne le télex du 16 janvier 1961 de d’Aspremont relatif au transfert de Lumumba, il a toujours trouvé, personnellement, que c’était une mauvaise idée, parce que ce transfert compliquerait considérablement le processus de réconciliation entre Léopoldville et Élisabethville. Ce sont les Congolais eux-mêmes qui ont demandé d’insister auprès de Tshombe pour qu’il accepte Lumumba. Tshombe avait en effet refusé dans un premier temps. Kandolo partageait également cette conception des choses et il insistait par conséquent auprès des Belges. Davignon estimait que la Belgique devait répondre qu’elle ne pouvait pas s’immiscer dans cette affaire.2.6. Le 5 février 1961, Davignon est arrivé à Élisabethville afin de se concerter avec Tshombe pour continuer à oeuvrer à la réconciliation entre Élisabethville et Léopoldville, notamment en exécution des décisions prises lors de la réunion de Paris (10 et 11 janvier 1961). En quittant l’avion, il a appris que Lumumba était mort. Bien que les canaux diplomatiques et militaires fussent manifestement informés selon certains témoins, ni Davignon ni l’ambassadeur Carlier n’étaient au courant de la mort de Lumumba. Sinon, ils ne se seraient jamais rendus à Élisabethville pour se concerter avec Tshombe. Selon certains témoins et certaines sources — ainsi qu’il est souligné en commission — Rothschild aurait déjà reçu un appel téléphonique le 18 janvier vers 17 heures. Selon Davignon, il n’est pas exclu que Rothschild et d’Aspremont se soient concertés à propos du transfert de Lumumba. Il est toutefois très improbable que cette concertation ait également porté sur le sort qui attendait Lumumba. Il est impensable que Rothschild aurait laissé partir Davignon et Carlier au Katanga au moment où se produisaient de pareils faits dans lesquels ils auraient pu être impliqués. Il est impensable que le ministre du département n’ait pas été informé de la mort de Lumumba. Dans un télégramme du 16 septembre 1960, le témoin évoque l’éloignement de Lumumba pour pouvoir faire face à la désorganisation à Léopoldville. Davignon entendait par là que Lumumba ne pouvait plus exercer de responsabilités politiques et qu’il devait être remplacé conformément aux lois congolaises. A cette époque, Lumumba prétendait encore être le chef de gouvernement légitime, ce qui a posé les problèmes que l’on connaît aux Nations unies en matière de représentation. Avec un nouveau gouvernement congolais, on pouvait renouer des relations et oeuvrer au rétablissement de l’ordre. Il était clair que, tant que Lumumba resterait au gouvernement, il serait impossible de coopérer et d’atteindre les objectifs définis.Données biographiquesNé à Budapest (Hongrie), le 4 octobre 1932. Formation : docteur en droit (Université catholique de Louvain). Professeur à l’Université catholique de Louvain de 1980 à 1983.Divers : ministère belge des Affaires étrangères à partir de 1959. Stagiaire au ministère des Affaires étrangères. Actif tant à Bruxelles qu’au Congo. Opère en tant qu’agent de liaison. A partir de 1964 : chef de cabinet des ministres Harmel et Spaak. De novembre 1969 à décembre 1976 : directeur général de la politique. Étroitement associé à la politique africaine de la Belgique (indépendance du Ruanda et de l’Urundi, règlement du conflit belgo-zaïrois). Associé à l’élaboration du rapport Harmel et du rapport Davignon. Ancien commissaire européen. |

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