(Le Potentiel 09/08/2012)
Echec ! C’est le mot à retenir du sommet de Kampala où les
chefs d’Etat du Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL)
ont planché sur l’instabilité dans l’Est de la RDC. Quatre raisons sont à la
base de ce raté prévisible : les caprices de Kagame exaspèrent ses soutiens
occidentaux face au drame humanitaire vécu dans l’Est de la RDC. Puis, le poids
de l’opinion publique congolaise qui veille au grain voire aux détails. Ensuite,
le quorum des chefs d’Etat présents à ce sommet sème le doute sur leur adhésion
à la démarche. Enfin, Kampala est considéré comme juge et partie. Encore du
temps perdu !
Les pays de la Conférence internationale pour la
région des Grands Lacs (CIRGL) n’ont pas pu se mettre d’accord sur la
composition de la Force internationale neutre devant être déployée, en principe,
à la frontière entre la RDC et le Rwanda pour neutraliser tous les «forces
négatives», dont les FDRL et le M23 ainsi que d’autres groupes armés, qui
opèrent dans la partie Est de la RDC.
La déclaration finale
signée hier mercredi 8 août à Kampala par les chefs d’Etat et de délégations de
la CIRGL, après un jour de prorogation, n’a pas non plus résolu le problème.
Bien au contraire. Elle donne la preuve de profondes divergences qui ont
caractérisé la réunion de Kampala. Ainsi, en campant chacun sur sa position,
Kinshasa et Kigali, ont fait échouer une réunion, censée pourtant baliser la
voie à l’opérationnalisation de la Force internationale neutre.
Cependant, une brèche a vite été trouvée à Kampala pour
camoufler l’échec de cette rencontre. Un sous-comité, composé des ministres de
la Défense de la CIRGL, a été mise en place, avec pour principale mission de
proposer des pistes de solutions pour «l’opérationnalisation» de la Force
internationale neutre.
Pour leur part, c’est dans «quatre
semaines» que les chefs d’Etat et de gouvernement de la CIRGL ont promis de se
rencontrer pour lever une option définitive quant à l’opérationnalisation de
cette Force internationale neutre.
Les raisons de
la dérive
Pour une fois, Kigali n’a pas trouvé gain de cause dans
ses revendications. Kinshasa est ainsi parvenu à le faire fléchir. Raison de
plus pour s’interroger sur les raisons de la dérive de Kampala. Quatre cas de
figure se présentent en vue d’un décryptage objectif de cette
situation.
La première hypothèse est à chercher du côté de
Kigali. En effet, depuis un temps, Kagame ne passe plus pour «l’enfant chéri»
des Occidentaux. Les mêmes qui l’ont fait «Roi» dans la région des Grands Lacs,
comme avec Mobutu, ne sont plus disposés à le soutenir dans l’option levée de
faire perdurer l’instabilité dans l’Est de la RDC! La vérité est que le génocide
rwandais de 1994 que Kagame a toujours utilisé comme fonds de commerce pour
légitimer son action dans la sous-région ne convainc plus. Les millions de morts
enregistrés dans l’Est de la RDC dérangent la conscience
internationale.
Longtemps placé dans la position de victime,
Kagame s’est révélé au grand jour comme le principal bourreau dans la région des
Grands Lacs. Il passe désormais pour la variable de déstabilisation des Grands
Lacs. C’est prenant en compte cette donne que ses principaux soutiens, entre
autres, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et bien d’autres, ont fini par
l’abandonner. Les suspensions successives des aides bilatérales font foi
!
Au-delà de la pression extérieure exercée sur Kagame, l’opinion
publique congolaise a également pesé dans les choix de Kampala. La «marche de
l’espérance» organisée par l’Eglise catholique le 1er août 2012 a été
l’électrochoc dans l’attitude adoptée par Kinshasa. La délégation congolaise se
savait suivie par une opinion désormais très regardante quand il s’agit de la
question des provinces du Kivu et de toute la partie orientale du
pays.
A Kampala, le gouvernement congolais n’avait pas d’autre
choix que celui de se soumettre à la volonté populaire, clairement exprimée, via
les médias, l’Eglise catholique et diverses autres Organisations de la Société
civile. Agir autrement serait faire preuve de trahison envers un peuple, dont
plus de neuf millions sont déjà tombés sur le champ de bataille de
l’Est.
Mais à Kampala, la question de quorum n’a pas été en
faveur de l’agenda de Kigali. Car, seuls cinq chefs d’Etat de la CIRGL ont fait
le déplacement de la capitale ougandaise. Comment dans ces conditions adopter
une résolution opposable à tous ?
Loin de toutes ces hypothèses,
il y a aussi le président ougandais Museveni qui aurait, visiblement, refusé de
jouer le mauvais jeu. Un peu comme le Ponce Pilate pour couvrir les forfaits de
son voisin, le Rwanda. Même si Kampala fait partie, dans les coulisses, des
soutiens au M23, Museveni cherche encore à protéger son image pour se refaire un
crédit sur le plan international.
Le tout récent passage à
Kampala de la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, devrait être pour
beaucoup dans cette attitude affichée par Museveni. Kampala joue certainement sa
carte, avec ambition de se positionner comme point focal de la politique
américaine dans les Grands Lacs. Museveni le sait. Il n’y a donc pas de raison
pour lui d’alourdir son passif en se lançant aveuglement dans l’aventure de
Kagame. L’échec des négociations pourrait bien se justifier de ce point de
vue.
Que faire alors à Kinshasa pour capitaliser cet acquis de
Kampala. Maintenir la pression en se cambrant davantage sur la ligne de conduite
qui accentue l’isolement de Kigali. Il s’agit donc pour le gouvernement
congolais de garder le cap, en refusant de tomber, une fois de plus, sous le
charme des chants de cygne de
Kigali.
Encadré
Déclaration des chefs d'Etat et de
Gouvernement des Etats membres de la Conférence internationale sur la région des
Grands Lacs (CIRGL) concernant la situation sécuritaire dans l'Est de la
République démocratique du Congo (RDC)
• Nous, chefs d'Etat et de
gouvernement des Etats membres de la Conférence internationale sur la région des
Grands Lacs (CIRGL), réunis à Kampala, en Ouganda, les 7 et 8 août 2012, à
l'invitation de S.E. Mr. Yoweri Museveni, président de la République de
l'Ouganda et président en exercice de la CIRGL, pour discuter de la situation
sécuritaire dans l'Est de la République démocratique du Congo;
•
Rappelant notre décision prise à Addis-Abeba, le 15 juillet 2012, de nous réunir
à Kampala, en Ouganda, le 7 et 8 août 2012, pour discuter sur les causes
profondes de l'insécurité dans l'Est de la République démocratique du Congo, et
trouver des voies et moyens pour résoudre la crise humanitaire;
•
Prenant note de la réunion des ministres de la Défense de la CIRGL sur la
situation sécuritaire dans l'Est de la République démocratique du Congo, tenue à
Khartoum, le 1er août 2012 ;
• Ayant examine le rapport de la
réunion extraordinaire du Comité interministériel régional (CIMR) de la CIRGL
sur la situation sécuritaire dans l'Est de la République démocratique du Congo,
tenue à Kampala, le 6 aout 2012;
• Reconnaissant que la gravité
de la situation sécuritaire et humanitaire dans l'Est de République démocratique
du Congo constitue une menace sérieuse à la paix, à la sécurité, à la stabilité
et au développement dans la région des Grands Lacs;
•
Considérant que la détérioration sérieuse de la situation sécuritaire et
humanitaire dans l'Est de la République de la démocratique du Congo est due à
l'action armée du Mouvement, dit M23;
• Rappelant notre
engagement ferme aux termes du Pacte de la CIRGL sur la sécurité, la stabilité
et le développement dans la région des Grands Lacs du 15 décembre 2006 et les
protocoles y afférant;
• Rappelant notre déclaration sur la
situation sécuritaire dans l'Est de la République démocratique du Congo, faite à
Addis-Abeba, lors du sommet extraordinaire du 15 Juillet 2012;
•
Notant que les efforts diplomatiques déployés jusqu'a présent par la région à
travers le président du sommet en exercice S.E. Yoweri Museveni ont conduit à
une accalmie dans les zones de combats dans l’Est de la République démocratique
du Congo;
• Déterminés à chercher des solutions locales aux
problèmes que connait la région des Grands Lacs a travers des Mécanismes
régionaux existants;
• Considérant que les discussions du sommet
de Kampala se sont déroulées dans une atmosphère conviviale, fraternelle et
constructive;
1. Mener des actions vigoureuses de façon à faire
cesser définitivement les combats dans l’Est de la République démocratique du
Congo, sans exclure la possibilité de prise de sanctions à l'endroit de ceux qui
obstruent le processus de paix ;
2. D'appuyer les efforts par le
gouvernement de la République démocratique du Congo pour la restauration de la
paix et de la sécurité dans l’Est de la République démocratique du Congo,
particulièrement dans la province du Nord-Kivu;
3. Mettre sur
pied un Sous-comité des ministres de la Défense des Etats membres suivants: la
République d'Angola, de la République du Burundi, de la République du Congo, de
la République démocratique du Congo, du Rwanda, de la République d'Ouganda et de
la République Unie de Tanzanie;
- Le mandat du Sous-comité sera
d'arrêter des actions urgentes à mener afin que les combats cessent
définitivement dans l’Est de la République démocratique du Congo, ainsi que
d'arriver la consolidation de la paix, de la sécurité et de la
stabilité;
- Le Sous-comité devra également proposer des éléments
précis sur l'opérationnalisation de la force internationale neutre
;
- Le Sous-comité sera présidé par le ministre de la Défense de
la République d'Ouganda;
- Le ministre assurant la présidence en
exercice du Comite interministériel de la CIRGL participe également au
sous-comité pour tout ce qui concerne les aspects diplomatique ;
4. Donner au dit Sous-comité une période de deux semaines pour
soumettre un rapport intérimaire au président en exercice de la CIRGL, et une
période de quatre semaines pour soumettre son rapport final au sommet des chefs
d'Etats de la CIRGL ;
5. Demander au président en exercice de la
CIRGL de bien vouloir continuer ses consultations, notamment pour le
rétablissement de l'équipe d'envoyés spéciaux et la consolidation de la paix
dans l'Est de la République démocratique du Congo ;
6. Créer un
Fonds d'assistance humanitaire aux populations sinistrées suite à la
détérioration sécuritaire dans l'Est de la République démocratique. Encourager
les Etats membres et les partenaires et contribuer à ce Fonds, et remercier la
République d'Ouganda de s'être engage à verser 1 millions de dollars américains
à ce Fonds.
7. Appeler la communauté internationale pour qu'elle
apporte une assistance humanitaire complémentaire aux populations sinistrées. De
faire en sorte que les voies d'accès aux populations sinistrées ne soient pas
obstruées ;
8. Remercier le gouvernement de la République
d'Ouganda et le peuple ougandais pour l'accueil chaleureux qui nous a été
accorde.
Fait à Kampala, le 8 aout 2012
Publié le jeudi
9 août 2012 00:51
Écrit par Les raisons de la dérive
© Copyright Le
Potentiel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire