(L'Avenir Quotidien 28/06/2012)
Sur la scène internationale, des concerts et autres ballets diplomatiques sont signalés tant du côté des autorités congolaises que rwandaises. * Cependant, comme les amis de mon ennemi sont politiquement mes ennemis jurés, la ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la Coopération, Mme Louise Mushikiwabo, secoue tous les cocotiers de la planète, sabrant injures à Kinshasa et sourires de vendeur à New-York, jusqu’à stigmatiser la Monusco et le HRW qui détiennent pourtant des preuves accablantes pour son pays * Cette attitude de Kigali, véritable loup en peau de brebis, qui s’attire même la sympathie de certains experts onusiens, n’est qu’une traditionnelle stratégie du pays de mille collines à trouver des astuces sur fond de larmes de crocodile, chaque fois que son implication est avérée.
Après Kinshasa la semaine dernière, la ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la Coopération, Mme Louise Mushikiwabo s’est rendue à New-York, siège des Nations Unies, activant ainsi la diplomatie et chercher coûte que coûte à se dédouaner face aux accusations qui pèsent sur son pays dans l’actuelle déstabilisation de la Rdc.
Aidée par sa maîtrise de la langue de Shakespeare, la chef de la diplomatie rwandaise a appelé les médias « à faire leur travail au lieu de prendre pour argent comptant les allégations sur l’implication du Rwanda dans le conflit qui oppose, depuis le 30 avril dernier, les mutins du M-23 aux forces congolaises dans les provinces du Kivu, en République démocratique du Congo (RDC) ». Mme Mushikiwabo l’a ainsi exprimé au cours de la conférence de presse qu’elle a donnée lundi 25 juin au siège des Nations Unies à New York, en compagnie de M. Patrick Karuretwa, Conseiller en matière de sécurité du Président rwandais Paul Kagame.
Donneur de leçons habituel, Kigali l’insinue au 4ème pouvoir, comme ce fut du reste le cas à Kinshasa où, par la même gorge profonde, la ministre avait exigé que la République démocratique du Congo apprenne à éduquer ses populations. Une insulte qu’il faudra longtemps digérer. Cependant, aux chevaliers de la plume accourus à son point de presse, elle persiste et signe que le modèle journalistique vient de son pays ! Elle qualifie des faits avérés d’ « allégations ». Comme si les journalistes étaient eux-mêmes incapables de faire la part des choses.
Une stratégie made in Rwanda
En voulant donc inculquer cette thèse à qui veut l’entendre, Mme Mishikiwabo trouve une autre astuce made in Kigali : « il faut noyer son chien accusé de rage ». Le Rwanda fustige son chien enragé Human Rights Watch (HRW), une Ong américaine qui l’a cloué au pilori dernièrement, au moyen d’un rapport massue dit de l’implication direct du Rwanda aux côtés des M23.
« Les vrais ennemis de la RDC ne sont pas les groupes armés qui pullulent dans la région mais bien Human Rights Watch », a commenté M. Patrick Karuretwa, Conseiller du Président rwandais en matière de sécurité. Il a dénoncé les « rapports fallacieux » de l’ONG, une source de désinformation dont le travail crée plus de conflits que de solutions. A beau mentir qui vient de loin, dit un proverbe français. Et comme si cela ne suffisait pas, elle s’en prend becs et ongles, et cela pour une nième fois consécutive, à ‘’son bourreau’’ la Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo (Monusco).
Néanmoins, sans se poser probablement une question fondamentale sur la relation étroite qui lie cette mission qui totalise 10 ans déjà en Rdc et l’Onu sa mère, Madame la ministre rwandaise devrait savoir aussi qu’elle était bel et bien sur le sol américain, mieux au siège des Nations Unies. Et comme la complicité est ici de mise, ce ne sont pas les autorités onusiennes qui ont encore de la matière contre celle qui crache sur elle en pointant le doigt dans l’œil de leur mission en Rdc. Les deux personnalités rwandaises ont mis en cause la (MONUSCO) qui, en 10 ans, n’est pas parvenue à mettre fin aux souffrances de la population civile dans l’Est de la RDC.
Du coq à l’âne
Une autre erreur commise par la Ministre rwandaise des Affaires étrangères est celle d‘avoir caressé les oreilles des participants à cette conférence de presse, les invitant à privilégier les faits. Quels faits ? Si l’on regarde la vérité en face, il n’est pas autre fait que l’agression camouflée de Kigali à Kinshasa, son voisin.
Même si le terme agression n’est pas encore prononcé dans cette affaire qui creuse des tombes, il est aussi curieux que cette intervention mette un accent sur ce que la ministre rwandaise a qualifié de « campagne de désinformation contre le Rwanda, conduisant à des actes de violence sur les Rwandais vivant en Rdc ».
A ce jour, il est démontré que la Rdc a et demeure la meilleure terre d’asile, un havre de paix pour les Rwandais. Plusieurs d’entre eux s’y retrouvent et s’y sentent d’ailleurs mieux que chez eux. Mais que de penser du coq à l’âne et ouvrir une plaidoirie hors sujet, des débats sur la nationalité acquise ou non devra être relancé ?
S’il y a désinformation, c’est aux autorités rwandaises de retrouver la boussole cassée. Que les autorités congolaises aient saisi le Conseil de sécurité des Nations Unies, qu’elles aient exigé la publication des annexes du rapport de la Monusco, établissant les responsabilités de tous les intervenants dans cette crise, leurs pseudonymes aux couleurs congolaises,… rien ne tombe aux allures d’une contre-vérité ou d’une désinformation. Cependant, Kigali devra apporter ses preuves et mettre à nu toutes les mains noires lui tendues, sollicitant l’écartement pur et simple de Joseph Kabila de la tête de la Rdc, comme l’a affirmé dernièrement Paul Kagame.
En outre, prendre pour raisonnement l’interpénétration culturelle dans l’Est de la Rd pour renvoyer la balle dans le camp congolais, lavant les Rwandais de tout soupçon est une contre vérité. Il faut être d’ailleurs dingue pour se laisser prendre. Dans cette partie de la planète, les habitants se connaissent bien, très bien même. Ils savent qui est qui, ses origines, ses richesses, … Parler les mêmes langues ne font pas d’un étranger un autochtone. Ce n’est pas non plus le fait de parler anglais à New York que l’on devient d’office américain non.
Le début du malheur rwandais
Le 4 juin dernier, l’ONG « Human Rights Watch » annonçait que les enquêtes menées dans l’Est de la RDC ont révélé que des responsables militaires rwandais ont fourni des armes, des munitions ainsi qu’environ 200 à 300 recrues à la mutinerie du M-23, dirigée par Bosco Ntaganda, lui-même sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale (CPI).
Selon Mme Mushikiwabo, la rhétorique anti-rwandaise rappelle tristement celle qui avait prévalu avant le génocide de 1994. Elle a souligné que son gouvernement suit attentivement l’évolution de la situation et, comme on devait s’y attendre, son pays ne soutient aucun groupe armé en RDC et ne voit aucun intérêt à déstabiliser la région. Curieusement, la Ministre a dit ne pas comprendre pourquoi, après les réunions bilatérales qu’elle a eues à Kinshasa, les 18 et 19 juin derniers, sur la situation dans l’Est de la RDC, les autorités congolaises ont par la suite jugé bon de saisir le Conseil de sécurité.
Dans une lettre datée du 22 juin, le Gouvernement congolais, qui dit avoir « diligenté une enquête pendant qu’étaient mis en œuvre, parallèlement, les mécanismes conjoints institués par la RDC et le Rwanda » demande au Conseil de sécurité de « rappeler son voisin à ses obligations internationales et d’exiger le retrait immédiat et sans conditions des membres de ses forces armées qui se dissimileraient dans les rangs de la rébellion ». En attendant, le Conseil de sécurité, par son Comité des sanctions imposées en RDC, a été saisi d’un rapport intérimaire du Groupe d’experts qui affirmerait avoir des preuves que trois des plus hauts gradés de l’armée rwandaise soutiennent la mutinerie du M-23.
L’Ue stigmatise le Rwanda
La 3179ème session du Conseil affaires étrangères de l’Union européenne, tenue à Luxembourg le 25 juin 2012 a examiné aussi la situation dans l’est de la RDC. Il s’avère donc que l’UE suit avec préoccupation la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’Est de la Rdc. Elle condamne la mutinerie et la reprise des combats dans la province du nord Kivu et appelle tous les pays de la région à coopérer activement avec les autorités congolaises en vue de démobiliser le groupe M23 et tous les autres groupes armés. L’UE s’inquiète des récentes informations de soutien extérieur aux mutins en contravention avec le régime des sanctions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle demande que les informations dignes de foi fassent l’objet d’une enquête circonstanciée.
En outre, l’UE enjoint les partenaires de la région, en particulier la RDC et le Rwanda, à poursuivre le dialogue. Et ce, afin de mettre fin au plus vite à la violence et établir une solution politique durable. A cet effet, elle enjoint tous les acteurs, y compris les groupes armés, à tout mettre en œuvre pour protéger les populations et permettre l’accès de l’aide humanitaire. Enfin, l’UE réitère son appel à ce que tous les responsables de violations graves soient traduits en justice et encourage la MONUSCO à poursuivre les efforts de stabilisation qui relèvent de son mandat, et en particulier en ce qui concerne la protection des populations civiles. Elle rappelle son engagement pour promouvoir la stabilité, la sécurité et le développement dans la région y compris au travers du travail effectué notamment par les instruments européens dans le domaine clé de la réforme du secteur de sécurité.
L’Avenir
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