(Le
Potentiel 20/04/2012)
Alors que le ciel s’assombrit sur l’avenir de la RDC, la
classe politique se morfond dans la course au pouvoir. Tous sont guidés par un
seul réflexe : le pouvoir pour le pouvoir. Tous, Majorité et Opposition, donnent
finalement raison à l’auteur de l’ouvrage : « RD Congo. La République des
inconscients ».
Malgré les élections de 2006, puis celles de 2011, la RDC
peine à trouver le bout de tunnel. Du fait de sa classe politique qui se perd en
conjectures, en n’ayant pas les deux pieds sur terre. L’avenir du pays se trouve
hypothéqué par manque d’un vrai débat sur les enjeux actuels. Cette
préoccupation est occultée au profit du raccourci qui conduit à l’enrichissement
facile. Pendant ce temps, les attentes du souverain primaire en rapport avec son
social et sa sécurité sont reléguées aux oubliettes.
« C’est dans l’Est
que se joue l’avenir du pays. Mais, on en fait un fait divers et personne n’ose
toucher doigt la plaie », commente un analyste politique, visiblement dépité
devant l’inconscience de la classe politique congolaise.
Cela rappelle
la publication en 2010, par le sénateur Modeste Mutinga, d’un ouvrage intitulé:
« RD Congo. La République des inconscients ».
A l’époque, ce titre était
à la fois provocateur et évocateur. Quant à l’auteur, il a été taxé de tous les
maux pour avoir osé mis le doigt dans la plaie.
Deux ans plus tard,
l’ouvrage reste d’actualité. Les inquiétudes de l’auteur demeurent intactes.
D’ores et déjà, en liminaire, il poussait la classe à quitter sa léthargie : «
Mon plus grand souhait, est que cette interpellation ne reste pas un livre de
plus dans les bibliothèques. Mais qu’elle constitue un petit coup de plus afin
de produire un déclic visant une prise de conscience nécessaire au changement
des mentalités ». Aujourd’hui, avec un peu de recul, son cri de détresse ne
semble pas avoir été entendu. Preuve, s’il en était, que cinq ans après les
premières élections, supposées libres, démocratiques et transparentes, la RDC
tarde à trouver ses vrais repères.
La classe politique qui devait, comme
sous d’autres cieux, servir d’éclaireur a presque échoué dans sa mission de
guider et canaliser les aspirations de la population pour l’émergence d’un «
pays plus beau qu’avant »,tel que souhaité dans l’hymne national.
«
Qu’est-ce qu’on a eu comme débat de campagne pendant les élections de 2011. Rien
du tout », rappelle un autre analyste politique.
Et de poursuivre, «
c’est vrai qu’un peuple mérite ses dirigeants mais, dans l’état actuel de la
RDC, il se pose un réel problème. Dans la Majorité, tout comme dans
l’Opposition, personne n’a une vision claire sur l’avenir de ce pays. Tous
naviguent à vue et tous ne sont guidés que par leurs seuls intérêts ». Il a fait
le constat selon lequel le peuple et l’avenir de ce pays sont le cadet des
soucis de la classe politique. « Je pensais que la classe politique allait
changer. Mais, c’est pire qu’avant. Le pays se meurt », conclut-il avant de
donner raison à Modeste Mutinga qui ne s’est pas gêné de qualifier ce pays de
République des inconscients.
L’EVEIL EST POSSIBLE, MAIS…
Face
au désastre, faut-il tomber dans la résignation ? Est-ce que le peuple congolais
mérite de vivre dans les conditions qui sont les siennes aujourd’hui ? Pas du
tout. Il ne s’agit pas d’une fatalité. Il est possible de rebâtir ce pays en
repartant sur de bases solides. La refondation d’une grande nation au cœur de
l’Afrique passe la prise de conscience de la classe politique, d’abord ensuite
de tout le peuple congolais.
Toujours dans l’ouvrage du sénateur
Mutinga, le professeur Tshiyembe Mwayila trouve dans sa préface des mots justes
pour le dire. « Face au bilan calamiteux des 50 ans d’indépendance de la RDC,
aucun esprit pensant ne peut rester insensible au sort macabre de la majorité
des congolais », écrit-il. Il remue le couteau dans la plaie lorsqu’il reprend
les sujets qui devaient alimenter le débat dans la classe politique. « L’armée
républicaine, l’administration publique, la gestion des intelligences, la
revalorisation de l’agriculture sont autant de chantiers du futur que les élites
congolaises doivent ensemencer si elles veulent demain construire un pays plus
beau qu’avant ». Il ne s’arrête pas là. Il ajoute qu’à ce scénario, se greffent
les craquellements de la souveraineté dans lesquels s’engouffrent les guerriers
nomades Mbororo venus du Soudan, du Tchad et probablement de la Somalie, les
rebelles ougandais de LRA, semant la mort et la désolation en territoire
congolais. Il ne minimise pas les métastases des rébellions dans l’Est, le Bundu
dia Kongo, les Enyele, etc.
Malheureusement, le cri du professeur
Mwayila est presque tombé dans les oreilles des sourds. Le Congolais, avec lui
son élite et sa classe politique, est comme frappé d’une amnésie collective qui
l’empêche de voir la réalité en face.
A cette allure, il n’est pas exclu
de dire que le pays court à sa perte. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer
la situation qui prévaut dans l’Est où l’on tente sans relâche de mettre en
marche le vieux plan de la balkanisation de la RDC. Sinon, rien ne pourrait
justifier les troubles récurrents enregistrés dans cette partie du pays.
Comme si la mesure prise récemment par le chef de l’Etat les y poussait,
des milices aux diverses natures et origines ont repris du service : Pareco,
Yakutumba, Raia Mutomboki (dans les Kivu) et Cobra Matata(Ituri). Les seigneurs
de guerre tentent de reprendre du poil de la bête et crachent sur la fin des
opérations militaires. Quid ? Il y a donc problème. Et il faut le résoudre. Sans
tarder.
TOUS COUPABLES
Que restera-t-il à nos dirigeants si
le pays était démantelé ? A Kinshasa, on en est encore et toujours au partage du
pouvoir dans les institutions. Pendant ce temps, le pays sur lequel ils comptent
exercer leur imperium pourrait leur échapper. Vu sous cet angle, ils sont tous
coupables : Majorité et Opposition. Du fait de leur boulimie du pouvoir et de la
poursuite de leurs intérêts personnels.
Pour revenir à l’ouvrage du
sénateur Mutinga, le professeur Biyoya pense que « le problème n’est pas de
crier haro sur la République, mais de trouver les voies de conjurer le mal ». Il
lance, par la suite, le grand débat. « Peut-il nous être possible d’utiliser les
retombées de la démocratie électorale pour obtenir le renouvellement de la
classe politique et d’utiliser rationnellement des élites congolaises ? »,
s’interroge-t-il.
Les élections du 28 novembre 2011 étaient une belle
occasion d’y arriver. Mais, le peuple a été une fois de plus dupé par ceux qui
lui ont confisqué son pouvoir, au nom d’un calcul politique suicidaire pour le
pays.
A tout prendre, rien n’est encore perdu. Il suffit d’un sursaut de
patriotisme doublé d’une prise de conscience des enjeux et autres défis qui
s’imposent pour reconstruire le pays.
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Potentiel
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